Une Ong congolaise de défense de la liberté de la presse demande une réforme radicale de la radio et de la Télévision
Dans un Rapport d'observation des médias pendant la période électorale publié samedi 11 novembre 2006 à Kinshasa, Journaliste en danger (JED) fait le constat amer qu'un certain nombre de médias congolais, surtout audiovisuels, n'a pas joué pleinement le rôle qu'on attendait d'eux pendant la période électorale.Alors que la République démocratique du Congo organisait ses premières élections générales voulues "libres, démocratiques et transparentes", depuis l'indépendance du pays, une presse de propagande, particulièrement engagée dans la défense des intérêts politiques de ses promoteurs, la diabolisation de leurs adversaires politiques, l'exploitation éhontée des images macabres, l'incitation à la délation ou à la vengeance et l'apologie du crime, a vu le jour et a cristallisé autour d'elle une vive tension politique avant, pendant et après les élections. Le comble de tout est que la radio et la télévision d'Etat a aussi activement participé au pourrissement de la situation politique en se mettant au service quasi exclusif d'un candidat et de son camp politique. Pour JED, cette guerre des nerfs, au travers des médias respectifs et des médias d'Etat,entre les deux principales forces politiques engagées dans la conquête ou la conservation du pouvoir, a certainement préparé psychologiquement les affrontements armés qui ont eu lieu à Kinshasa, du 20 au 22 août 2006, lors de la proclamation des résultats du premier tour de l'élection présidentielle.Depuis, et face a ces dérapages dangereux, la presse a été mise sous haute surveillance policière et politique aussi bien par des services publics du gouvernement que par la Communauté internationale réunie au sein du CIAT (Comité International d'Accompagnement de la Transition), qui ont multiplié tout au long de la période électorale, des menaces a peine voilées, des mises en garde et des sanctions, justifiées ou non, contre des médias.Dans ce rapport intitulé : "La liberté de la presse pendant la période électorale", JED note également que la lutte, du reste noble, contre le discours d'incitation à la haine ou à la violence, a particulièrement servi à la Haute autorité des médias (HAM), pour exercer une censure systématique sur les médias privés empêchant ainsi et très souvent tout débat démocratique nécessaire en période électorale, alors que les médias publics restaient "confisqués" par le parti dominant.
La stigmatisation de la presse mêlée à l'ambiance généralisée d'intolérance politique a eu pour conséquences directes la multiplication des actes de violence visant des journalistes et certains médias dont les installations ont été sabotées à l'arme, causant au moins une victime à Kisanga, dans la périphérie de la ville de Lubumbashi.Au regard de cette première expérience des médias congolais dans la période électorale, JED fait, entre autres, les recommandations suivantes au gouvernement de la République et au Parlement issus des présentes élections : - Transformer la radio et télévision d'Etat en de véritables médias publics au service du public et non plus du gouvernement ou d'un quelconque parti politique. Cette transformation ne doit pas se limiter aux simples slogans genre "la Radiotélévision du peuple". Pour cela, des réformes juridiques et réglementaires régissant l'actuel RTNC doivent prévoir un mode de désignation du Comité de gestion qui garantisse sa neutralité par rapport aux forces politiques et au gouvernement et son mode de financement doit être à l'abri des chantages et caprices dugouvernement. Le Comité de gestion devra rendre compte de sa gestion éditoriale et financière devant le public au travers de ses représentants au Parlement ;- Voter une loi particulière sur l'accès à l'information qui oblige particulièrement les mandataires publics à tous les niveaux de gestion de rendre compte au public par une divulgation maximum des informations (loi sur l'information publique ou la transparence). Cette loi doit prévoir des mécanismes de sanction pour lesrécalcitrants ;- Mettre fin au dualisme entre l'instance de régulation des médias et le ministère de la presse et information surtout en ce qui concerne les médias publics ; - Afin de mettre fin à la violence qui a visé les médias et professionnels des médias, conduire des enquêtes sérieuses sur les attaques des installations des médias à Butembo, Kisanga (périphérie de Lubumbashi), l'incendie de CCTV et CKTV, le double assassinat de Franck Ngyke et son épouse, et le meurtre du journaliste Bapuwa Mwamba. Rendre public les résultats de ces enquêtes et déférer devant la justice les coupables et commanditaires là où il y en a.
FAIT A KINSHASA, LE 11 NOVEMBRE 2006
