Grand Siècle Africain, et les élections en RDC (3)
D’après les analystes politiques, la nature des enjeux détermine le comportement des acteurs présents sur une arène politique. Si ces enjeux sont fabuleux et que les règles ne sont pas claires, il est possible que le jeu qui oppose les protagonistes soit celui du Far West.
Nul n’ignore que la Rdc est un pays fabuleux dont les richesses mal exploitées et mal gérées ne profitent nullement à ces populations, mais plutôt à une poignée de gens composée des hommes politiques et des hommes d’affaires extérieurs avec lesquels ces derniers s’associent et à qui ils fournissent protection. Au point que, à peine arrivé, le pape Benoît XVI vient à son tour de s’indigner et de lever son doigt, en disant : Arrêtez, arrêtez le pillage de ce fabuleux pays !
Ce qui fait que les enjeux des prochaines élections en Rdc varient selon qu’on est Homme politique ou non.
Pour la plupart d’hommes politiques, l’enjeu c’est le pouvoir .Le pouvoir pour le pouvoir. Le pouvoir non pas pour servir le pays, la province, la ville, la commune et les populations, mais pour en tirer le maximum d’avantages financiers et matériels – se loger, voyager à travers le monde, envoyer ses enfants aux études à l’étranger, envoyer sa famille aux soins à l’étranger, se faire soigner soi-même à l’étranger, investir à l’étranger, festoyer, s’habiller au frais de la République -, pour en tirer les honneurs civils et militaires, pour en tirer les privilèges en tous genres et pour profiter des gratuités, des libéralités et autres immunités universellement accordées à toute autorité durant l’exercice d’un mandat public.
En tous cas, c’est l’image que l’homme politique congolais d’hier, et d’aujourd’hui a toujours projetée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de son pays.
Pour le peuple, l’enjeu c’est aussi le pouvoir, c’est-à-dire la capacité de pouvoir changer les choses, changer son destin, améliorer son quotidien – se loger décemment, se déplacer facilement d’une extrémité de son pays à l’autre, d’une extrémité de sa province à l’autre, d’une extrémité de sa ville ou de sa commune à l’autre, habiter un quartier urbanisé et équipé, manger à sa faim, boire à sa soif, payer les études de sa progéniture, pouvoir accéder aux soins de qualité, voyager dans le pays … -
Le peuple sait qu’il ne peut manger qu’à la sueur suintante et dégoulinante de son front, qu’il doit tout payer de sa poche, qu’il n’a droit ni aux gratuités ni aux libéralités accordées aux hommes politiques. Ne dit-on pas qu’il n’y a jamais de mauvaises troupes, qu'il n'y a que de mauvais chefs ? Il sait aussi qu’il n’a même pas droit aux immunités accordées aux faiseurs de deuils. Son problème, c’est d’acquérir un certain POUVOIR D’ACHAT pour accéder à toutes ses aspirations, à tous ses besoins primaires, secondaires et tertiaires, accéder à tous les espaces qui lui sont aujourd’hui fermés à cause des tarifs parfois dérisoires, mais qui sont hors de sa portée.
Nous voici subitement devant une lutte des classes qui oppose « riches » et « pauvres ». Nous voilà aussi devant une lutte pour le pouvoir qui oppose politiciens entre eux, et politiciens et peuple. Et dans les trois combats, l’arbitre se trouve être : le peuple souverain.
Le pauvre peuple souverain.
Face à ce retournement de la situation en faveur du « pauvre peuple souverain », la plupart des politiciens de la Rdc ont perdu les pédales. Comment retrouver les sympathies perdues ? Comment séduire des gens qu’on a toujours négligés et écartés de la table du festin ? Quels gestes, même symboliques, peut-on encore poser à la hâte en leur faveur qui puisse les satisfaire ? Quel baratin, quelle argumentation opposer à leurs vociférations ?
Oui, la RDC est un pays fabuleux mais hélas ! livré à toutes les convoitises et à toutes les violences, il est aujourd’hui un véritable Far West. Les colonnes des grands journaux de Kinshasa, et des grands magazines internationaux sont pleines de rapports accablants et de témoignages concordants. Certaines ONGs locales, belges, canadiennes et américaines montent aux créneaux pour dénoncer cet état des choses. Et maintenant, c’est le nouveau Pape qui, à peine arrivé, ne peut s’empêcher de manifester son indignation.
Dans ce Far West, on parle abondamment « pauvreté », et « Dsrp », sans parler de la manière dont les prétendus riches s’enrichissent si facilement, sans décrire le merveilleux fonctionnement du paradoxe « pays fabuleux, peuple pauvre », sans préciser les règles du jeu qui permet aux gens d’accéder de façon claire et honnête à la richesse matérielle.
Dans un tel contexte, Grand Siècle Africain considère qu’en RDC, il n’y a pas de riches au sens noble du terme, et il n’y a pas non plus de pauvres à proprement parler. En RDC, il y a plutôt des « profiteurs » d’un coté et des « cas sociaux » de l’autre.
Les « profiteurs » sont des gens qui trouvent leur compte dans le désordre du Far West. Ils y sont totalement pris en charge par des macro budgets. Ils vivent dans une sorte de République providentielle, subventionniste et protectionniste. Ils souhaitent la poursuite de ce désordre. Que deviendraient-ils si jamais un vent amenait dans le pays ordre, transparence, lumière, discipline et solidarité.
Les « cas sociaux » sont des gens qui ne trouvent pas leur compte dans le désordre du Far West. Ils y sont totalement abandonnés à leurs impasses budgétaires et leurs déficits. Ils vivent dans une sorte de République artificielle, non subventionniste – (puisque les caisses y sont toujours vides) -, et non protectionniste puisque leurs cahiers de plaintes ou de revendications ne sont nullement pris en considération. Ils souhaitent l’avènement d’un vent qui amènerait ordre, transparence, lumière, discipline et solidarité.
De sorte que pour le Grand Siècle Africain, le principal enjeu de prochaines élections en RDC doit être l’affirmation de la mise en œuvre des programmes ambitieux et audacieux, cohérents et conséquents, massifs et inclusifs qui puissent permettre l’émergence rapide au sein de la société congolaise aujourd’hui fracturée, d’une classe moyenne ni riche, ni pauvre, ni profiteuse, ni plaintive qui intègre les aspirations de toutes les couches sociales, qui brasse et embrasse leurs utopies et leurs cahiers de charges.
D’après Aristote, une classe moyenne majoritaire régule automatiquement les tensions sociales, assurant du même coup la paix sociale, la stabilité des pouvoirs et l’équilibre au sein d’une société qui dès lors sera bien gouvernée, bien gérée, et bien pacifiée. Qu’attendons-nous pour fabriquer cette classe sociale majoritaire ici en RDC ?
A la prochaine.
