Discours du président du Centre d'arbitrage de Kinshasa
Mesdames, Messieurs,
C’est un plaisir pour moi de vous recevoir ce jour et de vous souhaiter la bienvenue au nom du Comité Exécutif du Centre d’Arbitrage de Kinshasa ainsi qu’à mon nom personnel.
Mon plaisir se double de l’enchantement de faire la connaissance des personnalités que vous êtes et dont pour la plupart, j’avais entendu parler.
Sans gâcher par un long discours le plaisir que chacun peut tirer de notre rencontre, je vais me permettre de vous entretenir de manière sommaire du sujet qui nous réunit, c’est-à-dire, de l’arbitrage.
L’arbitrage peut se définir comme étant le fait de faire trancher un différend par un ou plusieurs particuliers dénommés arbitres.
Aux termes de cette définition, l’arbitrage ne mettrait ainsi en présence que les arbitres et les parties en dehors de toute institution permanente d’administration de l’arbitrage.
On parle en tel cas, de l’arbitrage ad hoc qui s’exerce au gré des circonstances et selon l’inspiration des arbitres.
A l’inverse de l’arbitrage ad hoc, il peut exister un arbitrage institutionnel
administré par une institution spécialisée d’arbitrage selon son règlement.
En tel cas, l’institution n’est pas en principe une juridiction, sa fonction se limitant à administrer et à fournir des infrastructures et des moyens humains aux arbitrages qu’elle administre.
L’arbitrage institutionnel présente ainsi 3 caractéristiques essentielles. La première résulte de l’existence d’une autorité chargée d’administrer les arbitrages. Les tâches d’administration de la justice arbitrale portent généralement sur l’organisation et la police de l’instance arbitrale.
La deuxième caractéristique réside dans l’existence d’un règlement d’arbitrage qui a pour objet de régir l’instance arbitrale. Par le recours à l’arbitrage institutionnel, les parties se soumettent, du point de vue de la procédure arbitrale, au règlement de l’institution.
La troisième caractéristique consiste en l’existence d’un secrétariat qui assume certaines tâches d’ordre matériel et qui assure la liaison entre les parties, les arbitres et le cas échéant les experts.
L’arbitrage ad hoc, au contraire de l’arbitrage institutionnel, ne met en présence que les arbitres et les parties en dehors de toute institution permanente d’administration de l’arbitrage.
Ainsi compris, l’arbitrage peut se définir comme étant une institution légale qui permet aux parties en litige de faire juger leurs procès par une ou plusieurs personnes privées, au lieu de s’adresser aux tribunaux ordinaires.
C’est l’ambition que se donne le Centre d’Arbitrage de Kinshasa qui se veut ainsi une institution alternative, appelée à contribuer à la bonne justice dans notre pays.
On pourrait se poser légitimement la question de la légalité du Centre d’Arbitrage de Kinshasa.
Existant sous la forme d’une association sans but lucratif, le Centre d’Arbitrage de Kinshasa répond à toutes les prescriptions légales en la matière.
C’est ainsi qu’à la suite de l’arrêté n° 002 du 27 janvier 2003, il s’est vu accorder l’autorisation provisoire de fonctionnement par son Excellence Monsieur le Ministre des Droits Humains que nous avons le plaisir de voir présent parmi nous, avant de se voir accorder la personnalité juridique par l’arrêté du Ministre de la Justice n° 426 du 18 juin 2003.
Sur le plan de la matière, l’arbitrage est organisé dans notre pays au titre 5 du code de procédure civile par les articles 159 à 194.
Les principes imposés par la loi pour l’arbitrage se trouvent repris dans le règlement d’arbitrage du Centre d’Arbitrage de Kinshasa.
Le Centre d’Arbitrage de Kinshasa aura ainsi un rôle purement institutionnel consistant :
1) à tenir à jour une liste des arbitres ;
2) à entretenir des rapports suivis avec les parties qui
recourent à ses services ainsi qu’avec les arbitres ;
3) à composer le tribunal arbitral chaque fois qu’il
échet ;
4) à désigner le président du tribunal arbitral pour le
cas où chacune des parties est censée désigner
son arbitre ;
5) à organiser les audiences du tribunal arbitral ;
6) à tenir à la disposition des arbitres toute
documentation utile sur l’arbitrage ;
7) à tenir à la disposition du public une bibliothèque
spécialisée sur l’arbitrage ;
8) à recueillir pour compte des arbitres les honoraires
qui leur sont dus selon un tarif à convenir entre eux
et le Centre, ce dernier étant appelé à en retenir un
tantième à convenir au titre de frais administratif ;
9) à assurer le dépôt des sentences au greffe du
tribunal de grande instance ;
10) à requérir l’exécution des sentences par les parties ;
A ce jour et jusqu’à ce que le Centre pourrait disposer d’une autonomie financière, son siège se trouve situé au n° 733, avenue Colonel Ebeya dans la commune de la Gombe à Kinshasa.
D’ores et déjà on se pose la question de savoir si le Centre peut co-exister sans heurt avec le Cabinet d’avocat de son président ?
La question serait peut être légitime. Mais l’on doit se dire que notre pays souffre d’un manque d’initiative et d’une absence d’entreprise criante du fait que chacun attend de se retrouver dans les conditions idéales pour entreprendre.
