Madame Julita Kakumulamba de Shabunda est taxée de sorcière pour avoir revendiqué les produits de son champ récoltés et volés par un ancien militaire du RCD

RESEAU DES FEMMES POUR
LA DEFENSE DES DROITS ET
LA PAIX
R.F.D.P

N°014 NOVEMBRE 2003

Feuillet occasionnel de dénonciation des violations des droits humains et des violences à l’égard des femmes.

Madame Julita KAKUMULAMBA de Shabunda est taxée de sorcière pour avoir revendiqué les produits de son champ récoltés et volés par un ancien militaire du RCD

En octobre 2003, Mme Julita KAKUMULAMBA , veuve de 70 ans , habitante du quartier Kitete à Shabunda centre dans la province du Sud-Kivu a été taxée de sorcière et arrêtée à trois reprises par les anciens militaires du RCD .

En effet, les anciens militaires du RCD basés à Shabunda se livrent au vol des récoltes des paysans . C‘est ainsi que Mme Julita a surpris un ancien militaire du RCD en train de récolter tous les maniocs et leurs feuilles communément appelées sombe dans son jardin de parcelle .Elle a négocié pour que le voleur lui rende une partie des produits mais en vain car le militaire ne voulait même pas l’ entendre parler . Cela étant, le voleur est parti avec toute la récolte Après consommation , celui-ci est tombé malade faisant des vomissements et diarrhée .Selon quelques femmes de Shabunda ,cette variété de manioc récoltée par le voleur est amère et d’aucuns pensent que le voleur a croqué ces maniocs crus , ce qui lui a causé d’ennuis. Ses coéquipiers l’ont conduit à l’hôpital où il a reçu des soins appropriés et dès lors sa santé s’est rétablie . le voleur a accusé Mme Julita de l’ avoir ensorcelé, ce qui a coûté cher à cette vieille.

Comme si le vol de sa récolte ne suffisait pas , Mme Julita a encore été victime de trois arrestations arbitraires et illégales par les anciens militaires du RCD . La première fois elle a été conduite à la brigade , la deuxième fois à l’hôpital où on l’a obligée de toucher sur le ventre du militaire malade en prononçant quelques paroles de bénédiction pour la guérison effective du malade et la troisième fois elle a été appréhendée à son domicile à 20heures et conduite au cachot de la police. Là ,elle a été forcée d’ingurgiter un litre d’eau froide comme punition et une somme d’argent lui a été soutirée.
Des menaces de tuer Julita au cas où leur collègue mourait étaient proférées par certains militaires. Le chef de cité suivait avec attention l ‘affaire. Il avait réuni les chefs des quartiers et d’avenues ainsi que leurs adjoints et deux sages du milieu dans le but d’avoir une explication à ce cas .

Parlant de la sorcellerie de Mme Julita , nous devons saisir cette opportunité pour déplorer l’accusation calomnieuse à l’endroit des femmes de Shabunda. Ces dernières sont généralement et sans preuve taxées des sorcières. Les femmes étant déconsidérées par les hommes dans cette contrée, elles éprouvent d’énormes difficultés à œuvrer en groupe même pour les activités de développement qu’elles estiment nécessaires pour leur milieu Certains hommes qui les retrouvent en petit groupe n’hésitent pas à les accuser de faire de la sorcellerie, Ce comportement a un impact négatif sur la promotion des organisations des femmes à Shabunda .
Les arrestations et détentions arbitraires dont à été victime Mme Julita constituent des violations des droits humains et vont à l’encontre des dispositions de l ‘accord global et inclusif ainsi que de la constitution de transition que toutes les parties congolaises au conflit se sont engagées à respecter. Par cette qualification de sorcière, la réputation de Mme Julita a été sapée Il s’agit là d’une diffamation que l’article 74 du code pénal suppose comme « imputation d’un fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur où à la considération d’une personne où à l’exposer au mépris »
Quant aux arrestations et détentions arbitraires dont est victime Julita, il s’agit là d’une violation de la constitution de la RDC , notamment en son article 19 ,alinéa 1 et 2 qui stipule ce qui suit :
-« La liberté individuelle est inviolable et garantie par la loi »
« Nul ne peut être poursuivi , arrêté, ni détenu qu’en vertu de la loi et dans la forme qu’elle prescrit ». Cette disposition de notre constitution est conforme à l’esprit de l’article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule :

« 1 Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n ‘est pour des motifs ,et conformément à la procédure prévus par la loi.

2 Tout individu arrêté sera informé ,au moment de son arrestation ,des raisons de cette arrestation et recevra notification dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui

3 Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires ,et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention des personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant ,pour l’exécution du jugement.

4 Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui- ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5 Tout individu victime d’une arrestation ou détention illégale a droit à la réparation »

Eu égard à la situation de Mme Julita et celle de toutes les femmes de Shabunda , nous saluons le comportement du chef de Cité de Shabunda pour s’être investi dans la médiation en ce qui concerne le problème de Julita . Aussi, nous recommandons :
-Au commandant de la 10 ème Région militaire d’instruire les unités basées à Shabunda pour mettre fin aux vols et pillages des biens de la population, surtout les récoltes.
- de poursuivre la permutation des troupes dans l’espoir que ce mouvement des troupes et l’arrivée des nouveaux éléments va contribuer à sécuriser les populations victimes des violations des droits humains qui se sentent menacées par l’unique présence des militaires incriminés.
- aux hommes de Shabunda, de respecter la dignité des femmes et leur laisser surtout jouir de leur liberté d’expression et de s’associer .

Lutter contre les violences faites à la femme = Contribuer à l’avènement de la paix positive