Regard Au fil du jour sur la place Munzihirwa

AU FIL DES JOURS
Avec P. Luigi Lo Stocco

22 janvier 2004
Place Nyawera, aujourd’hui appelée place Munzihirwa.
Lieu sacré, lieu de témoignage, lieu où la sentinelle a été abattue.
Lieu d’où la longue rivière de sang innocent à pris commencement.

La grande pancarte qui trône sur la place est celle de la publicité de Supercell.
Depuis un certain temps Bukavu combat une autre guerre : celle de la communication des téléphones.
La pancarte avec la figure souriante de Monseigneur Christophe Munzihirwa, gâché par des vandales inconnus, dans les ténèbres d' une nuit du passé mois de novembre, semble accueillir les gens avec toute sa simplicité.

La place de Nyawera semble avoir oublié le 29 octobre 1996, ces coups de feu qui avaient été explosés, commandés de l’extérieur, et qui avaient fait tomber à terre, en ce soir pluvieux de la saison de pluie déjà au plein. Cette journée du 29 octobre avait été très mouvementée avec différentes rencontres dédiés à trouver les chemins pour décourager l’imminente invasion rwandaise et épargner ainsi la ville de Bukavu du spectre de la guerre.

Oublier parfois c’est comme exorciser le passé. Ce 29 octobre avait été le commencement de cette longue procession de victimes qu’au long de 7 ans a imprégné la terre du Congo avec leur sang innocent. Des questions sans réponse nous demeurent, nous espérons qu’un jour un jeune garçon ou une jeune fille de nos universités interrogera l’histoire et nous dira sans peur toute la vérité.

La place de Nyawera est là mutilée de son passé. On raconte qu ‘au temps de la colonie belge la place était entourée par des fleurs et d’arbres, et dans son milieu il y avait une fontaine décorative. On raconte aussi que la place de Nyawera était le point de rencontres des blancs qui aiment se promener le dimanche, au long des amples trottoirs.

Mais La Place Nyawera est pleine de vie, de bruits, de mouvement avec son terminus de taxis de tout genre (vélos, moto, carcasse de voitures), avec ses boutiques, ses pharmacies, son marché, ses vendeurs d’essence et ses stations de carburant, ses cambistes.

La Place Nyawera est aussi le carrefour des enfants de la rue. Bora, Akonkwa, Shabani… et les autres qui s’ajoutent chaque jour, je les retrouve toujours là dés le matin de bonne heure prêts à te servir, mais aussi prêts à te tromper et te voler. Ils sont là avec le même refrain de tous les jours : « j’ai faim ».

Les enfants de la rue sont appelés aussi « mayibobo ». Ils viennent de partout, chacun avec son histoire particulière. Ils sont sales, avec des habits déchirés et malpropres. En les observant leurs visages, couverts de poussière, ils semblent avoir perdu leur enfance. Leurs yeux ne montrent pas toute la vivacité et la simplicité de l’enfant.
Le phénomène des « mayibobo » c’est un phénomène qui est né avec la guerre : la grande misère qui s’est manifestée et le délaissement des familles non préparées à supporter l’éducation ont contribué à l’accentuer dans une manière tragique.

Dans la ville de Bukavu existent plusieurs ONG qui s’occupent de l’encadrement des « mayibobo ». Certaines travaillent bien, des autres vivotent. L’Archidiocèse de Bukavu a créé un Centre: les Amis de Jésus, dirigé par les Sœurs de Sainte Gemma.
Mais en ces derniers jours il semble avoir une recrudescence du phénomène. On trouve des « mayibobo) dans tous les carrefours, les bords des marchés, et aux portes des grands magasins. Ils sont des dizaines, qui ont fait, je pense inconsciemment, le choix de la rue comme maison.

Les « mayibobo » sont des enfants et des adolescents en difficulté. Séparées de leurs familles sont à la merci de tous. Que pouvons-nous faire ? Pourquoi, malgré les différentes institutions qui existent dans cette ville de Bukavu, les mayibobo augmentent ? La balle est lancée dans notre champ, il faudra la bien jouer.

P. Luigi Lo Stocco


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