Grand Siècle Africain, et les élections en Rdc (6)

Trente juin, o doux soleil ! Trente juin
Du trente juin, jour sacré, sois le témoin,
Jour sacré de l’immortel serment de liberté,
Que nous léguons à notre postérité
Pour toujours.

C’est le cinquième et dernier verset de l’hymne de l’Indépendance de la Rdc dans lequel les fils et filles de ce pays avouent et proclament le trente juin comme étant, pour eux, un jour sacré,solennel et mémorable.

Dans le calendrier judéo-chrétien, le trente juin, c’est le beau milieu de l’année. Mais au pays situé au coeur du continent africain, à cheval sur l’équateur, c’est le jour sacré de l’immortel serment de leur liberté chèrement acquise, jour mémorable et respectable, mais jour qui hélas ! est depuis 2005 transformé en ultimatum au-delà duquel on parle à tort ou à raison de prolongation d’une transition déjà kilométrique.

En 2005, les acteurs évoluant sur la scène politique congolaise ont réussi à désacraliser ce jour du trente juin et à le ravaler aux rangs des journées sombres, dominées par la psychose de la fin du monde.

Certains disent : Non, non, ce n’est pas la date du 30 juin qui est sur le fil de l’épée. C’est plutôt l’après 30 juin qui est concerné.

Vrai, cela est vrai. Mais il est vrai aussi que, dès l’instant qu’on prend le risque de faire correspondre la fin d’un ultimatum à une date mémorable et respectable, dès l’instant qu’on place la ligne chaude au beau milieu du village, qu’on l’eût su ou non, qu’on l’eût voulu ou non, l’affrontement entre les forces antagonistes aura lieu en plein village, et autour de cette date mémorable et respectable.

C’est en cela que le mythe du 30 juin risque encore d’être frappé.
C’est en cela que la symbolique du 30 juin risque encore de recevoir des coups.
C’est en cela que la légende du 30 juin risque encore d’être désacralisée, profanée, caricaturée.
C’est donc bien ce qui s’est passé en 2005 que l’élite politique congolaise « toutes tendances confondues » se prépare à reproduire en 2006. Peut-être en grand format. Peut-être en petit format. Tous les ingrédients sont visibles, le décor est déjà planté, la tension sociale est perceptible. Reste le déploiement le jour J des forces antagonistes sur la place publique.

On imagine que les préparatifs vont bon train à mesure qu’on s’approche de cette date.

Préparatifs sur le dispositif de répression qui sera encore déployé.
Préparatifs sur la foule des résistants qui va encore investir la place publique.
Préparatifs sur la tension sociale, sur les bavures policières, les dérapages, les débordements, les affrontements, les arrestations et les décomptes macabres qui seront encore enregistrés.
Préparatifs aussi sur les décomptes finals et les marques de jeeps qu’en prévision de ces événements et pour parer à toute éventualité le Budget de l’Etat va encore, et de façon anticipative, accorder aux Honorables Parlementaires.

C’est bien ce que la Rdc a vécu en fin juin - début juillet 2005, et c’est bien le spectacle que l’élite politique de la Rdc « toutes tendances confondues » se prépare à reproduire sur l’arène politique en fin juin – début juillet 2006 en prévision du « vide institutionnel » qui suivra le non-respect de l’ultimatum.

Peut-on seulement souhaiter un « vide institutionnel » dans un pays déjà engagé dans plusieurs processus (Processus électoral, processus de paix, processus de réconciliation, processus de démocratisation…) ?

Peut-on souhaiter une mort subite, un arrêt brutal des Institutions d’une République post conflit, suivi d’un « vide » qui laisserait le champ libre à un schéma catastrophe, à un capharnaüm, à une anarchie dont l’histoire n’a certainement pas souvenir ?

N’est-il pas plus raisonnable et plus responsable, de chercher à recentrer, à réajuster les choses et à accélérer les processus déjà engagés, dans l’intérêt supérieur de la « Nation congolaise » ?

Les concertations politiques en prévision des élections au-delà du 30 juin présentent plus d’avantages que d’inconvénients.

