Processus Electoral en RD Congo : Espoirs et inquiétudes.
Kinshasa, le 12 avril 2006
N / Réf : 818/ COJESKI/ECN /06/lm
A l’Attention de son Excellence William Lacy SWING
Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations
Unies en R.D.Congo et Coordonnateur du Comité
International d’Accompagnement de la Transition
Politique (CIAT) en Rép. Dém. du Congo à
Kinshasa – Gombe.
Concerne :
PROCESSUS ELECTORAL EN RDCongo : ESPOIRS ET INQUIETUDES. Mémorandum adressé au Comité International d’Accompagnement de la transition politique en RDCongo avec ampliation au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Excellence,
Nous avons l’honneur de vous présenter nos compliments et vous adresser le présent Mémorandum dont l’objet repris en marge et vous en souhaitons bonne réception.
En effet, Depuis 1995 nous essayons de suivre de très près les profondes mutations socio-politico-sécuritaires qui prévalent en République Démocratique du Congo en particulier et dans la région africaine des grands lacs en général. Fort malheureusement, toutes ces mutations ont occasionnées dix années après, des tragédies humaines, des violations massives, flagrantes et fréquentes des droits de l’homme et du droit international humanitaire ainsi que la destruction méchante de la faune et de la flore sans oublier le pillage systématique des ressources naturelles de la République Démocratique du Congo avec comme corollaire l’effectivité des crimes de guerre, des crimes économiques et autres crimes imprescriptibles.
C’est pour faire face à cette problématique d’impunité et de la banalisation de la vie humaine que les Chefs d’Etats et de Gouvernement de la région africaine des grands lacs réunis à Dar-es-Salaam en Tanzanie du 19 au 20 novembre 2004 dans le cadre du 1er sommet de la Conférence Internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le Développement dans la Région des Grands lacs, avaient proclamé leur détermination collective à faire de la région des grands lacs un espace de paix et de sécurité durable, et ce pour les Etats et les peuples, de stabilité politique et sociale, de croissance et de développement partagés, un espace de coopération fondé sur des stratégies et politiques de convergence dans le cadre d’un destin commun qu’ils sont déterminés à réaliser, selon les aspirations de leurs peuples, en conformité aussi avec la vision et la mission de l’Union Africaine, avec la pleine participation de toutes leurs populations, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies, l’Union Africaine et l’ensemble de la Communauté internationale.
Nous constatons fort malheureusement que quelques semaines après cette déclaration collective, certains pays voisins de la RDCongo et signataires de la Déclaration continuent à menacer directement et/ou indirectement la sécurité et la paix fragile de la République Démocratique du Congo au moment où nous nous préparons courageusement à organiser les élections générales, et ce, après 45 ans d’indépendance, 4 décennies d’un régime politique dictatorial, 15 ans de transition politique et 7 ans des conflits armés internationalisés.
Tout en saluant les efforts consentis par les Nations Unies pour réunifier et pacifier la République Démocratique du Congo qui était en proie à une balkanisation généralisée ainsi que les engagements de l’Union Européenne et de la SADC pour la sécurisation du processus électoral en Cous ; Nous estimons que le Comité International d’Accompagnement de la transition (CIAT) a toujours le devoir de tout mettre en œuvre pour que ces élections aient un sens. Depuis deux décennies nos populations aspirent aux élections-sanctions (Des Hommes qu’il faut à la place qu’il faut ).
A la lumière de l’évolution du processus électoral les inquiétudes suivantes se dégagent :
- Nous observons un processus électoral qui viserait à changer le système politique national sans changer les personnes à la tête des institutions ;
- Nous assistons aussi à une tentative de changement des personnes à la tête des institutions sans qu’il y ait changement du système politique ;
- Nous constatons que sur une liste provisoire de 32 Candidats retenus par la Commission électorale Indépendante (CEI) à la magistrature suprême plus ou moins 25 candidats sont présumés auteurs des crimes de guerre et/ou des crimes économiques perpétrés durant la 1ère République, la 2ème République ainsi que durant la transition politique en cours ;
- Nous craignons que les 25.000.000 d’électeurs congolais vivant d’expédients en dessous du seuil minimum de la pauvreté et ignorants jusque là les options fondamentales de la loi électorale, ne puissent voter leurs bourreaux ou leurs criminels à la tête des institutions de la troisième République faute d’un autre choix ;
- Nous craignons que certains Candidats à la magistrature suprême appelés à échouer aux élections démocratiques au regard de leurs bilans négatifs, puissent reprendre les armes avec l’appui des pays voisins ou des entreprises multinationales exploitants actuellement le pays, en vue de se maintenir au pouvoir par la force des armes ou par la ruse des accords extraconstitutionnels ;
- Nous craignons que les candidats aux élections présidentielles et législatives qui ont des responsabilités officielles ne puissent utiliser les biens de l’Etat lors des campagnes électorales. Ce qui pourra violer le principe d’égalité de traitement des candidats lors des campagnes électorales.
- Nous craignons que le fait d’avoir mal géré la question liée à la caution non remboursable de 50.000 dollars US par candidat aux élections présidentielles, soit compris comme une exclusion tacite des candidats endogènes / de la nouvelle classe politique au profit des candidats de l’ancienne, vielle et décevante classe politique. Cette situation risquerait d’occasionner plusieurs oppositions extraparlementaires susceptibles de maintenir le pays dans la jungle et le désordre institutionnels ;
- Nous craignons que certains acteurs de la transition politique en RDCongo pourtant partisans de la paix, de la démocratie et de la réunification nationale ne soient en même temps acteurs de nouvelles rebellions et partisans de la déstabilisation nationale à l’aube des scrutins législatifs et présidentiel ;
- Nous craignons que le non fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation avant la tenue des élections ne puisse donner l’occasion aux criminels de guerre à se blanchir et partant à pérenniser et à sacraliser les crimes et l’impunité en RDCongo ;
- Nous craignons que la non finalisation de toutes les opérations de brassage des troupes avant les élections générales, puisse empêcher notre pays à disposer d’une armée nationale capable de défendre la souveraineté du peuple congolais ainsi que l’intégrité du territoire national au lendemain de l’installation des institutions démocratiques issues des élections générales.
Excellence, face à toutes ces inquiétudes nous avons
espoirs de voir la République Démocratique du Congo se relever cette année et jouer pleinement son rôle dans le concert des nations en tant que pierre angulaire de la paix, de la démocratie et du Développement intégral en Afrique subsaharienne. Ces espoirs ne peuvent être une réalité que si ces élections générales deviennent réellement fondatrices de la paix et génératrices de la bonne Gouvernance. La fermeté du Comité International d’accompagnement de la transition est indispensable pour répondre aux espoirs et aux craintes des millions des masses laborieuses de la République Démocratique du Congo aujourd’hui dépourvues du droit à l’autodétermination et assujetties depuis maintenant une décennie à des conflits politiques dont elles ne maîtrisent jamais les tenants et les aboutissants. C’est pourquoi Nous lançons un appel pressant au Comité International d’accompagnement de la Transition (CIAT) et au Conseil de Sécurité des Nations Unies en vue de la tenue et de la réussite sans autre forme de procès des élections générales, crédibles et transparentes en RDCongo.
Dans l’espoir d’une suite satisfaisante émanant de votre compétence, Nous vous prions d’agréer Excellence, l’expression de nos sentiments de profondes gratitudes et de remerciements anticipés.
Pour le COJESKI-RDC,
Fernandez MURHOLA M.
Coordonnateur National
