XXIème Séminaire coorganisé par la Fondation Konrad Adenauer et la Faculté d’Economie et Développement

Thème :LES DEFIS POLITICO–ADMINISTRATIFS, SECURITAIRES, JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS DE GESTION
DE LA TROISIEME REPUBLIQUE.

Rapporteur Général

Sous le haut patronage de la Conférence Episcopale Nationale du Congo et avec l’appui de la Fondation allemande Konrad Adenauer, il s’est tenu du 25 au 27 mai 2006 au sein des Facultés Catholiques de Kinshasa, le XXIème Séminaire Scientifique organisé par la Faculté d’Economie et Développement sur le thème : « Les Défis politco-administrtifs, sécuritaires, juridiques et institutionnels de gestion de la Troisième République ».

La tenue de ce séminaire s’inscrit dans la tradition de la Faculté d’Economie et Développement qui veut qu’à chaque étape importante de la vie de la nation, d’apporter une pierre en réfléchissant sur les questions brûlantes de la société. Ainsi, pour cette année, le choix porté sur ce thème, qui nous projette déjà dans la Troisième République, trouve sa pleine justification dans la nécessité d’instaurer un nouvel ordre politique en vue d’un développement harmonieux. Car, les élections libres, démocratiques et transparentes issues de cette transition ne constitue pas une fin en soi, ni un gage pour l’instauration d’un régime démocratique mais plutôt ouvrent aux nouvelles responsabilités des uns et des autres.

C’est dans cette perspective que plusieurs interrogations ont émaillé la réflexion pendant ces travaux focalisés sur les défis politiques, administratifs, sécuritaires, juridiques et institutionnels d’après les élections en vue de :
- d’éviter des conflits et violences politiques après les ;
- d’assurer l’existence d’un Etat souverain face aux convoitises extérieurs et aux tensions séparatistes internes ;
- d’inventer un Etat démocratique respectueux des droits de l’homme ;
- d’éviter le dépérissement, la liquéfaction, la prédation,la privatisation et la criminalisation de l’Etat congolais ;
- de défendre l’intégrité territoriale, la souveraineté nationale et garantir la protection des personnes et de leurs biens ;
- d’éviter une nouvelle guerre sur le sol Congolais après les élections et surtout pour mettre fin à l’impunité et à la violation flagrante des doits de l’homme ;
- de doter l’armée des moyens nécessaires pour qu’elle soit à mesure de défendre notre souveraineté nationale.

Les problèmes sus évoqués ont, comme nous pouvons nous en percevoir, posé le jalon des travaux de ce XXIème Séminaire Scientifique.

En effet, si par défis sécuritaires et politiques faut-il entendre d’abord, les actes à poser qui passent pour des préalables à remplir nécessairement, et d’autre part, les interdictions, les marges à ne pas franchir pour asseoir, dans la paix, les nouvelles institutions qui rencontrent les aspirations de la population ; l’analyse synthétique des principaux défis de gestion de la Troisième République dégage substantiellement quatre défis politiques et deux défis sécuritaires majeur qui sont :
- Sur le plan politique : l’homme ou mieux la dimension éthique des dirigeants, l’acceptation de la loi des urnes par tous, la préservation des libertés publiques, l’indépendance de la magistrature.
- Sur la cohésion de la communauté nationale ainsi que l’intégration de l’armée, de la police nationale et des services de sécurité.

Le découpage territorial et l’entrée en activité des nouvelles provinces trouve leur fondement juridique dans les articles 2 et 226 de la Constitution de la Troisième République promulgué le 18 février 2006 stipulant respectivement que le pays est composé de la Ville de Kinshasa ainsi que de 25 provinces dotées de la personnalités juridiques dont les limites sont fixées par une Loi organique et que ces provinces entrent en activité endéans trois ans.

La forme de l’Etat unitaire décentralisé choisie par la RDC repartit les compétences entre le pouvoir central et les provinces, ce qui est propre au fédéralisme, sans toutefois entraver la pratique de la tutelle permettant au pouvoir central d’exercer le contrôle sur les provinces. En terme clair, la répartition des compétences entre pouvoir central et les provinces telle que dans la Constitution témoigne la volonté d’approcher progressivement le fédéralisme.

