Amnestie en RDC: pardonner mais non pas oublier
SOCIETE CIVILE DU SUD-KIVU
BUREAU DE COORDINATION PROVINCIALE
BP. 43 Bukavu Tél : 98 62 3922 Courriel : sociv_bureausk@yahoo.fr
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Amnistie en R.D. Congo : pardonner mais pas oublier
Mémorandum adressé à Son Excellence Monsieur le Vice-Président en charge de la Commission Politique, Défense et Sécurité du gouvernement de la Transition,
En venant vous rencontrer, la Société Civile du Sud-Kivu est venue vous écouter sur l’évolution du processus de retour à un Etat de droit dans notre pays, s’informer sur les préoccupations de l’espace présidentiel par rapport au quotidien du petit peuple sud-kivutien qu’elle représente.
Nous ne voudrions penser un seul instant que la caricature qui a prévalu à la mobilisation de votre arrivée ( à certains les T.shirt et pagnes avec effigie, à d’autres billets de banque, location des véhicules …) soit l’arbre qui cache la forêt. Nous pensons que vous profiterez de votre passage ici au Sud-Kivu pour fustiger ces attitudes de clivage qui nuisent à la cohésion sociale et à la convivialité. Dans le même ordre d’idées et pour prévenir, nous tenons à souligner que le recours aux mutuelles tribales pour des manifestations devient de plus en plus fréquent ici chez nous. Nous ne pouvons ne pas vous alerter que ces forces si elles sont ainsi entretenues risquent un jour, devant des enjeux et autres intérêts particuliers aux communautés, de s’opposer jusqu’à des tueries du type Ituri. On leur aura donné l’occasion de croître et de vivre publiquement. Bukavu, qualifié par vous-même de ville frondeuse, n’a pas besoin de plus de forces d’antagonisme mais bien d’une cohésion sociale.
Excellence Monsieur le Vice-Président,
Dans la nuit qui a suivi votre arrivée, deux assassinats odieux ont été perpétrés dans la ville de Bukavu, signe que le système rcdien encore en place n’a pas amélioré ses prestations dans le cadre de la protection des personnes et de leurs biens. Vous pouvez vous imaginer le calvaire que les populations de nos campagnes vivent. Nous attendons donc un grand travail sur ce plan.
Et parce que nous sommes venus vous écouter, permettez-nous à travers ces quelques lignes de vous présenter notre contribution aux réflexions que nous allons mener ensemble :
La lenteur dans l'exécution des résolutions de Sun City et la prise en compte des prescrits de l'Accord Global et Inclusif ainsi que de la Constitution de la Transition .
La population du Sud-Kivu considère comme nécessité première la restauration de l'autorité de l'Etat sur toute l'étendue du territoire national. Cette disposition est une clé devant résoudre tous les problèmes qui s'articulent autour de la question militaire et sécuritaire , autour de la présence encore trop importante des réfugiés rwandais et des bandes dites "interahamwe" dans nos villages et nos forêts, autour des relations délicates avec les Etats voisins fortement impliqués dans la crise qui a endeuillé notre province voire notre pays. Pour ce dernier cas, la Société Civile du Sud-Kivu entend profiter de votre passage pour dire qu’elle craint que le processus de réconciliation dans les pays voisins, le Burundi et le Rwanda ne marche plus vite que le nôtre.
2. Réparation des torts commis et punition des coupables
En tant que homme d’église, vous savez que le pardon se mérite. Il exige que le coupable reconnaisse son forfait, répare les préjudices causés en jurant de ne plus y revenir. Nous pensons sincèrement que l’établissement d’un Tribunal pénal international s’avère indispensable pour soutenir le processus de réconciliation et de paix durable dans notre pays et dans la sous-région des Grands-Lacs.
