Grand Siècle Africain (10)

Kinshasa, du 20 au 22 août 2006 : Guerre de 3 jours.

Une guerre qui n’éclate pas ailleurs, mais en plein Centre-ville. Là-bas, entre le boulevard du 30 juin et le majestueux fleuve.

Une guerre qui éclate le soir même de la proclamation des résultats provisoires des « Présidentielles, 1er tour ».

Croyez-moi, pendant ces trois jours, Kinshasa fut frappé, déchiré, paralysé.

Le beau Quartier résidentiel de la Gombé fut transformé en un champ de bataille offrant le spectacle hideux des corps gisant sur l’asphalte et baignant dans leur sang.

On entendait des crépitements, des craquements, des grondements, mais aussi, hélas ! des tremblements de terre dont les ondes secouaient Kinshasa sur plusieurs kilomètres à l’entour.

Si les sismographes ne se sont pas précipités sur les lieux du sinistre, c’est parce – renseignements pris – la catastrophe n’était pas naturelle. L’affaire était plutôt politico-militaire, sinon militaro électorale.

Politico militaire puisque, ce sont des « Militaires » affectés à la garde de deux « Acteurs Politiques, Candidats Présidents » qui s’étaient accrochés.

Militaro électorale puisque, ces accrochages entre « Militaires » ont eu lieu en plein processus électoral.

En effet, ces accrochages ont éclaté le soir même de la proclamation des résultats provisoires des « Présidentielles, 1er tour », proclamation durant laquelle, le peuple souverain de la Rdc, apprenait que sa volonté exprimée le 30 juillet 2006, dans les urnes, était enfin traduite en lettres et en chiffres, et signifiait ceci :

- Pas de Président élu au 1er tour.
- Deux Candidats Présidents qualifiés pour le 2e tour.(Chose rare en Afrique)

Au lieu que le peuple souverain assistât à une sorte de jubilation, de gaieté et de liesse dans les rangs des deux « Qualifiés », on lui infligeât plutôt une guerre. Une vraie guerre qui n’opposât personne d’autre que les gardes des deux « Qualifiés ».

Ainsi, depuis maintenant un mois les « populations civiles », cherchent, - en tant que électrices, et donc principales actrices du jeu électoral en cours en Rdc- à comprendre cette énigme politico militaire, et à résoudre ce paradoxe militaro électoral pour que cela ne se répète pas au second tour.

La « guerre de 3 jours » ne peut- elle pas être considérée comme un avant-goût, une préfiguration de quelque autre événement, bien plus grave, bien plus désastreux qui aurait pu – ou, qui peut encore - se produire en Rdc ? Puisque, si dès la proclamation des résultats du 1er tour, résultats qui –oh paradoxe- furent largement à l’avantage des deux « Qualifiés » du second tour, une guerre a éclaté, à quoi aurait-on assisté si jamais – admettons-le - l’un d’entre eux s’était retrouvé hors course ?

La « guerre de 3 jours » n’est-elle pas révélatrice d’un état d’esprit malsain, d’une rivalité malsaine, d’un feu qui couvait sous les cendres, et d’un profond malaise dans les rangs des « troupes » qui n’obéissent qu’aux deux « Qualifiés » ?

Ces troupes ne seraient elles pas en train de s’inquiéter sur la question de leur survie au lendemain du second tour, puisque – comme chacun le sait, et que nul ne l’ignore- le brassage des « troupes disparates » issues des mouvements politico militaires, n’est toujours pas terminé.

Quoi qu’il en soit, la « guerre de 3 jours » peut être considérée comme une démonstration – par l’absurde - de la conscience, de la maturité et de la sagesse des « populations civiles » qui, ayant senti le climat malsain durant la campagne électorale, ne voyant pas clair dans la confusion ambiante délibérément entretenue par certains politiciens et leurs sympathisants, ont préféré, dans un premier temps « qualifier » deux Candidats, et reporter l’élection proprement dite du Président de la Rdc, dans un deuxième temps.

La « guerre de 3 jours » est aussi une preuve – par l’absurde toujours – que la politique, et surtout les élections, sont une affaire des « Civils » et non des « Militaires ».

En effet, depuis le coup inconstitutionnel de Novembre 65 qui a provoqué l’entrée impromptue et inattendue d’un Chef militaire sur la scène politique – j’allais dire, sur l’arène politique – de la Rdc, le jeu politique dans ce pays s’est totalement fourvoyé, la démocratie s’est retrouvée entre parenthèses, et le militaire est devenu le seul maître du pays, la seule autorité digne de respect.

Et, depuis là, en Rdc, l’homme en uniforme et en arme se considère comme le véritable « Maître du pays ». Quelque soit son grade. Surtout, s’il est tout près du soleil.

Voilà une logique ancrée dans les mentalités et qui, depuis lors, incite certains « Civils »qui brûlent d’envie d’occuper un jour le fauteuil présidentiel, de monter des mouvements politico militaires allant jusqu’à conclure des alliances et des parrainages parfois bizarres dans la perspective de la conquête du pouvoir en Rdc.

D’où la conception martiale et bestiale de la course au pouvoir en Rdc.

