Situation de Droits Humains à Uvira dans la Province du Sud – Kivu en R D Congo ( Novembre 2003 )

Introduction

Après avoir été informé de la descente des Groupes armés Mai Mai actifs à Uvira, Projet GRAM – Kivu a pris l’initiative de se rendre sur terrain pour s‘enquérir de la situation et surtout de la présence des enfants soldats se trouvant dans ces derniers. C’est ainsi qu’une du Projet GRAM – Kivu est descendue à Uvira pour une durée de cinq jours.

Situation sur terrain

Avec la nomination des chefs de régions militaires de la nouvelle armée congolaise, La situation dans la Province du Sud – Kivu a vu des avancées au niveau de l’implication des responsables des groupes armés actifs.
Ainsi l’on a vu des mouvements des militaires tant à l’intérieur qu’en pleine ville.
En date du 25 octobre 2003, les chefs Mai Mai très actifs à Uvira, Fizi sont descendus avec une délégation de plusieurs responsables accompagnés d’enfants soldats dans leurs rangs.
Sur invitation du chef de la 10 ème région militaire, le colonel Prosper Nyabiola ; ces seigneurs de guerre résistants Mai Mai tous commandants des Brigades Mai Mai dont le commandant Baudouin NAKABAKA basé à Kitundu, le Commandant DUNIA LWENDAMA basé à Sowe dans le territoite de Fizi et la bord du lac Tanganyika, le Commandant KAYAMBA KABU NGU basé à Kitala, et le plus agé de tous le commandant ZABULONI basé à Lemera et au moyen plateau de la chefferie de Bafuliru.
Selon les informations recueillies sur place, la délégation était accueillie par un chahut indescriptible, un mélange des chants, des cris, des sifflets, de tambours,.. C’est le colonel Baudouin Nakabaka qui arrive entouré de près d’un milliers des ses hommes, certains en treillis propre et en bon état, d’autres en haillons, mais tous avec des fusils d’assaut au point ou des lance-roquettes à l’épaule. La foule se dirige vers le bureau de la 9ème Brigade à la Zone.
C’est le commandant Kayamba qui arrive, lui aussi entouré des centaines des jeunes gens en armes et sous ses ordres. Le vieux Zabuloni venait aussi de descendre et qu’il serait déjà au niveau de Kalimabenge.
A Kalimabenge, le cortège de Zabuloni est déjà passé mais un autre aussi imposant encore vient du sud de la ville dans un bruit à renverser un chêne : c’est le colonel Dunia qui fait son entrée à Uvira, il est 13h18 heure d’Uvira, soit 11h18 TU. En tout cas, jusqu’à 14h00, on pouvait dénombrer près de 3000 résistants à Uvira entourant les principaux pères de la résistance populaire, entendez par là Mutama Zabuloni, les colonels Nakabaka, Dunia et le commandant Kayamba, reportent les amis sur place.
Pendant ce temps, le Général de Division Prosper Nabiolwa et commandant de la 10ème Région militaire accompagné du Gouverneur du Sud- Kivu, Monsieur Xavier Chiribanya Cirimwami et de sa longue suite, Ces hôtes pas comme on en a tous les jours ont voulu montrer aux populations de la plaine qu’ils étaient venus les écouter et analyser avec eux les voies et moyens pour arriver à mettre fin à la détresse des leurs et leur exprimer la volonté du Gouvernement de transition de travailler au retour à la paix et à la sécurité pour tous ainsi à la relance du travail et du développement.