Du fonctionnement des provinces, chaque province est dotée d’une autonomie politique, administrative et financière. Elle dispose d’un gouvernement responsable devant l’assemblée provinciale dont les dirigeants sont élus par les membres de l’Assemblée provinciale et de 40% de ses recettes retenues à la source. Pour réduire les disparités et promouvoir la solidarité entre provinces riches et pauvres, il sera institué une caisse nationale de péréquation alimentée de 10% de la totalité des recettes à caractère nationale revenant à l’Etat annuellement.

Ce découpage territorial n’étant pas une panacée en soi, mais constitue pour l’Etat congolais une tentative de promouvoir une meilleure gestion politique et administrative de l’espace congolais. Ce, particulièrement, dans le souci de bâtir une territoriale de proximité et de développement à travers la création de nombreux postes politiques en provinces ; la possibilité offerte aux populations de désigner les animateurs de leurs entités territoriales ; la relance des activités économiques en milieu rural…

Cependant, son application nécessite la prise en compte de certaines préalables dont notamment : un minimum d’infrastructure de base, des élections réussies et crédibles, d’une intégration provinciale, des assemblées provinciales fortes et efficaces, des membres de l’Exécutif conscientisés de leur mission, des élections organisées à tous les niveaux, d’un système de contrôle de gestion renforcé et étendus.

Il appartient à chaque province d’inventorier ses potentialités pour s’engager sereinement sur la voie d’avenir convaincue de pouvoir échanger avec les autres provinces et de prétendre à être compétitives.

Néanmoins cette volonté politique découlant découpage territorial, il existe de nombreux problèmes ethniques, sociaux et économiques qui se résument autour des éléments ci-après :
- Les ressources naturelles, humaines, infrastructurelles et organisationnelles ;
- La situation sociale prévalente dans les provinces ;
- Le rôle des forces politiques et sociales en présence ;
- Le domaine de la compétence exclusive des entités locales.

En matière des ressources, les entités provinciales sont dominées par une nature en jachère, la pratique d’une économie de rente, la rudesse du climat et l’abandon de l’agriculture occasionné par l’exode rural. Une importante part de la main d’œuvre rural vit dans le chômage. Certaines provinces sont mieux bâties en infrastructures ; la prévalence des entités ethnotribales renforçant le pouvoir des chefs coutumiers, des ilôts religieux, de la société civile, des projets de développement.
Au niveau social, la précarité des conditions de vie caractérisée par la pauvreté de masse, des maladies endémiques, le chômage, la déscolarisation, l’habitat insalubre et incommode.

Enfin, les problèmes liés aux forces politiques et sociales en présence renvoient à la concurrence et aux clivages ethniques et linguistiques, le leadership traditionnel et culturel, la jeunesse désabusé, sacrifié, sans ambition ; l’administration publique inefficace sans organisation politique et civile adéquate suite au manque de ressources.

Face aux problèmes précités, il en découle des conséquences inhérentes au découpage territorial en l’occurrence la déstabilisation de l’élite politico-administrative locale ; la recomposition des forces politiques locales ; la réduction de l’assiette économique et fiscale ; la perte des ressources pour le gouvernement central et donc, son désengagement.

A ces difficultés s’ajoute celle liée au coût financier. L’évaluation du coût d’installation des institutions politiques de la troisième république exige des moyens financiers exorbitants. Car le pays devra disposer des frais de construction et réfection des infrastructures, des frais de sécurité, des frais de transport, des frais de communication et presse, ds frais de mutation, des frais de cérémonie et d’investiture pour la mise en œuvre de nouvelles institutions qui sont :
Des institutions de la République à savoir : le Président de la République ; le parlement ; le gouvernement ; ainsi que les cours et tribunaux.
Des provinces qui sont : les 26 assemblées provinciales et les 26 gouvernements provinciaux.

Sur le plan sécuritaire, la gestion des FARDC, de la PNC et des services de sécurité pendant la transition suscite de grands atermoiements quant à leur efficacité dans la troisième République. En effet, ce caractère préoccupant de la question militaire se justifie par le fait que le brassage et l’intégration des forces armées des ex-bélligérants semblent traîner le pas. L’absence d’un plan de développement de l’armée congolaise, la recrudescence des règlements militaires, l’intégration des militaires au statut des agents de l’Etat, des mouvements d’insurrection et de rebellions, la détérioration du rapport entre les civils et les militaires, la politisation à outrance de l’armée et services de sécurité constituent des maux majeurs ne permettant pas à l’armée, la police et services de sécurité de répondre efficacement à leurs missions.

