Memorandum adressé aux Gouvernements Belge, Français et Suisse

MEMORANDUM ADRESSE AUX AUTORITES DES GOUVERNEMENTS BELGE, FRANÇAIS et SUISSE

Nous sommes honorés par notre passage ici en Europe et nous profitons de cette occasion pour vous adresser nos sentiments de gratitude en regard de l’investissement combien louable que la communauté européenne a consenti pour que la guerre prenne fin dans notre pays , la R D Congo.
Depuis l’avènement des guerres dans notre pays , les enfants n’ont cessé de subir des affres et sont victimes des retombées de ces dernières qu’ils n’ont pas demandées. La Société civile du Sud – Kivu a longtemps crié en dénonçant les violations très graves de droits de l’enfant ,surtout dans leur implication directe et indirecte dans les conflits armés.
Le recours aux enfants pour des actions suicidaires ne nous a pas laissé indifférents, surtout que la violence a pris une ampleur intolérable pour leur avenir.
Des appels en action ont été faits pour que cesse cette pratique, et aujourd’hui nous nous estimons heureux que notre appel a été entendu.
Nous saluons alors l’engagement de la communauté internationale par la mise sur des instruments juridiques internationaux se rapportant aux Droits de l’enfant, et plus particulièrement de la mise en vigueur du protocole additionnel sur l’implication des enfants dans les conflits armés et la mise en application du statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale ( CPI).
Votre effort et engagement dans les conflits en R D Congo ont rendu possible la signature de l’accord global et inclusif en décembre 2002, la promulgation de la constitution et la mise en place d’un Gouvernement d’union nationale.
Force est de constater que malgré les efforts des uns et des autres tant au niveau national qu’international sanctionnant la fin des hostilités, des abus très graves sur les enfants continuent à être commis par les différentes parties :
- Le recrutement des enfants mineurs dans les nouvelles milices de certaines autorités du RCD – Goma , Monsieur SERUFULI, au Nord – Kivu, et Monsieur Xavier CHIRIBANYA, Tommy TAMBWE et le Général BORA UZIMA au Sud – Kivu , auxquelles s’ajoutent celles venues du Burundi , du Rwanda.
- Le manque de volonté politique des parties à démobiliser les enfants se trouvant dans les groupes armés ( RCD – Goma, Groupes armés Mai – Mai, FNL de Patrick Masunzu .
- Des combats dans certains territoires du Sud – Kivu laissant derrière eux des morts et victimes que sont les enfants, après des déclarations de la fin des hostilités.
- Le ralentissement du rapatriement des combattants étrangers vers leur pays d’origine le Rwanda et le Burundi.
Une analyse minutieuse démontrent par ces faits que les belligérants ont peut être un plan malveillant. Or nous souhaitons que le processus de paix en cours soit appuyé pour que le nouvel ordre politique en R D Congo soit mis sur pied pour la stabilité de le région des Grands Lacs.
En regard de la multiplicité des groupes armés incontrôlés et de l’ampleur des exactions et violations des Droits de l’Homme et qui malheureusement visent les enfants, nous pensons que des actions concertées doivent être menées en vue de :
- décourager toutes les velléités des seigneurs de guerre à reprendre les hostilités,
- protéger les populations civiles , notamment les enfants des exactions et violations graves des droits de l’homme commis pendant la guerre,
- sécuriser les milieux ruraux qui restent actuellement les bastions des affrontements réguliers poussant ainsi les enfants à être recrutés de force et à subir les retombées .
- surveiller de près l’administration politique et militaire , encore en poste, qui reprend le recrutement des enfants dans les milices pour de formations militaires dans les camps et d’autres qui ne veulent pas démobiliser les enfants de moins de 18 ans dans leurs groupes armés .
- contrôler et arrêter le trafic illicite d’armes légères en R D Congo qui continuent à circuler dans les territoires et qui sont à la base de regain de violences dans notre pays.
C’est pourquoi, nous recommandons :
1. Au Gouvernement Suisse :
- De faire pression au Gouvernement de la transition mis en place en R D Congo de mettre fin au recrutement des enfants dans l’armée et d’initier de façon prioritaire une réforme judiciaire qui permette de poursuivre les individus, quels que soient leurs rangs ou leurs fonctions, coupables de ce crime de guerre ; et d’accélérer le processus de formation d’une armée nationale unique et de le coordonner, afin d’éviter des actions isolées de recrutement désordonné des enfants dans l’armée ;
- De soutenir le renforcement du mandat de la MONUC et l’accroissement de son effectif dans le pays et qu’elle se transforme en force de maintien et d’imposition de la paix en initiant des activités de prévention des attaques des groupes armés contre la
population civile dans tous les territoires en proie d’affrontement. Et d’ailleurs les
actions de l’opération ARTEMIS en Ituri que nous saluons l’a démontré à suffisance ;
- D’apporter un soutien financier au processus de Désarmement , de Démobilisation et de Réintégration des enfants soldats (DDR-ES) et la réhabilitation des infrastructures
scolaires,- sanitaires détruites par les guerres et qui doivent servir les ex - enfants
soldats lors de leur réintégration ;
- De soutenir notre appel de la mise place du Tribunal Internationale pour le Congo en
vue de poursuivre les auteurs des crimes contre la population civile, notamment se
rapportant au recrutement des enfants dans l’armée.
- D’user de leur savoir et influence sur la R D Congo en voie de réunification, de respecter les instruments juridiques internationaux et nationaux se rapportant aux Droits Humains et de l’enfant en particulier.
- D’user de tout leur poids politique et diplomatique pour faire respecter les accords signés par toutes les parties en vue de la cessation des hostilités à l’Est de la R D Congo , de respecter le processus de Désarmement- démobilisation et réintégration des enfants soldats ( DDR- ES) tout en le mettant comme condition de la relance des coopérations bilatérales.
- D’user de son influence sur l’interdiction de la production, la vente et la stockage des armes légères vers les pays à conflits réguliers. Car à travers ces armes , une blessure psychologique profonde reste dans la vie des enfants.
- D’accompagner le processus de transition en R D Congo qui ne sera durable que s’il contient des mécanismes coercitifs clairs et applicables à l’endroit des groupes agissant dans le sens contraire à ses objectifs et ce processus, pour être complet, doit être couplé d’un mécanisme judiciaire indépendant pour punir les auteurs des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dont les civils sans défense sont les victimes quotidiennes.
- Exercer des pressions politiques, diplomatiques et économiques sur les gouvernements de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC afin de les dissuader de soutenir des groupes armés locaux responsables de crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains et du droit humanitaire international.

Belgique, 20 Septembre 2003

AMISSI SULUBIKA Victor
Coordinateur du Projet GRAM – Kivu
République Démocratique du Congo