THOMAS LUBANGA DEVRAIT-IL ETRE JUGE PAR LA CPI EN RDC? ENTRETEMPS L'AUTRE PRISONNIER CONGOLAIS EST ARRIVE A LA HAYE.
Un article d'IWPR (Institut for War and Peace Reporting) soulève cette
question avec des commentaires de certains analystes.
"Son procès n'a pas encore commencé mais il est déjà possible que le
seul détenu de la Cour pénale internationale retourne en République
démocratique du Congo (RDC) ne serait-ce que pour une partie du procès.
La Cour a confirmé le mois dernier avoir commencé une étude
préliminaire sur la possibilité de tenir une partie du procès contre le chef de
milice Thomas Lubanga au Congo.
Mais les analystes interviewés par IWPR sont divisés sur la question de
savoir si le procès in situ - un procès qui se tient dans la région
affectée - est la meilleure option pour Lubanga, qui doit commencer son
procès à La Haye l'année prochaine.
Certains ont suggéré que des audiences du procès dans le pays où les
crimes se sont produits devraient être encouragées du fait qu'elles
auraient plus de sens pour le peuple congolais, particulièrement les
victimes d'atrocités.
D'autres, en revanche, estiment que ramener Lubanga au Congo ravivera
les tensions et conflits dans ce pays déchiré par la guerre où la paix
est encore fragile. [...]
Le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, un partisan des procès in
situ, a expliqué à IWPR, “Nous pensons qu'il est important d'être proche
des victimes autant que possible et sommes d'accord avec ce principe.”
Il explique qu'un procès au Congo pourrait renforcer la réconciliation
entre les communautés qui sont toujours en mauvais terme. [...]
Anneke van Woudenberg, chercheur specialize sur le Congo pour Human
Rights Watch, est également d'avis qu'un procès in situ aura un grand
impact dans la région. [...]
“La justice est plus efficace quand elle est faite aux yeux de tous,”
expliqe t-elle. “Et c'est difficile de le faire… au Congo. C'est
difficile de le faire lorsque les gens n'ont pas de télévision, car c'est le
cas de bon nombre d'entre eux. C'est important qu'ils aient cette
opportunité.”
Cependant, certains activistes sur le terrain en pensent autrement,
estimant que le temps n'est pas encore propice pour que Lubanga revienne
au Congo.
Beck Bukeni Waruzi, directeur d'AJEDI-Ka/Projet Enfants Soldats, une
ONG de l'Est de la RDC, explique que tenir le procès de Lubanga au Congo
ravivera les tensions dans le pays où deux conflits qui ont duréprès de
huit ans ont donné lieu à 4 millions de morts.
“Thomas Lubanga est toujours populaire. Il a toujours des alliés,” a
déclaré Waruzi. “Même si certains soldats ont été intégrés dans l'armée
nationale, les soldats de l'UPC sont toujours armés. Ils ne peuvent pas
supporter que leur chef soit jugé dans un pays sans pouvoir se
défendre.”
Bien que Waruzi soit d'accord que tenir procès dans les régions
affectées permet généralement de rendre la justice plus proche des victimes,
il pense que ce cas est une exception dans la mesure où il s'agit du
premier procès de la CPI.
“Je pense que la Cour doit faire attention,” a-t-il expliqué. “Je ne
pense pas qu'ils ont besoin d'amener Thomas Lubanga là-bas. Cette cour
cherche à aller trop loin et va au delà de ce qu'elle est censée faire …
et cela pourrait remettre en cause le procès.”
Waruzi a expliqué que la réputation de la CPI est déjà tachée dans
l'esprit des congolais, qui ne sont pas convaincus que la Cour travaille
pour leur profit. Un procès in situ serait un grand signe d'espoir mais
qui pourrait intensifier encore plus le climat politique plutôt que
faciliter la paix.
Sonia Robla, responsible de l'information publique à la CPI, a déclaré
à IWPR que la question est pour l'instant à la phase préliminaire et
qu'une décision finale de tenir une partie du procès au Congo en revient
aux juges de la CPI. [...]
Robla a expliqué [...] que la sécurité des témoins et victimes est une
preoccupation clée.
“Tous les participants seront consultés avant qu'une décision ne soit
prise,” a-t-elle expliqué.
Tenir une partie du procès - voir tout le procès - [au Congo]
représenterait à n'en pas douter un énorme travail à organiser et il en
reviendrait probablement au Greffe de la CPI de le faire.
“Le Greffe doit accepter de le faire,” a expliqué Luc Walleyn, un
représentant légal pour les victimes dans l'affaire Lubanga. “Mais je ne
suis pas sur que tenir un procès in situ soit une bonne idée.” [...]
“Même si les audiences commencent à La Haye, il est bien possible qu'il
y ait une décision en juin et que nous nous rendiions au Congo. Il est
possible que la Cour s'y rende pour interviewer les témoins [...],”
a-t-il ajouté. [...]
Déplacer un système sophistiqué tel que la CPI dans un pays instable où
les tensions sont encore grandes pourrait être un cauchemar du point
de vue logistique, a indiqué Walleyn.
Les juges et les avocats dépendent énormément d'Internet, par exemple
[...]. Cela pourrait être problématique du fait que la technologie n'est
pas toujours fiable au Congo [...] ce qui pourrait poser des problèmes
au niveau du déroulement du procès et pour les avocats et le personnel
de la Cour.
Walleyn a expliqué à IWPR qu'un autre sérieux obstacle à un procès in
situ trial serait au niveau serait au niveau sécuritaire - pour les
témoins, la Cour en général et Lubanga.