Ce sera l’ultime occasion offerte aux acteurs politiques congolais « toutes tendances confondues » de se réapproprier la gestion du processus électoral et ainsi prouver de façon claire, nette et définitive leur grande maturité politique ou alors confirmer leur légendaire immaturité politique ;

Ce sera l’ultime occasion offerte aux acteurs politiques congolais « toutes tendances confondues » de s’accorder cette fois-ci sur la fin d’une transition aux multiples et interminables prolongations ou alors, confirmer cette fois-ci encore leur triste réputation de ne jamais savoir surmonter leurs divergences de vues, de ne jamais savoir transcender leurs différences artificielles et de ne savoir qu’une chose : faire triompher leurs désaccords, leurs divergences de vues, et leurs différences artificielles ;

Ce sera l’ultime occasion offerte à la classe politique congolaise « toutes tendances confondues » de se gratifier ou alors de s’interdire une énième prolongation, de s’octroyer ou alors de s’interdire des per diem, de conjuguer entre eux le verbe « manger », ou alors de le conjuguer désormais avec le peuple .

Hier, bastion de la lutte anti-communiste en Afrique centrale, voici la Rdc consciente de ses faiblesses actuelles, de ses retards persistants, de ses perpétuels enlisements, de ses perpétuels blocages, de ses interminables imbroglios, des perpétuels recommencements de son histoire et de l’impératif de sa réinvention dans un contexte mondial marqué d’une part, par la fin de la guerre froide,conflit Est/Ouest, conflit idéologique opposant capitalistes et socialistes, et d’autre part, par le début d’une autre guerre froide, conflit Ouest/Ouest, conflit économique opposant les capitalistes entre eux.

Voila qui explique la présence sur la scène ou l’arène politique de la Rdc des mouvements politico militaires qui hier, s’affrontaient pour le contrôle du pouvoir dans ce fabuleux pays. La victoire finale n’ayant pu être obtenue par les armes, voici les chefs de ces mouvements se portant candidats aux hautes charges de la République et cherchant à y accéder de façon démocratique.

Vont-ils accepter le verdict des urnes ? Peut-être, oui. Peut-être, non.

Voila qui explique la concentration sur le sol de la Rdc d’un conglomérat hétéroclite des forces émergeant des horizons divers, obéissant à divers commandements, ayant comme consigne « la sécurisation du processus électoral » mais donnant plutôt l’impression de préparer un cocktail.

De toute évidence, l’actuel calendrier du processus électoral de la Rdc obéit à un rythme qui lui est visiblement imposé de l’extérieur. Ce même extérieur qui hier, saluait les résultats des élections organisées dans «l’ex-Zaïre », aujourd’hui Rdc, et qui, aujourd’hui, parle des « premières élections réellement démocratiques » dans ce même pays.

Reste au peuple congolais oublié dans cette querelle d’intérêts de dire à l’élite politique congolaise « toutes tendances confondues » :

«Il est grand temps de commencer à conduire les masses congolaises, avec sagesse, bon sens, et maturité vers le destin qui est le leur !

Il est grand temps de commencer à assumer vos responsabilités devant Dieu et devant l’Histoire, mais aussi, à prêter serment la main sur la Bible, sur le Coran, sur le Livre qui vous est sacré !

Il est grand temps que la politique en Rdc devienne un jeu clair, logique et transparent, un service public, un apostolat, une quête de l’intérêt général, qu’elle cesse d’être le domaine de partage des butins entre mutins et pantins, le lieu où l’on s’enrichit vite et facilement !

Il est grand temps que les acteurs politiques apprennent et appliquent les lois naturelles de la concertation tranquille, sereine, honnête ayant comme objectif : le consensus, même minimal !

Il est grand temps que l’élite politique congolaise épouse le 21e siècle car les temps ont changé. Nous ne sommes plus, ni au bon vieux temps des colonies, ni au bon vieux temps des dictatures. Nous sommes maintenant à l’age de l’interdépendance et du développement de l’Afrique !

Il est grand temps que l’élite politique congolaise commence à considérer la politique comme un noble art, comme un noble combat plein de sportivité, d’élégance et d’efficacité, visant l’évolution d’une société fracturée, bipolarisée, retardataire, déficitaire, exploitée et bloquée au stade du sous-développement !

Oui, oui, il en est grand temps, car voici mon bulletin de vote ! »