Les animateurs de la Transition enfin rattrapés par l'histoire !
LE REFERENDUM CONSTITUTIONNEL : LES ANIMATEURS DE LA TRANSITION ENFIN RATTRAPES PAR L’HISTOIRE !
Par Albert KABUYA MUYEBA
(Juriste et expert de la Société civile)
La République démocratique du Congo qui vient d’amorcer le dernier virage devant nous conduire vers la tenue des élections libres, démocratiques et transparentes risque de connaître une fin de l’année fort animée.
En effet, le Parlement de la transition qui avait déjà payé aux honorables députés et sénateurs leurs indemnités de sortie, a dans la précipitation voté un projet de Constitution à soumettre au souverain primaire lors du référendum projeté en décembre 2005.
En principe nul n’est sensé ignorer la loi, tout le monde est sensé avoir lu le projet de constitution devant régir le pays durant les prochaines législatures du moins la version qui est en circulation.
Cependant il est un devoir patriotique pour tout juriste qui aime ce pays de tirer sur la sonnette d’alarme pour avertir les autorités de la transition sur ce qui risque d’arriver si les correctifs ne sont pas apportés à temps dans un texte d’une si haute portée juridique duquel dépend l’avenir de tout un peuple.
Au-delà des innovations et des principes fondamentaux que doit contenir toute constitution classique, mis à part le fait que le projet de constitution prévoit la parité homme – femme, il contient par – ci par là des coquilles qui, si l’on n’ y prend garde, vont plonger le pays une situation difficile à contrôler.
C’est pour cela que tout juriste digne de ce nom devrait voler au secours de la population inculte non seulement en vulgarisant les principes fondamentaux et innovation contenus dans ce projet de constitution mais aussi et surtout en attirant l’attention de tous sur certaines incohérence qu’il contient avant que le pays ne sombre dans l’éternelle guerre de légitimité.
1. Des incohérences contenues dans le projet de constitution à soumettre à la sanction du peuple
Avant d’énoncer les incohérences contenues dans le projet de constitution qui sera soumis au souverain primaire pour sanction, permettez – moi de rappeler pour mémoire qu’aux termes de l’article 205 de la constitution de la transition, il est dit que la constitution de la transition cesse de produire ses effets à l’entrée en vigueur de la constitution adoptée à l’issue de la transition. Cette disposition renvoi à quelle constitution ?
Logiquement cet article renvoi à la constitution issu du référendum populaire qui servira de base d’élaboration de la loi électorale.
Interrogeons à présent le projet de constitution qui sera soumis au peuple en décembre 2005 pour voir s’il est de nature à nous assurer un atterrissage en douceur de manière à créer des conditions propices à l’organisation crédibles et acceptables par tous.
L’article 222 du projet de constitution stipule : les institutions politiques de la transition restent en fonction jusqu’à l’installation des institutions correspondantes prévues par la présente constitution et exercent leurs attributions conformément à la constitution de la transition.
Il aurait été souhaitable que le législateur n’ait ajouté une telle incise qui crée inutilement des interprétations compliquées.
Le deuxième alinéa du même article affirme que les institutions d’appui à la démocratie sont dissoutes de plein droit dès l’installation du nouveau Parlement.
Cela est à dire qu’à partir du moment où le Parlement est installé, les institutions d’appui à la démocratie cessent automatiquement d’exister, de sorte que si le Parlement est installé en mai 2006, les institutions d’appui à la démocratie tombent !
Cette façon de légiférer n’est heureuse dans la mesure où elle ne permet pas à la population congolaise de connaître qui a fait quoi ? la commission vérité et réconciliation , l’observatoire des droits de l’homme et la commission d’éthique et lutte contre la corruption devant elles aussi disparaître ; quand bien même il est dit à l’alinéa suivant que le Parlement pourra s’il échet instituer d’autres institutions d’appui à la démocratie.
En outre, la question même de l’opportunité de cette suppression reste entière : est – il normal que les institutions d’appui à la démocratie telle la commission d’éthique et lutte contre la corruption au moment où le pays est saigné par des détournements en cascade ?
Au sein de son article 228 du projet de constitution , il est dit que sans préjudice des dispositions de l’article 222 alinéa 1, la constitution de la transition du 4 avril 2003 est abrogée.
Cette disposition veut tout simplement dire qu’après la promulgation de la constitution par le Président de la République, la constitution de la transition tombe. Il serait alors un non sens de dire que les institutions politiques du pays exerceront leurs attributions conforment à une constitution abrogée, ce serait une nouveauté typiquement congolaise !
De toutes les façons, il est stipulé à l’article 229 du projet de constitution à soumettre à la population que la présente constitution adoptée par référendum, entre en vigueur dès sa promulgation par le Président de la République. Il serait insensé de s’imaginer que la République démocratique du Congo sera régie par deux textes constitutionnels.
Quelle conséquence faudra – t – il tirer de cette lecture ?
2. Conséquences juridiques :
La première conséquence c’est que les animateurs politiques actuels expédient des affaires courantes et le pays sera régi par la constitution adoptée par la population au référendum constitutionnel. Donc il n’ y aura pas un vide juridique ;
La deuxième conséquence c’est que le projet de constitution à soumettre à la sanction du peuple congolais met ainsi fin au schéma 1 + 4 ;
La troisième conséquence c’est qu’il sera difficile de négocier une quelconque prolongation de la transition sur base d’une constitution caduque ;
La quatrième conséquence c’est que le Parlement qui expédie comme du reste toutes les autres institutions politiques du pays les affaires courantes, devra toutes affaires cessantes voter une loi électorale de manière à permettre aux différents candidats de s’affronter sur un même pied d’égalité ;
La cinquième conséquence c’est que les insomnies et les palpitations qui avaient caractérisées la date du 30 juin 2005 risquent de refaire surface ;
La sixième conséquence c’est que les belligérants auront joué un sale tour au peuple congolais en supprimant des institutions d’appui à la démocratie jugées compromettantes pour eux en cette période cruciale.
3. Que faire ?
Si nous étions dans les pays où les dirigeants savent ce qu’ils font, nous allions tous simplement laisser la population apprécier, s’il vote oui, le projet passe, s’il vote non le Parlement a trente à soixante jours pour proposer un nouveau projet de constitution.
Mais à raison du contexte politique actuel et eu égard à la grogne sociale qui risque de paralyser tous les secteurs de la vie nationale, nous encourageons tous les acteurs politiques et sociaux à se mettre autour d’une table en vue de la décrispation de la scène politique et la restauration de la confiance en vue d’un consensus politique gage de l’organisation des élections crédibles et acceptables par tous .
Pour terminer nous sensibilisons la population à la base pour son implication effective et efficace notamment par un vote responsable en vue de mettre définitivement un terme à la crise de légitimité qui n’a que trop duré.