“Certains au Congo pourraient chercher à organiser la fuite de
Lubanga,” a-t-il déclaré. “Il y a aussi un problème de sécurité pour l'accusé,”
a ajouté Walleyn, suggérant que les ennemis de Lubanga pourraient
chercher à le tuer.
“Si un témoin se présente à La Haye … tout le village sait qu'il a
quitté la RDC pour un certain temps.” En revanche, Walleyn explique que si
un témoin se présente au Congo pour témoigner, elle serait en mesure de
le faire plus discrètement et même de manière anonyme dans certains
cas.
A part la question de logistique, Bukeni a indiqué que la CPI devrait
faire des évaluations d'ordre culturel et psychologique avant de prendre
la décision de tenir le procès en Afrique.
Avoir des enfants témoigner contre Lubanga au Congo, explique t-il,
pourrait aller à l'encontre des normes culturelles africaines -
particulièrement pour ce qui est de la notion que les enfants doivent toujours
respecter, croire et faire confiance à leurs aînés.
“Quand vous allez en Afrique, vous devez penser en termes de normes
culturelles locales que vous devez respecter. La Cour n'a pas été créée
pour briser ces normes mais pour renforcer les valeurs qui existent déjà
dans ces communautés.”
Bukeni a ajouté qu'au lieu de chercher à tenir un procès in situ, le
peuple congolais préfèrerait voir la Cour se focaliser sur ceux qui ont
commis les crimes de guerre dans le pays, “Les congolais ont besoin de
voir les autres Lubanga amené à la Cour. Ils ont besoin de voir les
criminels amenés en justice. C'est le besoin clé des congolais en ce moment, pas le retour de Lubanga ici.”"
La Jeunesse du Monde quant à elle pense que le procès in situ en RDC serait une bonne chose car ça serait une façon de rapprocher la justice à ceux qui en ont besoin à savoir les victimes et les temoins. Cependant, elle est un peu sceptique sur le plan sécuritaire, c'est pourquoi, elle suggére que ces audiences si elles auront lieu qu'elles se tiennent dans la région mais dans un pays voisin, non loin de la RDC mais stable comme la tanzanie, le kenya ou la Zambie.
Mais entre temps Un deuxième chef de guerre a été remis à la Cour pénale internationale.Germain Katanga est accusé de crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Ituri.
La Cour pénale internationale (CPI) a, depuis jeudi, un deuxième prisonnier. Et, comme le premier, il est congolais et originaire d'Ituri (nord-est, frontalier de l'Ouganda).
Chef d'une milice lendue
Germain Katanga, 29 ans, chef de la milice d'ethnie lendue Front de résistance patriotique de l'Ituri (FRPI), a été remis jeudi à la CPI par les autorités congolaises, qui l'avaient privé de liberté depuis sa mise en résidence surveillée dans un hôtel de luxe de Kinshasa en février 2005. Celle-ci avait suivi de deux mois une opération de séduction du seigneur de la guerre, nommé général de l'armée nationale et logé aux frais du gouvernement dans l'hôtel le plus cher de Kinshasa.
Germain Katanga rejoint, dans la prison de la CPI, à La Haye, le seul autre détenu de cette dernière, son vieil adversaire Thomas Lubanga, qui dirigeait, lui, la milice hema Union des Patriotes congolais (UPC).
Lendus et Hemas avaient repris en 1999 une nouvelle guerre pour la possession de terres, conflit qui les a opposés plusieurs fois au cours du XXe siècle. La dernière de ces guerres a, cependant, été particulièrement sanglante (60 000 morts) en raison de l'utilisation d'armes modernes et de l'instrumentalisation de ce conflit par l'Ouganda voisin, désireux de mettre la main sur les richesses de l'Ituri; Kampala a suscité, organisé et armé les six milices de cette région.
Massacre à l'hôpital
Germain Katanga est accusé d'avoir commis ou de n'avoir pas empêché ses hommes de commettre de nombreux crimes : meurtres, traitements inhumains, esclavage sexuel, recrutement de combattants de moins de 15 ans et attaques contre des civils désarmés. La CPI retient particulièrement contre lui le massacre de quelque 200 personnes lorsqu'il avait ordonné le "nettoyage" du village de Bogoro.
Les organisations des droits de l'homme comme Human Rights Watch (HRW) l'accusent également d'avoir organisé le massacre de 1 200 civils, essentiellement hemas, en septembre 2002 à l'hôpital de Nyakunde, avec la milice RCD-ML. Celle-ci était dirigée à l'époque par Mbusa Nyamwisi aujourd'hui... ministre des Affaires étrangères du Congo.
HRW, dans un communiqué diffusé jeudi, a demandé que la CPI "étende ses enquêtes" jusqu'à inclure "des figures militaires et politiques de la région des Grands lacs qui ont soutenu les seigneurs de la guerre locaux".
La CPI, de son côté, a annoncé qu'elle analysait "une troisième affaire" au Congo, sans plus de précision. Selon un communiqué de la CPI publié sur son site internet, l'audience preliminaire de Germain Katanga aura lieu lundi 22 octobre à la Haye.
Jeunesse du Monde se forcera toujours de mettre à la disposition des internautes qui visitent le portail de la société civile RDC les informations en rapport avec les activités de la Cour Pénale Internationale. Ceci dans le souci de réponse à ses obligations en tant que membre de la Coalition des ONG pour la Cour Pénale Internationale.
Jeunesse du Monde Kinshasa