Discours fleuve du Commandant de la 10ème Région militaire au cours duquel il fait l’éloge de la paix, de la cohabitation pacifique, de la réconciliation nationale, de l’amour du travail pour un développement social harmonieux. Ensuite il présente à la population les responsables Mai Mai .
Le Commandant de la 10ème Région militaire n’a pas manqué de rendre un hommage à la résistance dont il a salué le courage, le sens de l’engagement et l’amour de la patrie avant de formuler le souhait de travailler avec eux dans la franchise et la confiance pour la relance de la vie dans cette partie de la RD Congo.
Le Dimanche 26/10, une autre réunion de tous les responsables militaires s’est tenue à l’hôtel de la Côte d’Uvira dans le but d’analyser les mesures pour empêcher la prolifération et la circulation incontrôlée des armes à Uvira.
Il sied de souligner que parmi les personnes militaires qui sont descendues se trouvaient une multitude d’enfants soldats en armes , sans compter ceux qui sont restés en forets à en croire les déclarations d’un des responsables Mai Mai. Comme ils l’ont souligné ; leur descente n’avait pour objectif que de rendre leurs civilités et honneur militaires , signe d’obéissance aux ordres militaires auprès du commandant de la 10 ème région militaire du Sud – Kivu , le général, de Brigade Prosper NYABIOLWA.
Celui – ci avait commencé une tournée dans la plaine de la Ruzizi à Sange, Kigurwe, Sasira- Rusabagi et Ndunda en vue de sensibiliser les populations sur la fin des hostilités et le retour imminent des responsables militaires Mai Mai dans l’armée nationale, ainsi le retour des enfants qui ,sont partis avec eux dans la foret.

Pourquoi sont – ils rentrés dans le maquis après le contact avec la population et les messages d’espoir adressés à cette dernière ?

Il est clair qu’aucune mesure d’accueil préalable n’avait été mise en place pour l’installation ou le cantonnement des toutes ces troupes. Pendant que les chefs et leurs lieutenants sont logés et nourris dans les meilleurs hôtels de la place, les hommes des troupes se débrouillaient pour manger et dormaient à la belle étoile ou dans des familles, pour ceux qui en ont à Uvira. Parmi les hommes de troupe se trouvait un nombre important d’enfants de moins de 18 ans , le moins âgé avait 11 ou 12 ans, et ils se comptaient par milliers.
Ils n’hésitaient pas à commettre des exactions auprès des populations ,ce qui lassait ces dernières partant de leur présence prolongée à Uvira.
Quant aux responsables Mai Mai, ils n’ont pas voulu rester longtemps à Uvira de peur de perdre leur positions surtout en cette période ou les bruits circulaient dans toute la Province du Sud – Kivu de l’imminence d’une troisième guerre.
Toutefois des doutes et inquiétudes ont plané dans la population sur l’absence des certains chefs militaires , notamment le commandant Patrick MASUNZU qui fait la loi dans le haut plateau de Minembwe et qui garde en son sein un nombre important d’enfants « Banyamulenge » de moins de 18 ans et NYAMUSHEBA.
Depuis l’arrivée des résistants Maï Maï, selon las habitants d’Uvira, l’on a déploré des cas de vols nocturnes, vol à mains armées, d’attaques des personnalités diverses, d’intimidations et même d’assassinats.
De l’autre coté , les enfants soldats démobilisés de l’armée et les auto démobilisés réintégrés dans leurs familles , ont été traqués par les commandants Mai Mai, d’autres pris en otage dans l’armée .
Selon les informations des intervenants sur place, en date du 07 Novembre 2003, l’enfant Akonkwa Birangaheka ( 16 ans), fils de Vital BURAFIKI et de NTAKWINJA résident dans le quartier Kanyoka à Kamanyola. Enrôlé en 2001 dans les forces d’auto –défense populaire « FAP » dans la bataillon Aigle de Lubarika par le commandant MADAL S4 de bataillon qui a déserté et réside actuellement au Burundi dans le camp de réfugiés congolais à Kishemeze.
Cet enfant déserteur de la « FAP » suivi et encadré par l’ONG PACIF d’Uvira a été de nouveau arrêté et amené dans un site d’entraînement militaire de combattants Mai Mai se trouvant à Rutebe dans le moyen plateau de Kamanyola ; il a fini par échapper.
En cette même date, deux autres enfants ex – soldats Mai Mai déserteurs qui étaient déjà réintégrés dans leurs familles ont subi le même sort : Mushamuka Madolard ( 14 ans ), fils de adoptif de Papa André BAKULIKIRE et Roger MBEREGE ( 16 ans ),fils de MBEREGE Nyangerembe et de REBECCA M’Timotéo originaire et domicilié à Rutebe, mais actuellement déplacés de guerre à Busama/ Kamanyola.

