PLAIDOYER DES FEMMES DU SUD-KIVU A L’OCCASION DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FEMME DE L’AN 2005
PLAIDOYER DES FEMMES DU SUD-KIVU A L’OCCASION DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FEMME DE L’AN 2005
Préambule
Nul n’ignore que depuis longtemps l’Etat congolais a failli à sa mission. Cela a occasionné l’avènement des guerres à répétition en général et l’entretien des zones de tension permanente en particulier. La femme, pourtant moteur de la survie familiale a toujours payé le lourd tribut en subissant des multiples exactions. Elle perd progressivement sa dignité et sa valeur jusqu’à sa chosification. De ces multiples exactions, notons les faits suivants :
A. Faits
Il est noté :
1. Par rapport aux viols et violences sexuelles faites à la femme
Les détenteurs d’armes utilisent le viol comme arme de guerre,
Les bandes armées étrangères violent et tuent les femmes qu’elles surprennent sur leur route, dans les champs et même dans leurs maisons. Le plus souvent, ces opérations sont bien planifiées et systématisées,
Les bandes armées étrangères violent les femmes devant leurs enfants et leurs maris et donnent même lieu à l’inceste en exigeant les relations sexuelles entre parents et leurs enfants et vice versa,
Les bandes armées étrangères emportent les femmes dans les forêts comme esclaves sexuels,
Lors des événements de guerre provoqués par les dissidents Jules Mutebusti et Laurent Nkundabatware en mai et juin 2004 des viols systématiques ont été perpétrées sur la femme de la ville de Bukavu et environs,
Le harcèlement sexuel de la jeune fille dans les milieux universitaires et dans les écoles secondaires,
La prostitution forcée chez les petites filles dans les maisons de tolérance,
La sodomie des hommes rendant ainsi les ménages instables,
Les criminels même découverts ne sont ni punis, ni inquiétés ou poursuivis,
Nous déplorons le fait que même les FARDC sont entrain d’emboîter les pas aux armées étrangères dans leurs actions.
2. Par rapport à l’insécurité grandissante
Les femmes sont devenues des réfugiés dans leur propre pays,
Dans certaines parties des territoires du Sud-Kivu, les femmes ne passent pas la nuit dans leurs propres maisons,
Les femmes sont devenues des portefaix d’armes,
L’accusation fortuite des hommes à l’endroit des femmes violées,
Des tortures, des maisons incendiées par les bandes armées, des récoltes des champs des autochtones emportés, des pillages du bétail et autres objets de valeur entraînant la paupérisation totale de la population,
L’insécurité dans les marchés ruraux,
Des crépitements d’armes ça et là tandis que les hommes en uniformes qui continuent à insécuriser les gens dans la ville. Dans les milieux ruraux, les militaires sont beaucoup plus nombreux que les habitants,
Les militaires démobilisés ou ceux qui se sont démobilisés d’eux même ne sont pris en charge pour leur réinsertion et pèsent ainsi sur les populations.
3. Par rapport à la faible participation des femmes dans la gestion de la chose publique
Faible implication de la femme au processus électoral,
Les femmes sont discriminées dans le milieu professionnel,
Faible représentation de la femme dans les institutions de la transition en RD Congo,
Les coutumes rétrogrades empêchent une participation massive des femmes dans la politique,
Nombre élevé des pesanteurs qui empêchent à la femme de s’impliquer activement dans la gestion de la chose publique,
Lourde chargée infligée à la femme,
Les postes politiques et administratifs réservés à la femme sont fortement liés aux tâches traditionnelles lui imposées alors que les postes stratégiques sont exclus aux femmes.
B. LES RECOMMANDATIONS
Nous recommandons :
1. A l’ONU et autres intervenants internationaux
La reconnaissance des viols et violences perpétrées sur la femme comme crime contre l’humanité,
Exiger à la MONUC d’appliquer le Chapitre 7 pour mettre hors d’état de nuire toutes ces bandes armées étrangères et les rapatrier dans leurs pays et ce, pour des fins de sécurité sur le territoire congolais et faciliter l’organisation des échéances électorales prochaines,
La prise en compte par la Cour Pénale Internationale des exactions perpétrées depuis 1996,
Faire pression sur le Gouvernement de la RD Congo afin que la parité homme-femme ressorte dans la constitution de la 3ème République,
Que la MONUC revoie sa politique de DDR,
2. Au Gouvernement de la RD Congo et aux autres acteurs nationaux
De rétablir son autorité sur toute l’étendue du territoire congolais,
Que dans le préambule de la nouvelle constitution dont se dotera la RD Congo soit mentionnée la convention sur l’élimination des toutes formes de discrimination à l’égard de la femme, ratifiée par la RD Congo,
Que dans la nouvelle constitution la parité homme-femme ressorte et que des actions positives telles que le quota de 30 % soit non seulement instauré comme une mesure de bonne gouvernance et de démocratie mais aussi garanti aux femmes dans les prochaines institutions de la République,
Que l’Etat congolais mette rapidement sur pieds un programme d’urgence de la prise en charge des femmes et filles victimes de viol et des violences sexuelles,
Une fois identifiées, que les acteurs des crimes qualifiés soient poursuivis et condamnées pour purger leurs peines,
Pour des cas des violences connus, adresser une pétition aux autorités compétentes pour que le jugement rapide soit fait et que cela serve d’exemple à tous.
Que toutes les maisons de tolérance pour la prostitution de la fille mineure soient fermées et leurs propriétaires poursuivis en justice,
Que les auteurs des harcèlements sexuels une fois identifiés soient chassés des milieux estudiantins et scolaires,
Aux partis politiques de mettre en leur sein des mécanismes permettant une participation politique fructueuse de la femme congolaise compétente,
Aux acteurs politiques responsabilisés dans les institutions de la transition de tenir leur promesse, entre autres, d’organiser en bonne et due forme les élections libres, démocratiques et transparentes possibles,
Aux autorités politico-militaires et administratives de multiplier les efforts pour sécuriser tout le territoire national afin que l’organisation des élections soit possible à tous les niveaux,
A toutes les femmes congolaises et aux hommes épris de paix de militer pour que les pesanteurs internes et externes empêchent l’épanouissement global de la femme soient bannies,
Fait à Bukavu, le 08 mars 2005
Femmes du Sud-Kivu