Et pourtant l’histoire nous apprend que pas mal des grandes entreprises, pas mal des publications de grande valeur ont débuté pour ne pas dire se sont réalisés dans des remises obscures.
C’est la raison pour laquelle ce qui doit compter c’est notre volonté commune de monter une alternative valable à la justice congolaise.
Il va de soi que dans cette entreprise, mon cabinet d’avocat cédera le pas aux activités du Centre d’arbitrage de Kinshasa chaque fois que de besoin, jusqu’au jour où ce dernier pourra se délocaliser, sans courir le risque de se retrouver sur la rue dans l’année qui suivra pour non-paiement des loyers.
Qui peut être arbitre ?
Les règles impératives sont peu nombreuses, sur la question en vertu du principe de liberté qui domine le recours à l’arbitrage.
Le Comité Exécutif du Centre d’Arbitrage de Kinshasa a pensé que les arbitres devaient constituer un échantillonnage représentatif des différentes communautés vivant dans notre pays, allié bien sûr, aux critères de compétence et de moralité.
C’est en vertu de ce principe que vous vous retrouvez les uns et les autres présents ici ce soir.
Sur le plan légal, l’arbitre doit être une personne physique.
En second lieu, l’arbitre ne doit pas avoir avec l’une des parties en litige un lien pré-existant de nature à compromettre son indépendance, tout comme il ne doit être ni parent, ni allié des parties, ni leur employé, ni leur conseil.
Sur le plan international, il sied de relever que l’arbitrage institutionnel a acquis à ce jour des lettres de noblesse presque partout dans le monde.
L’exemple le plus frappant est celui de la cour commune de justice et d’arbitrage organisée dans le système OHADA, qui, non seulement intervient en matière d’arbitrage pour désigner les arbitres, suivre la procédure, examiner les projets des sentences arbitrales, mais aussi de juger en cassation les recours contre les décisions prises par les juridictions nationales.
Quid de l’exécution des sentences arbitrales ?
On a considéré que malgré l’avantage que la justice arbitrale apporte par la simplicité des formes, la rapidité et la discrétion de la procédure ou encore la possibilité de statuer en équité du consentement des parties, celle-ci se heurte à une faiblesse de ….. consistant par le fait de recourir à la justice étatique pour l’exécution de ses sentences.
Le reproche est certes fondé mais doit être minimisé si l’on prend en considération le fait d’une part que l’arbitrage institutionnel s’adresse en principe aux grandes entreprises qui, dans le compromis qui circonscrit l’étendue et les règles applicables aux différends, promettent d’avance d’en respecter la décision et de l’exécuter promptement.
Si l’on ajoute à cela le fait que dans le système arbitral du centre d’arbitrage de Kinshasa, les parties seront appelées à s’engager, à renoncer à toute voie de recours, on peut espérer que l’exécution des sentences arbitrales pourrait en être facilitée.
Mais si malgré tout il s’avérait qu’une partie refusait de s’exécuter, il n’existe pas d’autres choix que celui de recourir à l’exécution forcée par les services étatiques, étant entendu que les arbitres comme le Centre d’Arbitrage de Kinshasa auront en ce cas accompli leurs devoirs.
Je ne terminerai pas sans évoquer ici les autres missions qui seront également dévolues au Centre d’Arbitrage de Kinshasa.
C’est d’abord la conciliation, mission de bon office qui pourrait être assurée par un ou plusieurs arbitres en vue de faciliter le rapprochement des parties en litige pour leur permettre de trouver une voie d’accord.
C’est ensuite la médiation qui consistera à instituer un médiateur choisi et accepté par des parties en conflit, pour résoudre leurs différends en tentant de partager tort et avantages, de manière à éviter la capitulation de l’un et la victoire de l’autre.
Vous serez appelés, Mesdames et Messieurs les arbitres, à assurer toutes ces fonctions et à assumer toutes ces tâches.
D’ores et déjà, j’ai entendu quelques craintes surtout de la part des arbitres qui ne sont pas juristes.
Je voudrai rassurer les uns et les autres en rappelant que si la mission de la justice apparaît aujourd’hui comme une fonction d’interprétation des lois codifiées, l’on ne doit pas perdre de vue qu’à l’origine, mêmes les dispositions légales ne sont que des formulations du bon sens.
Et le bon sens, je ne doute pas qu’il se retrouve à suffisance en chacun de vous.
Ce qui n’empêche pas que dans les prévisions du Centre, il pourrait être organisé des journées ou des ateliers de formation tant en arbitrage qu’en médiation, de manière à faire de chacun de nous un spécialiste de ces questions.
Même sans cela, si l’on doit admettre que vous serez seuls appelés à juger c’est-à-dire à trouver des solutions aux litiges qui vous seront soumis, l’administration du Centre sera toujours là pour vous épauler, notamment pour traduire sous la forme juridique la substance des sentences que vous aurez arrêtée.
Je voudrai conclure en remerciant chacun d’entre vous pour avoir accepté de s’associer à l’aventure passionnante de l’arbitrage qui pourrait peut-être permettre à notre pays de rejoindre un jour le concert des pays de l’OHADA qui ont choisi de mener ensemble la bataille de la justice pour un avenir meilleur de leurs populations.
Je vous remercie tout en restant à votre disposition pour d’éventuelles questions.
Kinshasa, le 31 juillet 2003.-
Bâtonnier MBUY-MBIYE TANAYI.-