D’où l’exigence d’une reconversion républicaine de l’armée, la distinction des rôles entre la police et l’armée ainsi que la dépolitisation des services de sécurité en vue de leur permettre d’assurer avec efficacité l’ordre public et la souveraineté du territoire.

La problématique de la restauration effective de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du pays s’articule autour de deux points : la définition du concept « Autorité de l’Etat et l’état de lieux ». Il est souligné que l’organisation et le fonctionnement du pouvoir dans un Etat sont régis par une constitution ou loi fondamentale. Ce fonctionnement est basé sur la séparation de trois pouvoirs à savoir : pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.
L’autorité de l’Etat s’exprime et s’exerce concrètement à travers les différentes structures qui sont mises en place (services de l’Etat : la territoriale, les cours et tribunaux, l’Armée, la Police, les services de sécurité…). Le dysfonctionnement de ces services conduit à l’effritement et l’anéantissement de l’autorité de l’Etat.

L’état de lieux sur la question de l’autorité de l’Etat en République Démocratique du Congo, fait ressortir un recul dans le temps en passant par la deuxième république et la transition politique en cours.
En effet, dans la première république, l’autorité de l’Etat était régis par la loi fondamentale du 19 mai 1960 qui en elle renfermé les germes des conflits, base de dysfonctionnement des institutions républicaines. Pour donner un semblant de légitimité à son action, la deuxième république a adopté la constitution en 1967 qui a instauré l’autorité avec comme fondement un régime de parti unique, une forme unitaire de l’Etat centralisé à outrance, un régime politique présidentiel qui concentrait tous les pouvoirs de l’Etat entre ses mains.
La période de transition a été marquée par le multipartisme intégral qui a conduit à une crise de légitimité récurrente. Mais nous devons reconnaître que le Gouvernement de transition a entamé avec plus ou moins de succès la restauration de l’Etat.

Les rapports entre le pouvoir central et les provinces trouvent leurs justifications dans l’impérieuse nécessité de jeter les bases solides d’une administration territoriale de développement.

A cet effet, il a été souligné que toute politique de développement par la décentralisation impose aux dirigeants des entités décentralisées la possession des qualités intellectuelles et morales éprouvées et un esprit d’abnégation pour l’intérêt collectif.

Or, les expériences du passé montrent que beaucoup d’agents de la territoriale accusent des insuffisances criantes d’aptitudes au commandement et à la gestion, insuffisances dues principalement à l’impréparation et à l’inexpérience parfois caractérisées entraînant l’incapacité de créativité et d’initiative et au manque des moyens de formation et de perfectionnement. D’où la nécessité de la formation des cadres territoriaux des entités centralisées.

En ce qui concerne la répartition proprement dite entre le pouvoir central et les provinces, telle que prévue dans la constitution en son article 202, il s’avère que celle-ci n’est pas tout à fait équilibrée et peut entraîner les conflits de compétences. C’est pour cette raison que il est proposé des aménagements nécessaires pour accompagner la future loi portant organisation territoriale et administrative de la RDC, de manière à maintenir et consolider les bons rapports qui doivent exister entre le pouvoir central et les provinces.

Les réflexions sur l’indépendance, l’autonomie financière et l’efficacité de la magistrature ont été axées autour de deux points focaux, à savoir : les mécanismes constitutionnels de lisibilité de l’indépendance du pouvoir judiciaire et, l’efficacité compromise du pouvoir judiciaire.

Se servant de l’histoire politique et constitutionnelle du Congo, il se dégage que cette dernière est marquée par l’absence de l’indépendance effective de la magistrature. Dans le but de marquer une rupture avec ce passé défavorable, l’actuelle constitution se veut révolutionnaire en consacrant les mécanismes de lisibilité et d’encadrement de l’indépendance du pouvoir judiciaire par :
l’affirmation du principe que le pouvoir judiciaire est dévolu aux seuls cours et tribunaux civils et militaires ainsi qu’aux parquets y rattachés ;
la reconnaissance en faveur du pouvoir judiciaire du droit de disposer de son propre budget géré par le conseil supérieur de la magistrature et transmis au gouvernement pour être inscrit dans le budget général de l’Etat ;
sa réaffirmation de l’inamovibilité du juge ;
l’interdiction faite aux pouvoirs exécutif et législatif de s’immiscer dans l’administration de la justice ;
la reconnaissance au conseil supérieur de la magistrature de gérer les magistrats.

