Une nuit sanglante suite à l'arrestation du Major Joseph Kasongo

ADIA/n° 148 du 27 février 2004

La nuit de lundi à mardi derniers, les affrontements ont opposé les forces fidèles au Général Prosper Nabiolwa, Commandant de la 10ème Région militaire à celles de son adjoint, le Colonel Mutebusi. Celui-ci tenait à arrêter son supérieur hiérarchique pour venger l’arrestation du major Joseph Kasongo qui venait d’être arrêté et acheminé a Kinshasa pour être entendu. Bilan provisoire :deux morts dont le propre garde du Général Nabiolwa et un civil.
En effet, le major Kasongo est accusé de complicité dans les manœuvres de caches d’armes à travers la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu. L’opération de la recherche des caches d’armes avait été ordonnée par le Conseil extraordinaire des ministres tenu le samedi 7 février 2004. Les investigations ont révélé l’existence de plusieurs caches d’armes tenus jusque là à l’insu du Commandant de la région militaire. C’est dans ce contexte que dimanche 22 février il a été découvert, dans l’enceinte de la résidence du major Joseph Kasongo et du Colonel Mirindi, des caches d’armes . Mais la Monuc n’ avait pas été associée à cette enquête. Toutefois il y a lieu de souligner que le Colonel Mirindi et le Major Kasongo sont tous proches du Gouverneur Xavier Ciribanya pour le moment suspendu à la suite de l’enquête que la délégation gouvernementale avait menée à Bukavu-même et à l’issue de laquelle il a été établi que le gouverneur Ciribanya détenait des caches d’armes.
En rapport avec les événements en cours, le conseil de sécurité a exigé la comparution de Xavier Ciribanya, gouverneur suspendu : son influence dans les événements sanglants est supposée certaine. C`est a cette conclusion que sont parvenus les membres du conseil de sécurité réunis autour du Gouverneur intérimaire du Sud- Kivu. Y on pris part plusieurs responsables politiques et militaires ainsi que les délégués des principales confessions religieuses et les responsables de la société civile. Depuis mardi la situation est redevenue calme a Bukavu. Le Major Joseph Kasongo a été libéré mardi matin et acheminé a Bukavu, son lieu de résidence. Cherchant a tout prix à mettre la main sur son chef direct, des perquisitions ont été effectuées par des militaires, même au couvent des sœurs de Saint Joseph de Turin dans cette ville, a indique la radio Okapi. Le colonel Jules Mutebusi soutient qu’il n’a pas ordonné la perquisition du couvent. Plusieurs sources attestent par ailleurs que ceux qui ont effectué cette opération à la recherche du général Nabyolwa parlaient en kinyarwanda.
Dans une déclaration politique datée du 24 février 2004, le Rcd et alliés prennent à partie le Chef de l’Etat Joseph Kabila qu`ils considèrent comme le principal auteur de l`arrestation du major Joseph Kasongo à Bukavu et de son transfert à Kinshasa. Dans un long réquisitoire où le Rcd et alliés énumèrent divers préjudices subis, y compris l’éviction, pour caches d’armes, du gouverneur du Sud-Kivu, Monsieur Xavier Chiribanya Chirimwami, les signataires exigent la libération immédiate et sans condition du major Joseph Kasongo et son transfert à Bukavu, son lieu de sa résidence. Dans un même élan, ils préviennent qu`ils suspendraient leur participation à toutes les institutions de la transition au cas où le major Joseph Kasongo serait toujours en garde à vue à Kinshasa. Le major Kasongo, impliqué dans l`assassinat de feu le Président L.D.Kabila, est aussi un ancien cadre militaire du Rcd, alors mouvement politico-militaire ; il est aussi signataire d`une lettre collective datée du 15 février 2004 et adressée au Président Joseph Kabila. Dans cette lettre, ces militaires de l`ex-Anc s`engagent à restituer les armes en leur possession au Commandant de la 10ème Région militaire. Les signataires avaient pris soins de réserver copie de cette lettre aux quatre vice-présidents de la République, au représentant de la Monuc, ainsi qu`aux ambassadeurs des pays membres du Comité International d’Accompagnement de la Transition (Ciat). Au cours d’une conférence de presse tenue le 25 février par Vital Kamerhe en sa qualité de l’un des principaux négociateurs au Dialogue intercongolais, l’un des leaders du Kivu et cadre supérieur du PPRD, le ministre de l’Information et presse qualifie de mensongères les déclarations du Rcd relatives à la situation qui a prévalu alors à Bukavu. Il y indique que la déclaration du Rcd a été faite en dépit de la décision du chef de l`Etat de mettre à la disposition de la Monuc, le major Joseph Kasongo acheminé à Kinshasa pour raison d`enquête. Il y note entre autres que les injures contre le Chef de l`Etat ne sont pas l`œuvre d`un individu. Elles ont été plutôt proférées par le Rcd, l`un des signataires de l`Accord global et inclusif et co-rédacteur de la Constitution de la transition. Ceci constitue une violation intentionnelle de l`Accord global et inclusif et de Constitution de la transition…Le Rcd doit donc dans un communiqué dument signé par les plénipotentiaires retirer les injures proférées signé à l`endroit de la personne du Chef de l`Etat, de la Nation congolaise et de l`Etat congolais. Le PPRD a aussi réagi par l`entremise de son Secrétaire général : il qualifie les propos du Rcd de haute trahison de la part de ses dirigeants. Quant à la Monuc, il lui recommande d`être impartiale. Car il n`est pas possible de comprendre que la Monuc n`ait pas intervenu alors que la résidence du commandant de la 10ème région militaire est attaquée par des hommes armés !
Après la libération du major Joseph Kasongo, le Rcd confirme dans un communiqué daté du 25 février 2004, que sa menace de suspendre sa participation aux institutions de la transition ne sera pas exécutée. Il souligne dans ce même communique que le relâchement du major Kasongo est intervenu suite aux concertations qui ont eu lieu au somment de l’Etat entre le Président de la République le Général major Joseph Kabila et le Vice-président de la République, Maître Azarias Ruberwa Manywa, président national du Rcd et à la modération entreprise par le représentant spécial de la Monuc en Rdc, l’ambassadeur William Swing.