Il faut la construction d’une paix durable basée sur la collaboration politique et la coopération sécuritaire régionale. La sécurité des frontières doit être garantie et leur contrôle assuré chacun de son côté. Pour atteindre ces objectifs, il sera nécessaire de renforcer les capacités de véritables armées républicaines dans tous les pays de la région et de renforcer des contrôles de circulation d’armes légères au niveau des frontières. Nous sommes préoccupés par les citoyens qui se jouent des précautions d’immigration et portent ainsi deux nationalités ( Voir cartes en annexe) .
Sinistres et contribution sociale.
Avec votre passage au Sud-Kivu, nous enregistrons ainsi une douzaine des délégations d’institutions de la transition ( Portefeuille, Communication et Presse, Assemblée Nationale, Développement rural, Vice-Présidence en charge de reconstruction, Plan, Environnement, BCCO, Intérieur, Fonction Publique, Porte parole du Président, Vice-Présidence en charge de la Politique, sécurité et défense). Perçues comme signe manifeste de réunification au départ, ces délégations passent à ce jour comme des occasions de dilapidation des ressources financières du pays. Il suffit de considérer, le nombre des membres des délégations, le coût et le type de transport ( jet privé ou gros porteurs pour peu de gens, …), les frais de mission, la mobilisation pour l’accueil, le cocktail et autres banquets ainsi que tous les autres intrants protocolaires, pour réaliser que des manques à gagner énormes sont ainsi enregistrés et qui auraient dû participer à l’effort de reconstruction nationale. Et tout à côté le fonctionnaire est impayé, les approvisionnements en produits pharmaceutiques font défaut et les enfants sont chassés des écoles faute de pouvoir financier conséquent des parents.
Des cas de nostalgie
L’ancien mouvement politico-militaire dont vous êtes le Président, le RCD/Goma, ne peut prétendre participer à la réunification nationale tant qu’il n’aura débarrassé cette partie de notre pays des signes de prédation. Des sociétés dépendant de l’ancien parrain, le Rwanda, sont perçues comme un prolongement de pillage des ressources du pays. Comment, en effet, comprendre la part exorbitante de la SONARWA ( Société Nationale d’Assurance du Rwanda)et de ses dirigeants, dans le capital constitutif de la Société Congolaise d’Assurances et de Réassurances (SCAR), la sous-traitance de l’Office Congolais des Postes et Télécommunications ( OCPT) par la Société RWANDATEL. Le Sud-Kivu continue à souffrir de strangulation budgétaire à cause de l’existence des structures telles que OPRP et les coordinations implantées à Goma et qui continuent à percevoir des fonds l’on sait pourquoi ?
Les factures de la SNEL et de la REGIDESO font toujours figurer le même taux qui incluait l’effort de guerre de triste mémoire.
Nous voudrions terminer en vous assurant de notre parfaite collaboration. Car nous estimons que la société civile est entrain de s’adapter au contexte. Ses organisations ont un rôle important à jouer dans le processus des réformes à imprimer à la vie politico-sociale dans notre pays. Loin d’être des antagonistes qui se placent en opposition aux autorités publiques, elles doivent plutôt être estimées comme partenaires dans la transformation pacifique et démocratique de la scène politique. La société civile doit être clairement impliquée à tous les niveaux où le destin des populations se discute.. Le gouvernement de transition doit aussi reconnaître la grande contribution à la vie publique dont nos organisations sont capables. Une marque de la démocratie est le droit d’association et la participation libre du secteur non-gouvernemental aux débats préparant les décisions qui ont un impact sur la population. En outre, les membres de la société civile sont bien placés pour collaborer à des campagnes d’éducation et de sensibilisation sur les problématiques qui continuent à entraver le processus vers la paix. Pendant cette période de transition, la Société Civile devra continuer son travail d’éducation sur les questions identitaires, les valeurs démocratiques, la cohabitation pacifique, la résolution des conflits et beaucoup d’autres sujets.
Fait à Bukavu, le 30 janvier 2004
Pour la Société Civile du Sud-Kivu
