Le malheur des enfants-soldats démobilisés en Ituri

Les enfants-soldats réellement démobilisés en Ituri étaient au nombre de 165, dont 164 démobilisés réunifiés en Ituri et un enfant réunifié en Ouganda.
Aprè la démobilisation nous devons malheureusement noter que 44 enfants furent repris dans l'Armée rebelle quelques jours après, parmi lesquels un enfant de 9 ans. Un groupe pris de force, un autre s'est enrôlé volontairement (surtout des enfants qui étaient devenus majeurs. Un troisième groupe, le plus important, parce qu'ils étaient déçus du manque d'un bon encadrement ou des promesses non réalisées. Un enfant-soldat du nom de Rehema Budhe, fut tué au front de Nyangarayi, aux environs de Bunia (début 2002).
Parmi ces enfants-soldats, seulement 94 avaient une adresse fixe et pouvaient être contrôlés à tout moment par le SOS Grands-Lacs, une ONGD du Nord-Kivu à Goma qui avait reçu des fonds de l'UNICEF pour ce travail. Malheureusement il n'y eut aucun suivi régulier.
24 étaient hors du contrôle pour 3 raisons :
- Non accès du personnel de SOS Grands-Lacs dans le milieu où ils habitaient (Fataki, Sota, Mungbwalu,... insécurité pour le personnel);
- Déplacement des enfants de leurs villages pour les carrières d'or où ils sont utilisés comme main-d'oeuvre à moindres frais;
- Participation aux opérations des guerres inter-ethniques comme milices à cause de leur formation militaire. Comme preuve, un enfant du nom de Djidju était tué au front à Loga.
Selon des sources proches des autorités rebelles de la place (en 2002, avant la prise du pouvoir par l'UPC), il y aurait encore plus ou moins 2000 enfants-soldats à démobiliser, disséminés comme suit:
- Dans les Centres de formation: Mont Awa à Aru, Shari près de Bunia;
- Dans les Camps militaires: Ndoromo à Bunia, Mongbwalu, Kilo, Nyangarayi, Iga Barrière, Nyankunde/Talolo, Djugu, Tchomia, Mahagi,...
- Comme garde-corps des Officiers et hauts cadres des Mouvements rebelles.
Aujourd'hui le nombre serait encore plus important après des recrutements opérés par l'UPC et d'autres milices en Ituri.
Comme les autorités politico-administratives et autres ne s'occupaient nullement de ces enfants, ils étaient de fait abandonnés à leur triste sort. Le pire est que ces mêmes autorités tiennent des discours encourageant ces enfants soit à demeurer dans l'Armée ou à regagner l'Armée s'ils l'avaient déjà quittée afin de continuer à y servir.
Pour chaque enfant-soldat démobilisé, l'UNICEF avait donné en tout et pour tout: 5 cahiers, 2 bics, 1 houe, 10 Kg de haricots, 2,5 Kg de soja, soins médicaux selon les moyens de bord. Pour une école, l'Institut de Luvangire: 7 baches pour la construction de quelques salles de cours.
Sur 164 enfants-soldats, 31 seulement étaient reinscrits à l'école, parmi lesquels 13 ont continué les cours et 18 ont abandonné. Causes de l'abandon:
- Appui promis aux écoles pas honoré (à qui la faute: aux rebelles, à l'UNICEF ou au SOS Grands-Lacs?)
- Incapacité des parents à assurer la scolarisation de leurs enfants ni de les contrôler;
- Suivi irrégulier par les responsables par faute de moyens financiers (souvent les agents chargés du suivi sont obligés de parcourir 100 à 200 Km à pied et sans remboursement des frais dépensés;
- Mauvaise orientation scolaire (un enfant de 17 ans inscrit en 5ème primaire).
Ce n'est qu'au début du mois de mars 2002 qu'un enfant a été inscrit dans un atelier de couture, deux pour la menuiserie et quatre autres pour la mécanique, tous à Bunia. En résumé, 74 enfants étaient soit aux champs ou vagabondaient.
Aujourd’hui, au moment où nous publions cet article, tous les enfants-soldats formés ont regagné le rang des combattants et se battent aux côtés des milices.
La DECIDI dénonce le mode de recrutement basé aussi bien sur l’appartenance ethnique que sur des pressions exercées sur les parents pour qu’ils cèdent leurs enfants aux milices. Ici ce ne sont pas seulement les droits de l’enfant, de la personne, qui sont violés, mais et surtout, c’est un acte criminel qu’il faut punir.
Bientôt la situation de guerre va s’améliorer. La DECIDI, en tant qu’un des organes impliqués, pense que pour un meilleur encadrement futur, il faille non seulement rassembler des fonds, mais aussi choisir et préparer le personnel et les institutions à caractère humanitaire et étatique qui vont mener le projet de réinsertion et réintégration à bout. La préférence pour la DECIDI est de recruter ce personnel ainsi que ces institutions localement, au lieu de se référer à des organisations importées qui souvent coûtent cher et vident le lieu, dès que le projet n’est plus rentable.
Bha-Avira Mbiya Michel-Casimir
Coordinateur de la DECIDI.-


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