Points de vue
Dr Kalala Lafuele
Député
« Seule une loi sur le financement des partis politique doit être envisagée ».
«Nous pensons fermement que, comme c`est le cas dans les pays à tradition démocratique, seule une loi sur le financement des partis politiques doit être envisagée. Pareille loi permettra sûrement d’ériger tous les garde-fous nécessaires au bon fonctionnement des partis politiques, lesquels garde-fous sont d`ailleurs susceptibles de permettre d`éviter des excès, de punir des abus et de donner à la société la garantie que les partis politiques vont pouvoir jouer pleinement leur rôle de piliers de la démocratie. En effet, l’alinéa 3 de l`article 11 de la constitution de la transition stipule que les partis politiques se forment et exercent librement leurs activités dans le respect de la loi, de l`ordre public et de bonnes mœurs. Il s`en suit manifestement qu’une loi qui porterait organisation et fonctionnement des partis politiques sera une violation constitutionnelle qui prévoit que les partis politiques se forment et exercent librement leur activités. Il peut aussi être dit que, dans la mesure où l`article 11 de la Constitution de la transition est une reproduction largement fidèle de la Constitution française, l`interprétation de cette disposition, en l`occurrence la clause « ils se forment et exercent librement leurs activités », doit se faire aussi en référence à la pratique française en la matière. Or, il se fait qu`en France, comme d’ailleurs dans tous les pays à tradition démocratique, il n`existe pas de loi sur l`organisation et le fonctionnement de partis et groupements politiques. Le moins que l`on puisse dire est donc qu`une démarche qui consisterait à promulguer une loi sur l`organisation et le fonctionnement des partis et groupements politiques sera bel et bien anti-constitutionnelle et anachronique ».
(Tiré du Potentiel n° 3055 du 24/02/2004)

Yapol
Journaliste
«Et si cette paix n`était qu`un leurre»
«Une opération de fouille des lieux suspectes de caches d`armes, à Bukavu, a suffi pour déclencher l`affrontement dans l`espace de cohabitation déjà si fragile pour la gestion de la transition. Le commandant de la région militaire, le général Prosper Nabyolwa, qui a ordonné cette opération a le malheur de sortir de la composante ex-gouvernement. Cela explique que la réaction du RCD/Goma à l`arrestation du major Kasongo s`en prenne violemment à Joseph Kabila, censé avoir commandité ce kidnapping et avoir agi de manière dictatoriale sans consulter les autres membres de l`espace présidentiel. La déclaration politique du RCD et alliés ne fait pas dans la dentelle quand elle affirme crûment « le comportement du chef de l`Etat Joseph Kabila frise, en quelque sorte, le terrorisme d`Etat digne d`un Etat-voyou ou de dictature noire et sanguinaire ». Et comme toujours en pareil cas, l`épouvantail de la reprise des hostilités est brandi aussitôt : Le nouveau scandale signé Président Kabila n`est pas de nature à conduire la transition vers les élections générales dans la sérénité, l`entente, la concorde et la non-conflitualité exigées par l`esprit et la lettre de l`Accord global et inclusif. Autant la famille du chef de l`Etat n`a pas le droit de mener une chasse aux sorciers dans les territoires anciennement occupés, autant les anciens rebelles ne doivent pas éternellement opposer une résistance au pouvoir consensuel mis en place et auquel participent leurs dirigeants.
(Tiré de La Référence Plus n° 2004 du 25/02/2004)