Conclusion

Signalons que les enfants qui ont participé activement dans les conflits armés au sein des groupes armés à Uvira ont de problèmes d’insécurité, de crainte à cause des cruautés et divers crimes commis, abus commis pendant leur service militaire et sont devenus instables dès qu’ils arrivent à déserter des groupes armés ou à fuir les maquis . Ils se réfugient vers le pays voisin et un nombre important dans les camps de réfugiés congolais de Kishemeke I et II, ainsi que celui de Muyinga au Burundi.
Cette descente nous a fait rencontrer un enfant démobilisé de l’armée et qui était déjà réintégré chez lui et qui a été attrapé par les militaires, a affirmé Gentil et travaille actuellement chez le commandant CHIVIRI .Il accompagnait la femme de son commandant qui voyageait pour Bukavu en provenance d’Uvira. L’enfant déclare avoir envie de quitter l’armée, mais il n’en a pas le moyen, il est pris en otage.
Plusieurs autres enfants qui ont été réintégrés dans leurs familles à Uvira après leur passage au Centre de Transit et d’Orientation du BVES à Bukavu ont été retrouvés dans les groupes et menaçaient leurs anciens collègues qui ne sont pas retournés dans l’armée. Cette précision nous a été donné par deux ex enfants – soldats rencontrés à Uvira ( Kitumaini et Bienfait ) et qui nous ont aidé dans la recherche des informations. Ils affirment que la raison du départ de leurs collègues est le manque d’occupation et par le fait même qu’ils n’ont pas de moyen pour retourner à l’école.
Actuellement, il est à noter que les enfants se trouvent encore en grand nombre dans les milices armées Mai Mai, et les responsables Mai Mai n’ont pas hésité d’ affirmer que les enfants sont très nombreux et ne sont pas tous descendus. De moins en moins ils sont visibles dans l’ex- armée du RCD.
En terme clair, les enfants du Sud – Kivu n’ont pas encore fini leur calvaire alors que la R D Congo est entrée dans une phase décisive de la reconstruction du pays .
Devant cette situation déplorable, Projet GRAM – Kivu s’inquiète du sort de ces enfants qui continuent à être pris pour otage et qui voient leur enfance volée par les adultes qui connaissent eux – mêmes les tenants et les aboutissants.
C’est ainsi que Projet GRAM – Kivu recommande aux autorités militaires et politiques de la R D Congo de respecter les droits des enfants et rappelle que l’article 184 de la constitution stipule que les enfants de moins de 18 ans ne doivent pas faire l’armée.
Projet GRAM Kivu demande à la communauté internationale de renforcer ses pressions sur le Gouvernement et sur les groupes Mai Mai et le groupe armé de Patrick Masunzu agissant dans le Sud Sud de la Province du Sud – Kivu qui gardent encore un nombre important d’enfants dans leur groupes de prendre leurs responsabilités afin de respecter les engagements pris pour la démobilisation des enfants de moins de 18 ans et de faire tout pour assurer la sécurité et la paix aux autres enfants.
Enfin , Projet GRAM – Kivu recommande aux organisations membres de la Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats en R D Congo oeuvrant à Uvira et dans la Province du Sud – Kivu de renforcer leur travail en synergie afin d’aider ces enfants à quitter ces groupes armés et de renforcer le travail de plaidoyer pour obtenir la démobilisation de tous les enfants de moins de 18 ans par des contacts directs avec les responsables de ces groupes armés actifs dans cette partie de la Province du Sud – Kivu.

Pour le Projet GRAM – Kivu

Bukavu , le 20 novembre 2003