MOBUTU, UNE FIN SANS GLOIRE.

(Le 24 novembre de chaque année et sous la deuxième République, c'était une manifestation grandiose, une fête qui réunissait autour du " Guide Eclairé ", tous les ténors du Régime qui se retrouvaient " en famille " tandis que le petit peuple dansait pour leur plaisir. Sept ans après la mort du Maréchal, nous proposons à nos lecteurs 2 textes écrits par des journalistes qui ont côtoyé le Timonier.... Cette introduction est le seul commentaire de notre part.)

Une fuite peu honorable devant l’avancée des troupes de Laurent-Désiré Kabila, une errance humiliante en quête d’un lieu d’exil, une mort solitaire dans un quasi- anonymat : ces trois clichés résument à suffisance le bilan d’un règne qui, au bout du compte, aura été surtout marqué du signe du dérisoire. Avec la mort de Mobutu, une page de l’histoire politique du Congo est assurément tournée. Elle symbolisait jusqu’à la caricature toutes les dérives du pouvoir en Afrique au cours des trois dernières décennies.

Le régime Mobutu aura été le concentré de tous les maux qui, jusqu’à l’orée des années quatre-vingt-dix, auront perverti le développement politique, économique et culturel du Continent : du culte de la personnalité et de la répression érigé en mode de gouvernement ( gouverne et ment ) , du système du parti- Etat censé exprimer la volonté populaire, de la gabegie et de la corruption comme instruments d’allégeance ou du bric-à-brac idéologique sur lequel se fondait le slogan de « l’authenticité »…

C’est précisément cette Afrique « à la Mobutu » qui, pendant trop longtemps, est parvenue à tirer sa légitimité sur la scène internationale de la lutte d’influence que se sont livrée les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Le « maréchal - président »a su, mieux que quiconque, dans son entreprise de soumission de ses concitoyens, utiliser des paramètres de la guerre froide. Se posant en défenseur du « monde libre » dans une région où la menace du communisme dictait la politique de l’Occident, il a réussi non seulement à s’assurer le silence des grandes puissances sur une politique systématique de violation des droits de l’homme et de pillage des richesses du pays, mais aussi à obtenir leur soutien chaque fois que le régime vacillait. C’est de cette logique perverse qu’ont relevé les relations de Mobutu avec la France ( du moins jusqu’en 1989) et avec la Belgique ainsi qu’avec les Etats-Unis.

Jusqu’au dernier moment, Mobutu a tenté de retrouver un soutien occidental ,qui , dès la fin de la guerre froide, lui était plus chichement mesuré. Dans ce qu’il faut bien appeler aujourd’hui le « poker menteur » que jouait Mobutu avec les Occidentaux, tous les arguments étaient bons. Tour à tour, il s’est présenté comme l ‘ultime rempart contre le « chaos » dans un Etat né sous le signe de la guerre civile, comme le garant de la « stabilité » dans la Région des Grands Lacs prise dans la tourmente du génocide de 1994, et comme « protecteur » des centaines de milliers de réfugiés hutus dans l’est du Zaire.

Paradoxalement, la crise des Grands Lacs, sur laquelle Mobutu misera pour tenter de revenir en grâce auprès de ses anciens « parrains » français et américains, aura signé son arrêt de mort politique. De même qu’il n’aura pas pris toute la mesure des changements géopolitiques considérables que la fin de la guerre froide a provoqués sur la scène africaine, se traduisant, par exemple, par l’alliance scellée entre les Etats-Unis et les états marxistes au pouvoir en Afrique Australe, MOBUTU N’AURA RIEN COMPRIS A LA NOUVELLE DONNE POLITIQUE INTERIEURE DE SON PAYS.

Il a vu venir la contestation des années 90, mais il n’a pas pu y répondre. Face à une opposition intérieure qui, à défaut de présenter un front commun et uni, avait réussi à installer le doute dans son esprit, MOBUTU S’EST ENFERME DANS DES SCHEMAS POLITICIENS TOTALEMENT OBSOLETES. Durant toutes les péripéties qui suivirent la Conférence Nationale Souveraine, Il donna l’impression de rapiécer le costume qu’il s’était progressivement taillé depuis 1965.

La superbe qu’il s’efforçait d’offrir à ses interlocuteurs n’était que de façade : le chef n’avait plus les moyens de sa politique et les instruments qu’il avait su si habilement se forger pour asseoir et pérenniser son pouvoir semblaient s’écrouler les uns après les autres. C’était vrai de ses moyens financiers, qui n’étaient plus à la mesure de la politique clientéliste qui constituait le socle de son autorité. Ce l’était également de ses moyens militaires , qui, crise économique et prévarication obligent, s’étaient réduits comme peau de chagrin et, surtout, ne faisaient plus peur aux Zaïrois.

Les coups de boutoir de Kabila auront rapidement suffi à mettre à bas un régime , qui, avec la maladie de Mobutu, n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. Le Zaire dont le chef de l’Alliance a pris les rênes, était dépourvu d’Etat, de services publics, d’infrastructures économiques et administratives. Reste, et c’est sans doute le seul acquis de l’ère Mobutu, l’unité du pays , que les Congolais , toutes opinions confondues, paraissent aussi déterminées à préserver que les espaces de liberté qu’ils ont arrachés au président déchu.