DETTE EXTERIEURE DE LA RDC : A KINSHASA, LES MOUVEMENTS SOCIAUX EXIGENT ANNULATION ET REPUDIATION
En fait, l’objectif général de ces travaux était de « relever les imperfections ayant conduit la RDC au lourd endettement qui hypothèque sa souveraineté nationale et établir les responsabilités en vue des réparations ». Au cours des échanges, fort argumentées par ailleurs, il a été essentiellement question de :
- rappeler les causes internes et externes de l’endettement ;
- préciser les projets ayant conduit à l’endettement ;
- stigmatiser, par des instruments juridiques, le caractère illégitime et odieux de la dette congolaise et établir les responsabilités de tous les acteurs ;
- mettre sur pied des stratégies pour mobiliser le peuple congolais et la communauté internationale pour l’annulation et la répudiation de la dette ;
- mettre sur pied des mécanismes pour éviter un endettement futur ;
- mettre sur pied un cadre national devant défendre cette cause.
En fait, dans la motivation de cette réflexion, qui n’est pas la première et moins encore la dernières, les organisateurs notaient que « les mouvements sociaux, conscients de la nature de la dette congolaise, en soulignent le caractère illégitime, qui n’est d’ailleurs mis en doute par personne, révélé par :
- la mise en exergue de la responsabilité des créanciers et de la communauté internationale dans l’octroi de crédit ;
- la complaisance dans l’évaluation des projets et l’utilisation des prêts ;
- la corruption sous toutes ses formes entre les acteurs nationaux et internationaux ;
- le détournement ayant conduit à l’enrichissement illicite des dirigeants (plus de 5 milliards de dollars logés à l’étranger par Mobutu).
Etant donné la précarité dans laquelle se trouve le Congolais, précarité renforcée par la guerre d’agression restée impunie, les mouvements sociaux entendent poursuivre la campagne contre la dette en ciblant le caractère illégitime et odieux de la dette congolaise pour ne pas légitimer l’impunité et imposer la lourde charge de 14 milliards de dollars à un peuple conduit à la précarité par ceux-là mêmes qui prônent la bonne gouvernance ou la générosité de la dette soutenable alors qu’ils sont responsables de la misère des Congolais. Le droit international reconnaît la nécessité de prendre en compte la nature du régime qui a contracté les dettes et l’utilisation qui a été faite des fonds versés. »
Au terme du séminaire, les participants ont pu :
- établir des causes de l’endettement ;
- cerner des projets ayant conduit à cet endettement ;
- lever des stratégies en vue d’une réparation.
Du reste, la « Déclaration de Kinshasa » a été adoptée par les participants et rendue publique.
Déclaration de Kinshasa
Nous, participants du Séminaire International de Kinshasa sur la dette extérieure odieuse de la République démocratique du Congo (RDC) ;
Après analyse systématique de incitations répétées des institutions financières internationales (IFI), des pays les plus industrialisés et des sociétés multinationales pour favoriser l’endettement de la RDC, sans tenir compte des conditions de vie des populations et des capacités réelles de remboursement, mais en cherchant à accaparer les ressources naturelles de la RDC et en utilisant sa position stratégique au cœur de l’Afrique ;
Après une rétrospective de la dette extérieure de la RDC dans son ensemble, notamment à travers les grands projets et en regard des conditions politiques de sa reconstruction ;
Affirmons la caractère illégitime et odieux de la dette extérieure de la RDC dans la mesure où elle a été contractée par un régime dictatorial et corrompu ayant utilisé les avoirs du pays pour asseoir son pouvoir (achat d’armes, corruption de l’opposition, politiques clientélistes, détournements massifs) ;
Regrettons profondément que l’endettement de la RDC n’ait aucunement profité aux populations (le barrage d’Inga alors que la grande majorité des foyers congolais n’ont pas l’électricité, la sidérurgie de Maluku alors que les métaux transformés viennent de l’extérieur, la Voix du Zaïre-RTNC, l’OCPT, la GECAMINES, le CCIZ, la CNCZ, l’ONATRA…), tous ces projets n’ayant apporté aucune conséquence positive pour le peuple,
Constatons que les créanciers ne pouvaient pas ignorer l’usage abusif de fonds alloués aux dirigeants autoproclamés depuis les années 60 et sont, pour certains d’entre eux, directement impliqués dans la mauvaise gestion de la dette de la RDC (surévaluations de projets, complaisance dans les études de faisabilité et dans le contrôle, complicités dans les détournements à l’étranger, vente forcée de technologies inappropriées, assistance technique inadaptée) ;
Soulignons que les IFI, par leurs politiques d’ajustement structurel, ont jeté le peuple dans la précarité et la misère (désintégration de toute sécurité sociale, réduction drastique des budgets sociaux comme ceux de l’éducation, la santé, l’alimentation, le logement), ;
Déclarons :
- la dette de la RDC odieuse, donc nulle et non avenue, à l’instar de celle de Cuba envers l’Espagne en 1898, de celle issue du régime d’apartheid en Afrique du Sud, de celle issue du génocide au Rwanda, de celle contactée par Saddam Hussein en Irak ;
- les IFI, les pays riches, les sociétés multinationales et leurs complices à la tête de l’Etat congolais, responsables des crimes économiques ayant causé de nombreux désastres sociaux (décès dus à la faim ou de maladies facilement curables, dégâts écologiques, violations multiples des droits humains fondamentaux), donc contraints à réparer et à rétablir l’Etat congolais et le peuple dans leurs droits ;
Exigeons :
- des Commissions Vérité et Réconciliation, Ethique et lutte contre la corruption, de la Haute Autorité des Medias, de la Commission Electorale Indépendante, de rendre publique la vérité sur la dette odieuse et d’établir clairement les différentes responsabilités aux fins de réparations ;
- du Parlement congolais, qu’il vote une loi instaurant un audit officiel de la dette extérieure pour dresser la liste de tous les contrats de prêts garantis par la RDC et assurer le contrôle a posteriori des projets financés ;
- du Gouvernement congolais, de rendre publics les résultats des investigations de l’Office des Biens Mal Acquis (OBMA) ;
- du Parlement et des Mouvement sociaux, de dresser une analyse systématique de tout nouvel endettement en RDC ;
- aux Mouvement sociaux du monde de soutenir pleinement le peuple congolais pour le libérer de cette dette odieuse qui empêche toute forme de développement.
Fait à Kinshasa, le 23 avril 2004.
Les participants

