SITUATION SECURITAIRE A SHABUNDA
COMITE DE PILOTAGE POUR LA REDYNAMISATION DE LA SOCIETE CIVILE DU SUD-KIVU
RAPPORT DE MISSION EFFECTUEEE A SHABUNDA (Chef-lieu) DU 1 au 3 février 2004
Chef de mission : William W.B. YAYOTE
Modérateur : Jean Moreau TUBIBU
Rapporteur : MANGA GASTON
Logistique : Désiré MUITI
Février 2004
INTRODUCTION
Dans le cadre de la re dynamisation des activités de la société civile du Sud-Kivu, différentes missions ont été effectuées du 26 janvier au 4 février 2004 sur toute l’étendue de la province du Sud-Kivu à savoir les axes: Shabunda, Mwenga, Fizi, Uvira, Kalehe, Walungu, Kabare, Idjwi, Bagira, Ibanda, Kadutu.
Les délégués du comité de pilotage William WASSO YAYOTE et Jean Moreau TUBIBU sont descendus à Shabunda du 01 au 3 février 2004.
ETAT DE LIEU
Le chef lieu du territoire de Shabunda est situé à 340 km du chef lieu de la province du Sud Kivu ,Bukavu , mais le territoire de Shabunda dans son ensemble héberge les plus gros des réfugiés Rwandais (armés et non armés) de 1994. Dans des tombants entre ces derniers et leurs ennemis l’APR, les populations locales de Shabunda ont fui. Ils se sont éparpillés un peu partout dans l’immense foret et dans l les territoires périphériques mais aussi ceux qui sont restés ne sont plus libre mouvement puisque une ’administration parallèle fonctionne à Shabunda .Le RCD occupe la cité de Shabunda et ses environs immédiats tandis que les Mai Mai et leFDLR occupent une autre partie où sont les grands centres miniers (Lulingu ,Matili,..) et refusent de se partager les revenus et taxes. des marchés .
Les droits des populations civiles
Les droits de l’homme sont bafoués à tel point que les femmes des militaires et leurs maris se sont appropriés les champs de paisibles citoyens et de fois le monopole de vente de cultures vivrières de 1er nécessité et ceci au vu et au su des autorités politico-administratives, incapables de réagir pour ne pas se voir remplacer à leur poste.
Les arrestations arbitraires et détentions illégales sont nombreuses ;il n y a plus de prison à Shabunda ( les matériaux de construction ont été vendus à des tierces …)et chaque chef militaire ou policier possède son lieu de détention privé
La population est prise en otage et ne peut pas oser s’exprimer ni réclamer .
Le service de la police nationale est quasi inexistant
Les hôpitaux sont bondés des malades ,un seul médecin congolais se débat pour toutes les consultations . Sa résidence est même occupée par les militaires
Présence des militaires
En plus de militaires vivant en surnombre dans le territoire de Shabunda, 4 brigades venus de Lodja et Lubao se sont augmentés , ces derniers occupent les maisons de civiles et certains bâtiments publics.
Des écoles et de la scolarité
Sur toute l’étendue du territoire de Shabunda, les écoles fonctionnent normalement mais les faibles revenus ménagers ne facilitent pas la scolarisation des enfants, nous a affirmé le coordinateur des écoles conventionnées catholiques de Shabunda, Mr Malonga.
Des taxes exorbitantes et fantaisistes étouffent les familles :(4$ US) qu’imposent les services de sécurité sont monnaie courante à Shabunda.
La Monuc et les Ong humanitaires
La Monuc a ouvert une section d’observation militaire à Shabunda mais les populations se méfient d’elles.
Des ONG humanitaires (ACF ,MSF ) font un travail que la population apprécie surtout dans les domaines de santé et sécurité alimentaire ces ONG distribuent gratuitement aux population des produits pharmaceutiques , semences et outils aratoires.
. L’Eglise Catholique joue un rôle déterminant dans la sensibilisation des populations pour le retour dans leurs villages respectifs.
MISSION
L’Agence de transport de fret ACHREDE nous a faussé compagnie, il nous a promis que le voyage sur Shabunda s’effectue tous les vendredis et que nous devons être prêts à l’Aéroport, mais hélas nous avions passé 2 jours d’aventure d’aller et retour BUKAVU-KAVUMU sans succès. Ce n’est que le Dimanche 1 février 2004 que nous avions pu atteindre Shabunda.
Dès notre arrivée sur terrain nous avons été accueillis par les points de chute et autres facilitateurs qui s’impatientaient déjà de notre retard par rapport au calendrier qui leur avait été annoncé.
Préparatifs
Une réunion de 3 heures a été tenue pour affiner les stratégies d’ordre organisationnel et de préparatifs de la journée du 2 février. Tout ceci après avoir été présenté nos civilités aux autorités politico-administratives. :l’administrateur chargé des finances et au père vicaire, JP Valantino, très influent à Shabunda .