Et, en considérant froidement l’évolution des choses, on peut se rendre compte que jusque-là, la Rdc n’est pas encore sortie de cette auberge. Pour preuve, voici la guerre de trois jours, en plein Kinshasa, et en plein processus électoral.

Et, nous voici maintenant en train de préparer le second tour. Au sortir de ce second tour, il n’y aura qu’UN SEUL Président démocratiquement élu. Que faire, que dire pour que les choses se passent bien ?

Face à toutes ces guerres et risques de guerre ;
Face à tous ces martyrs qui ne cessent de tomber après échange des tirs ;
Face à ces avant-goûts qui augurent de mauvais coups ;
Face à ces perpétuels signes et autres chants de cygne ;
Face à ces thèses et ces parenthèses ;
Et, face à ces éternels recommencements de l’histoire aussi bien en Rdc, qu’en Afrique.

Nous –civils - devons dire « NON ». Non, à quoi ?

Non à la militarisation des élections démocratiques, en République démocratique, du Congo démocratique ;
Non à des effusions de sang avant, pendant, et après les élections démocratiques, en République démocratique, du Congo démocratique ;
Non aux discours de la poudre et de la foudre en politique ;
Non à l’éternel embrasement des Capitales africaines au moment précis où des forces internationales y sont stationnées ;
Non à l’utilisation abusive des troupes et de l’arsenal militaire de la Rdc par les Acteurs politiques.

Nous – civils - devons dire aussi « OUI ». Oui, à quoi ?

Oui, à l’accélération du processus d’intégration, de brassage ou de fusion de toutes les « forces encore disparates » en Rdc. Car, si des forces bien identifiées, bien nourries, bien habillées, bien logées, véhiculées et parfaitement contrôlables et intégrables, en arrivent à se télescoper, qu’en sera-t-il de celles qui ne sont ni identifiables, ni contrôlables, ni même intégrables dans l’Armée régulière de la Rdc ?

Oui, au strict respect de la sentence des urnes, et des exigences très strictes, de la stricte démocratie.

Oui à une totale transparence des résultats des élections. Que le même sérieux, la même transparence qui ont caractérisé les opérations du 1er tour, se retrouvent au second tour. D’ailleurs, la CEI aurait déjà reçu nos sincères félicitations et nos applaudissements frénétiques, n’eussent été les bruits de la guerre de 3 jours.

Bravo au travail abattu par la Cei et ses partenaires. Puisque, ne l’oublions pas, les actuelles élections présidentielles sont les premières réellement démocratiques jamais organisées en Rdc.
En 1960, les élections présidentielles étaient bien pluralistes, mais le Président n’était pas élu au suffrage universel direct.
En 1977 et en 1984, le Président était élu au suffrage universel direct, mais dans des élections monopartistes.
Voilà qu’en 2006, pour la toute première fois en Rdc, un Président sera élu au suffrage universel direct dans des élections pluralistes.

Nous – civils - devons dire oui. Oui à la neutralité de l’Armée, de l’Administration, des Forces de l’ordre, des Medias, de la Justice et des Confessions religieuses.

Oui, à l’affirmation selon laquelle les élections sont une affaire des « Civils ».

Oui, à ce que les « Militaires » retournassent à leurs nobles missions traditionnelles, missions universellement reconnues à toute Armée : la défense du Territoire national, la surveillance de nos frontières terrestres, maritimes, fluviales et aériennes. Qu’ils laissent la politique aux gens qui sont capables de dire une chose le matin, et de soutenir le contraire le soir.

Les « Militaires » doivent rester à l’écart des chamailleries, des querelles, des disputes et autres bagarres des politiciens. Pour ne pas confondre « Adversaire politique » et « Ennemi à abattre », les militaires qui veulent embrasser la carrière politique, ou briguer un mandat politique doivent au préalable faire leurs adieux au métier des armes.

La guerre froide est terminée, et la Rdc n’en est plus à se battre contre le joug colonial, dictatorial ou impérial. Le temps des guerres - « guerre de 80 jours », « guerre de 6 jours », « guerre de libération », «guerre d’agression/libération » - est révolu. Est également tombée en désuétude, la conception martiale et bestiale de la politique. Voici venu le temps de la DEMOCRATIE, de la PAIX – entendue comme silence des armes –et, du DEVELOPPEMENT.

Non, non le peuple souverain de la Rdc n’a plus besoin d’assister à des sacres après massacres, de voir des gens briguer des honneurs après horreurs, de voir des gens nommés Ministres après sinistres, de voir des Gouvernements se former après grondements d’armement lourd et des tremblements de terre.

Le peuple souverain de la Rdc veut assister – oh !que dis-je – veut désormais participer majoritairement à la réinvention et au décollage de son pays. C’est cette majorité-là qui sera aux commandes des affaires de l’Etat pendant cinq ans. Après quoi, il y aura d’autres élections. Pour déterminer d'autres majorités. C’est dans la dynamique de ces changements de majorités que le pays changera démocratiquement ses Dirigeants et se développera.

Voilà qui est clair.
Pourquoi alors une guerre de trois jours, en plein Kinshasa, et en plein processus électoral ?...