La Cour Pénale Internationale face aux crimes en Ituri
A peine installée officiellement en juin dernier, le Procureur de la CPI a déjà reçu les premiers éléments sur les crimes commis en Ituri depuis juillet 2002 – date officielle d’entrée en fonctions de la CPI -. Avec ces éléments, conclut-il, il peut valablement ouvrir une enquête en commençant par des analyses et des recherches d’informations.
Selon lui, il existe encore jusque-là un obstacle qui peut retarder, mais pas bloquer les enquêtes. C’est qu’il ne veut pas déstabiliser le fragile processus de paix en RDC, car certains chefs de guerre qui viennent d’être nommés dans le nouveau Gouvernement de Transition, pourraient reprendre les armes, s’ils se sentaient menacés d’arrestation.
Les six plaintes qui ont été adressées au Parquet International de la Haye sur les crimes commis en Ituri concernent des meurtres, disparitions, tortures, mutilations, violences sexuelles et enrôlement d’enfants-soldats. Il est aussi à noter que le Parquet a déjà reçu 499 plaintes sur des crimes commis dans d’autres pays du monde. Pour l’Ituri, Monsieur Moreno affirme que ce sont des Organisations Non Gouvernementales et les victimes qui ont contacté son service.
La CPI est censée faire la démonstration, à travers des arrestations et des jugements, que l’impunité doit prendre fin grâce à la justice internationale. Dans le cas de l’Ituri, l’objectif final est de dissuader les chefs de guerre ou les gouvernements de se livrer à d’autres crimes. Selon lui, plusieurs sites de massacres ont été recensés, leurs auteurs sont identifiés et des témoignages ont pu être récoltés. Avant l’ouverture effective d’une enquête et l’émission d’actes d’accusation, M. Moreno Ocampo devra toutefois déterminer si, oui ou non, la RDC dispose des outils juridiques et de la volonté politique pour juger sur son propre sol.
En tout état de cause, la procédure sera longue, mais l’affaire dévoile déjà les choix judiciaires du Procureur, dont la politique s’articule autour de trois idées : dissuader, punir, démanteler. En enregistrant un succès au Congo, la CPI ferait la preuve de son efficacité et prendrait le contre-pied du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, jugé lent et coupé de la réalité.
Au même moment, M. Moreno a estimé que les combats qui se déroulent dans l’Ituri, où une force de l’ONU déployée par l’Union Européenne en juin tente de calmer les violences dans le Chef-lieu du District, Bunia, sont également « alimentés par l’exploitation illégale des ressources naturelles ». Les exportations illégales des minerais depuis la RDC sont, en effet, estimées à 800 millions d’euros par an.
Le Magistrat veut s’attaquer au nerf de la guerre et éviter, le cas échéant, de ne punir que des Africains. « Les enquêtes portant sur les aspects financiers directement liés aux atrocités présumées seront cruciales si l’on veut prévenir des crimes ultérieurs et si l’on veut poursuivre les responsables des crimes commis », explique M. Moreno Ocampo.
Il existe des liens entre les atrocités commises en RDC et les activités de compagnies africaines, européennes et moyen-orientales qui exploitent illégalement des ressources, se livrent au trafic d’armes et utilisent pour cela le système bancaire international.
L’argentin semble d’ailleurs espérer un sursaut dans la coopération judiciaire sur la criminalité financière. Il promet de vérifier si « des poursuites concernant le financement des atrocités sont entreprises devant les juridictions nationales des pays concernés ».
Toujours dans sa ronde de chercher à rétablir la vérité sur les crimes commis en Ituri, pour que les coupables soient arrêtés et jugés, et que les victimes retrouvent leurs droits devant l’humanité, le DECIDI (Réseau Démocratie et Civisme pour le Développement Intégral) a essayé de commenter pour vous un article du journal « Le Monde, du 22 juillet 2003 », sous la plume de Jean-Philippe Rémy et Stéphanie Maupas (à la Haye).
En outre, DECIDI demande aux Ituriens et aux amis de l’Ituri, de se surpasser, de chasser la peur et dénoncer tous les auteurs des crimes. Car sans dénonciations, le Parquet International n’aura aucun dossier et partant aucune arrestation ne pourra être opérée. Ils ont tué et il n’est pas normal qu’on leur laisse encore la main libre. Le peuple, en tant que personne humaine, a droit à la vie. Celui qui la lui ôte, doit être sanctionné.
Facilitons donc la tâche de la CPI en faisant de telle sorte que toutes les informations nécessaires lui soient fournies.
Bha-Avira Mbiya Michel-Casimir,
Coordinateur DECIDI et Député.-