Lundi 2 février à partir de 12h°° la salle de 5e humanités pédagogiques du Lycée Amani de Shabunda a accueilli une cinquantaine des personnalités venant de monde Associatif, culturel et du secteur économique de Shabunda.
La séance débute par la présentation des participants et une courte prière.
Mr Jean Moreau TUBIBU du Groupe Jérémie qui jouait le rôle de modérateur mais aussi de l’orateur du 2e exposé a pris la parole pour expliquer aux participants le pourquoi de notre présence à Shabunda, qui nous a mandaté à partir de quelles organisations de la société civile et composantes sommes- nous membres collectif des Jeunes et Droits humains…
C’était une façon de montrer aux acteurs de la SC/Shabunda et autres invités qu’on ne peut pas faire partie d’une structure de la Soc.Civile sans appartenir à une quelconque composante ; réseau ou association et que c’est l’ensemble des composantes (10 pour le moment) qui forme le réseau de réseaux qu’est la société civile structurée, comme qui dirait qu’on ne vient pas du Néant pour piloter ou assumer une quelconque responsabilité au sein de la société civile. C’est pourquoi, pour avoir un bureau fort et crédible il faut des acteurs ou éléments venant des ces différentes composantes qui doivent composer le Bureau du Noyau de la société civile de Shabunda et de tous les sous-noyaux que doit avoir Shabunda à travers tous les groupement, localité et autres associations à divers caractères etc…
A l’ordre du jour figuraient 3 points plus les divers :
- Information/formation sur la société civile du Sud-Kivu et son projet de charte
- Etat de lieux
- Echange sur le processus de paix et les enjeux de la transition en République Démocratique du Congo.
Abordant le 1e point à l’ordre du jour : Monsieur William YAYOTE a parlé de la journée du 10/10/2003 au Centre Olame où il était question d’expliquer le pourquoi de la redynamisation ou de la restructuration de la Société Civile, des nouvelles approches et stratégies que doit adopter la société civile dans son ensemble après avoir vécu les deux guerres (1996 et 1998).
Les structures de la société civile doivent être implantées partout tant au niveau provincial qu’ au niveau de la localité ou village pour que la société civile joue très bien son rôle de régulateur, de contrôleur de l’action politico-économique des tenants du pouvoir.
Il a parlé de l’apolitisme des acteurs de la société civile et des organisations civiles et citoyennes. Là il a démontré que tout le monde est libre d’exercer les fonctions politiques de son choix, de briguer un quelconque mandat mais à conditions de ne pas confondre la lutte politique et les actions de la société civile
Tout acteur de la société civile qui se sent attiré par une fonction politique et qu’il arrive à exercer cette fonction avec noblesse et crédibilité peut avoir la chance d’être appuyé par la société civile au moment des élections ou autre échéance politiques i. C’est pourquoi ,l’absence de partis politiques à Shabunda n’est pas signe de démocratie . Il faut que la société civile mette la pression sur le pouvoir afin de laisser libre l’implantation des partis politiques dans tous les coins et les recoins du Sud-Kivu
Autonomie de différentes structures locales (Noyaux territoriaux )
Abordant le point sur le rapport de collaboration entre les différentes structures de la société civile il a été dit que les rapports doivent être horizontaux et non verticaux puisque chaque contrée à ses propres réalités et ses propres visions, sa propre culture et ses spécificités si elles ne sont pas prises en compte elles compliquent parfois l’harmonie et la dynamique des activités de la société civile.
Mais en général, toutes les structures à tous les niveaux doivent s’appuyer et parler le même langage celui qui doit profiter à la population pour contraindre les politiciens à devenir honnêtes et œuvrer pour
l’intérêt collectif de la population.
Représentations en territoire de Shabunda
Pour une bonne organisation et pour que l’action de la société civile ne souffre d’aucune négligence, les participants ont suggéré que les organisations à caractère provincial, national et international implantent leur représentation à Shabunda.
Ils ont montré que meme le noyau de la société civile territoire perd sa force à cause de son travail en vase clos et de la fuite de bon nombre de ses animateurs.
Le Groupe Jérémie et le COJESKI ont sauté sur l’occasion et ont disserté après la séance avec certains acteurs qui ont manifesté le souhait d’animer leurs antennes à Shabunda.
Du projet de la Charte
A propos du projet de la « charte » de la société civile ,les participants ont décidé de se donner encore un peu de temps pour maîtriser les articles avant de donner leurs amendements.
L’orateur a remis à la commission « point de chute » les documents suivants :
- copies de la charte
- l’histoire de la société civile
- synthèse de la journée du 10/10/2003 au centre Olame.
-
Processus de paix et enjeux de la transition en RDCongo
Ce sujet a été animé par Jean Moreau TUBIBU du Groupe Jérémie portant sur le processus de paix et enjeux de la transition en République Démocratique du Congo.
