VICTOIRE DES FARDC’S SUR LES M23 : C’EST BON DE JUBILER, C’EST MIEUX DE PROCEDER AUSSI A UNE SAINE AUTO
La tradition semble avoir été rétablie à Kibumba, Rusthuru, Rumangabo etc. Comme autrefois à Gambela, Assossa et Saïo face aux très combatives troupes allemandes, à Bukavu avec des mercenaires français et belges de Jean Schramme, à Kolwezi où des hommes du Major Mahele avaient repris aux rebelles l’aéroport, la gare centrale et d’autres points stratégiques de la ville plusieurs heures avant que la Légion étrangère française n’y saute, à Ati et Abéché au Nord du Tchad face aux redoutables légions libyennes du Colonel Kadhafi et à Kigali contre des colonnes rebelles des FPR commandées par un certain Paul Kagame, de bien vaillantes troupes congolaises viennent de démontrer de quoi elles sont capables dès lors qu’elles bénéficient d’un minimum de méritocratie dans le choix du commandement et d’une logistique opérationnelle suffisante.
C’est exactement ce qui vient de se passer à l’Est de la RDC où des troupes régulières, appuyées par quelques 3000 hommes de la Brigade de la MONUSCO, viennent de reconquérir des portions du territoire national que de bien minables rebelles du M23 occupaient depuis bientôt une année, réussissant très curieusement à en interdire chaque fois l’accès aux troupes régulière.
C’est pourquoi nous nous faisons un devoir patriotique de solliciter l’attention des patriotes congolais sur le fait qu’autant il est bon de jubiler en pareil circonstance, autant il est mieux de faire accompagner cette euphorie générale par une saine autocritique sensée amener les garants constitutionnels de l’Etat congolais à prendre des dispositions sensées épargner l’Armée nationale d’une éventuelle répétition de pareilles situations de bien ridicules contre-performances militaires.
En effet, l’incompétence à ses limites. Ce qui vient de se passer à l’Est de la RDC est tout simplement scandaleux. La stratégie militaire nous renseignant que les forces rebelles n’ont pas vocation de tenir longtemps des positions statiques face aux troupes régulières, préférant chaque fois se retirer pour ne revenir attaquer que par surprise, il nous est difficile de réaliser qu’une centaine de rebelles seulement, fussent-ils soutenus par une Armée rwandaise qui n’a jamais été une foudre de guerre, tiennent tête, pendant toute une année, jusqu’à contraindre les 100.000 éléments des FARDC’s à avoir encore besoin de 3.000 hommes de la Brigade de la MONUSCO pour espérer finalement renverser les vapeurs ?
Et pourtant, c’est bien-là une triste réalité congolaise que tout le monde, présentement noyé dans l’euphorie de la victoire, semble perdre de vue, oubliant que l’histoire à la propriété de se répéter. C’est ainsi que, sans vouloir occulter le succès militaire des FARDC’s, notre modeste personne tient plutôt attirer l’attention aussi bien des gouvernants que des acteurs de la société civile congolais sur cette cruciale nécessité, qui leur incombe, de se soumettre à une autocritique sensé amener les forces de défense et sécurité congolaises à éviter de retomber dans l’avenir sur les mêmes travers de la médiocratie et de ses corollaires que sont l’incompétence, les échecs et le déshonneur national.
A en croire à Vincent Duhem et Laurent Touchard, deux journalistes de l’AFP qui venaient d’effectuer un reportage sur terrain à Goma, cette victoire militaire des FARDC’s face aux rebelles du M23 se justifie essentiellement par les trois facteurs majeurs que sont : une entrée en lice de la Brigade internationale et un soutien logistique de la MONUSCO qui a galvanisé le moral des soldats congolais ; une requalification du commandement opérationnel avec la responsabilisation des généraux François Olenga et Bahuma, ainsi que du Colonel Mustafa Ndala et un rejet des rebelles par une population civile qui fournissait de bonnes informations aux troupes régulières. Ainsi dit, une question intéressante serait de savoir qu’est-ce qui s’était passé pour que le Haut-Commandement des FARDC’s mette toute une année pour réaliser qu’il y avait une exigence opérationnelle absolue à redynamiser les commandements des fronts, à assurer la pérennité de la chaine logistique et à multiplier des opérations psychologiques pour retourner des populations civiles contre des rebelles ?
Maintenant que le calme est revenu, nous voyons à la télé des images du Chef d’Etat-Major des FARDC’s arpentant des collines au front, dans le cadre d’une visite d’inspection, ce que le Général Didier Etumba aurait dû faire en novembre 2012 et être ainsi à mesure de proposer au Commandant Suprême des FARDC’s des solutions opérationnelles se fondant sur des données du terrain valables.
Un problème pour les FARDC’s est que, dans l’armée, il est vraiment difficile de s’improviser homme de terrain. C’est comme en chirurgie où il n’est pas évident de tricher avec le maniement du bistouri dans une salle d’opération. Il y a une race d’officiers qui sont faits pour commander, ils allient généralement certaines aptitudes innées à la nature de leur formation et à une certaine expérience de terrain en temps de paix ou de guerre. Par contre, il existe des officiers qui sont bons lorsqu’ils s’occupent des questions opérationnels dans des bureaux éloignés du front mais qui, dès qu’ils sont sous le feu, ont plutôt tendance à perdre toute leur science militaire. Il y a encore la catégorie de ces officiers-là qui sont bons aussi bien sous le feu ennemi qu’avec un stylo et des papiers.
C’est pourquoi il est dit qu’il n’y a pas de mauvaises troupes, il n’y a que de mauvais chefs. Le comportement des soldats sur terrain n’est que le reflet des aptitudes morales et professionnelles de l’officier qui les commandent. Dans ce sens, demander à un officier qui n’a jamais commandé dans sa vie même un petit peloton de 40 hommes, et qui ne s’est jamais retrouvé à la portée du feu de l’ennemi, d’assumer un haut-commandement militaire, c’est comme si on remettait le bistouri à un profane dans une salle d’opération.
Sous d’autres cieux, avec ce qui vient de se passer à l’Est du pays, ce serait inévitablement un profond remaniement du Haut-Commandement de l’Armée avec la promotion de ceux qui ont de prouvé leur savoir-faire sur terrain et la mise à l’écart de ceux qui ont causé du déshonneur national face au M23, c’est ce qu’on appelle la méritocratie. C’est une incitation à l’efficacité dans tous les domaines de la vie nationale.
Seule la méritocratie est sensée permettre à l’Etat congolais de jouir à bon escient de l’une de meilleures ressources humaines militaires de l’Afrique subsaharienne que lui a léguée le défunt Maréchal Mobutu. Il est à souhaiter que les garants de l’Etat congolais ne perdent pas de vue cette réalité que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, en se confortant dans l’actuelle culture d’une médiocratie ethnico-régionaliste, ils exposent le peuple à bien d’autres déshonneurs de la nation congolaise consécutifs à de grotesques échecs des FARDCs face à de bien minables rebelles.
Faustin BOSENGE
Chercheur questions de défense et sécurité
Coordonnateur de la NPDAC/ONG