Toutefois, faut-il relever que l’efficacité du pouvoir judiciaire est compromise par l’article 1666 de la Constitution. Néanmoins, il appartient aux magistrats de profiter de l’indépendance partielle leur accordée pour affirmer leur autonomie fonctionnelle dans la distribution de la justice. C’est dans ces conditions que le pouvoir qu’ils représentent pourra véritablement mériter le qualificatif de « garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens ».

Dans le cadre des défis politico administratifs, sécuritaires et institutionnels de gestion de la troisième république », la question relative aux « Guerre, violations massives des droits humains et harmonie sociale dans la troisième république » a été examiné avec attention soutenue compte tenu de son rôle majeur que jouit le respect des droits humain en vue d’une harmonie et concorde sociale dans la troisième république.

L’Aperçu général sur les guerres de 1996 et 1998 en RDC montre que le pays a connu plusieurs conflits armés depuis son accession à l’indépendance. Bien qu’elles aient été un moyen de sortir le pays de la dictature et de promouvoir la démocratie, ces 2 guerres ont induit des conséquences énormes pour le pays et sa population et ce, surtout en terme de violations massives des droits humains.

Le diagnostic global des cas enregistrés fait ressortir des violations massives généralisées des droits humains commises pendant les guerres: violation des droits civils et politiques ; vilotaion du droit à la liberté physique ; violation du droit de l’enfant ; vilotaion du droit à la libre circulation des personnes et de leurs biens ; violation du droit à la liberté individuelle ; violation des droits économiques, sociaux et culturels ; et violation des droits collectifs.

Sur le plan des droits civils et politiques, le droit à la vie est simplement ignoré. Les enquêtes des ONG crédibles établissent plus de quatre millions et demi de congolais ont perdu la vie pour la seule guerre de 1998 et plus d’un million de déplacés.

Sur le plan du droit à la liberté physique, il n’a pas aussi été respecté. La torture, les traitements cruels…ont été commis comme arme de guerre.

Sur le plan du droit des enfants, ces derniers ont été enrôlés au sein des forces armées des belligérants.

Sur le plan du droit à la libre circulation des biens et des personnes, il est amer de constater que ce droit a été entravé par l’occupation d’une partie du territoire par les différentes forces antagonistes, empêchant ainsi la libre circulation des populations dans le territoire national.

Sur le plan du droit à la liberté individuelle, il a été violé entraînant comme conséquence de nombreux cas d’arrestation arbitraire.

Sur le plan des droits économiques, sociaux et culturels, il s’est avéré que le droit de propriété n’a pas été respecté et nombreux de congolais ont été victimes de spoliation ou de destruction méchante de leurs biens, meubles et immeubles. Aussi, le droit au travail, beaucoup de personnes ont perdu leur emploi pour des raisons politiques et tant d’autres.
Sur le plan des droits collectifs, le droit du peuple congolais à la paix et celui de disposer de ses ressources a été gravement et constamment violé.

Raison pour laquelle certains préalables politiques et institutionnels, militaires, socio-économiques s’imposent en vue d’une harmonie sociale dans la troisième république à savoir :
Sur le plan politique et institutionnel, il faudrait rappeler le problème de légitimité. Il s’avère nécessaire de rompre avec l’avènement d’un nouvel ordre politique à travers l’organisation d’élections libres, transparentes et démocratiques.
Sur le plan judiciaire, la justice doit être garantie et permettre à la magistrature d’accomplir sa mission en toute quiétude et d’éradiquer l’immoralité.
Sur le plan sécuritaire et militaire, l’armée, la police et les services de sécurité doivent être au service exclusif de la nation. Il y a donc nécessité de créer une armée républicaine et une police nationale dès la fin de la transition.
Sur le plan socio-économique, les responsables politiques doivent poursuivre la réalisation de l’intérêt général. Un accent important doit donc être porté sur l’amélioration des conditions sociales des travailleurs et la lutte contre le chômage.

Ces préalables ne peuvent être efficaces que si les dirigeants se conforment aux exigences de la bonne gouvernance.

Fait à Kinshasa, le 27/05/2006
LES PARTICIPANTS