Revue de presse du vendredi 27 février 2004
L`actualité de ce vendredi 27 février 2004 s`articule essentiellement autour de la situation explosive à Bukavu ainsi qu`autour de la menace des Mai-Mai de se retirer des institutions de la transition. La restriction faite, à Gbadolite, à la liberté de mouvement des agents de la Monuc ainsi que les réactions de la classe politique sur la situation de l`heure défraient aussi la chronique.

Le Phare nous informe que les résistants Mai-Mai menacent de retourner en brousse. Dans une déclaration remise à la presse jeudi, sénateurs, députés, et ministres issus de l`entité des patriotes résistants Mai-Mai se réservent le plein droit de retourner auprès de leurs frères en danger pour continuer la résistance contre la rébellion impénitente du Rcd, aujourd`hui soutenue par les chasseurs des primes dits Monuc. Comme le Rcd mardi, les Mai-Mai ont déclaré leur intention ferme de se retirer de toutes les institutions de la transition en attendant des explications fondées à leurs préoccupations. Les Mai-Mai se demandent pourquoi, alors que tous les mouvements armés et eux-mêmes ont déposé les armes, le Rcd-Goma doit continuer a en détenir, et à s`approvisionner et à interférer dans la gestion de l`armée alors que le commandement des Fac est déjà unifié.
Le Palmarès signale que la Mission des Nations Unies en Rdc a dénoncé mercredi dernier les entraves à la liberté de mouvement de ses observateurs militaires dans la ville de Gbado-Lite, au Nord-Ouest de la province de l`Equateur. Dans un communiqué a l`Afp, la Monuc indique que les observateurs militaires onusiens avaient été empêchés par un officier de l`ex-rébellion du Mouvement de libération du Congo (Mlc), d’accéder à des avions qui ont atterri les 21 et 23 février derniers. « Est-ce qu`après nous il y a un agent de la Monuc qui aurait voulu inspecter l`avion avec lequel nous sommes venus ?», avait demandé l’officier. Pour le secrétaire exécutif Thomas Luhaka il n`était pas informé que cet incident a eu lieu. Le Mlc veut préserver toutes ses chances, il ne faut donc pas créer une certaine confusion.
Le Potentiel compte tenu de la situation qui prévaut à Bukavu, les députés ont résolu, en lieu et place de l`ordre du jour proposé par le bureau de l`Assemblée nationale, de débattre de l`insécurité qui sème la désolation au chef lieu Sud-Kivu. Et le Rcd se trouve au centre de la controverse. Pour les députés des autres composantes et entités au dialogue inter congolais, notamment le Pprd et les Mai-Mai, le Rcd continuerait à héberger des rwandais dans le Nord et le Sud-Kivu et serait à la base d`un nouveau mouvement insurrectionnel qui partirait de l`Est. Les députés ont alors décidé d`interpeller dans les meilleurs délais les ministres de l`Intérieur Théophile Mbemba et celui de la Défense Jean-Pierre Ondekane.
L`Observateur rapporte qu’à travers un communiqué de presse, le chef de l`Etat met en garde tous ceux qui, pour des motifs inavoués, menacent le processus de paix. Le Chef de l`Etat tient à rassurer la nation tout entière que le processus ira jusqu’au bout et qu`il veillera à ce que les élections libres, démocratiques et transparentes soient organisées dans le délai imparti par la constitution. En sa qualité de commandant suprême de l`Armée, il a chargé une délégation d’officiers de haut rang de remettre de l’ordre dans la ville de Bukavu. Il va sans dire que tous ceux qui sont liées de près ou de loin aux événements de ces 72 heures seront poursuivis et sanctionnés conformément à la loi de la République.
L`Avenir souligne que les forces nationalistes et patriotiques sollicitent la suspension du processus de la transition et l`interpellation du Rdc. « Nous sommes surpris que l`arrestation d`un officier supposé appartenir aux forces armées congolaises devienne le problème du Rcd au point de provoquer de sa part une réaction aussi violente. Pourquoi enfin ce ton comminatoire à l`endroit du Président de la république ». La vérité, poursuit le communiqué est que les mouvements issus de la rébellion ne croient pas au processus de la transition tel que voulu par l`Accord global et inclusif.