Il a brossé rapidement les différentes étapes et conclaves qui ont abouti à la signature de l’accord global et inclusif après plusieurs blocages et concessions de part et d’autres : .
Du Dialogue intercongolais de Gaberone en Afrique du Sud en passant par Addis-Abbebas.
Il a montré les 3 dimensions qui ont été à la base de la crise congolaise :
- la dimension interne (au niveau nationale) la dictature, l’égoïsme et le manque de patriotisme ont poussé à plonger la population dans la misère
- au niveau régional /international l’insécurité transfrontalière ,créée par la présence des milices étrangères , avec les pays voisins tels que les Rwanda, l’Uganda, le Burundi,a poussé ces pays à parrainer des rebellions qui ont déstabilisé la RDCongo.
- Au niveau Economique : le fait que le Congo reste un scandale géologique, tous les autres pays convoitent et viennent piller dans le coffre-fort congolais et ceci par tous les moyens.
La société civile devrait prendre conscience de tous ces paramètres..
Signes d’espoir et raison de croire en la transition
Ici , l’animateur a introduit le débat sur des signes d’espoir observables après la signature de l’accord global et inclusif le 16 décembre 2002 et du démarrage de la transition politique en République Démocratique du Congo.
L’assemblée, à travers les jeux de questions- réponses, a fini par reconnaître que malgré la lenteur qui s’observe dans la mise en marche de la transition il y a quand même déjà quelques raisons d’espérer.
- la promulgation de la constitution de la transition le 6 avril(2003)
- la mise en place du gouvernement de la transition, du parlement des Institutions Citoyennes d’appui à la démocratie
- la Réunification du pays qui est visible à travers :
· les descentes des autorités du gouvernement central dans les territoires ex rebelles
· l’unification des signes monétaires
· un seul drapeau
· désenclavement communicationnel (réseau aérien, fluvial, téléphone).
· Manifestations et autres compétitions sportives nationales
· Harmonisation des calendriers académiques et scolaires
· Affectation des commandants de régions militaires etc.
L’orateur a insisté en disant « mais pour qu’une véritable paix revienne il faut que chacun y apporte du sien. »
Parlant de enjeux de la transition
L’orateur a dit que la consolidation de la paix, la sécurité et l’unité nationale malgré la présence des milices étrangères à l’Est (Kivu ; Ituri ) reste l’objectif majeur .Mais d’autres enjeux sont
- la reconstruction, la réhabilitation sociale, économique et la lutte contre la pauvreté
- la promotion des DH, de la justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité
- la lutte contre la criminalisation et le pillage des ressources naturelles de la République Démocratique du Congo.
A propos de la promotion des DH et de la justice transitionnelle, l’orateur a proposé quelque suggestion :
· le monitoring sur le dossier violation
· sensibilisation de la masse pour faire punir les criminels et réclamer la mise en place des institutions internationales (TPIC ou CPI)
· exiger l’indépendance des institutions d’appui à la démocratie.
- L’éducation des masses pour une participation populaire à la gestion de la transition et à la préparation des élections démocratiques c’est-à-dire : La société civile doit participer totalement à la gestion des institutions d’appui à la transition.
-
Devoirs de tous les acteurs de la société civile
La Société Civile doit interpeller les dirigeants à tous les niveaux : les parlementaires (sénateurs et députés) les ministres, afin de bien défendre les aspirations de la population.
La société civile doit sensibiliser, former, informer les populations sur les élections.
Tout ceci nous oblige en tant qu’acteur ou leader de la société civile à connaître et vulgariser le texte de l’accord global et inclusif et la constitution pour qu’on s’y inspire et qu’on s’ en imprègne des tous les articles et autres textes.
Pendant les échanges, la question de la réunification totale de l’armée et de l’administration a divisé les participants et le constat est que cette question reste le principal casse tête aux congolais.
Après l’exposé.
L’assemblée a reconnu que du noyau de la soc.civile de Shabunda ,il ne reste plus que quelques membres ;les activités sont au point zéro et la population est abandonnée à elle même .Seule l’Eglise catolique ose et peut encore affronter les autorités locales .
Les participants ont ensuite formulé certaines plaintes contre les ressortissants de Shabunda résidant à Bukavu pour leur comportement de bloquer les documents, les informations, les invitations et même les aides (sic) destinées aux populations locales Ils ont enfin decidé de se réorganiser ,se restructurer pour connaître le véritable rôle d’un noyau territorial de la société civile et proposé qu’on leur envoie plusieurs copies des documents ci-après :
- la constitution
- l’accord global et inclusif
- la constitution de transition
La séance a pris fin à 18h30 par un cocktail et la remise d’une collation aux participants.
Fait à Bukavu ,le 17 février 2004
Jean Moreau TUBIBU William W.B. Yayote
Groupe JEREMIE COJESKI
Modérateur Chef de Mission
