La Jeunesse Congolaise de France et la paix en Afrique des Grands-lacs
COLLECTIF DES ORGANISATIONS DES JEUNES
SOLIDAIRES DU CONGO - KINSHASA
« COJESKI-FRANCE »
Réflexion des jeunes congolais de France
« La paix, la démocratie et la sécurité dans la sous-région Africaine des Grands Lacs »
6 au 7 mars 2004
72 boulevard de la Villette, Paris, 11e arrondissement
(locaux d’Amnesty International)
Synthèse des débats : Recommandations à adresser au Gouvernement
PREAMBULE
1. PAIX ET SECURITE
1.1. Sécurité intérieure
1.1.1. Armée et police
1.1.2. Administration
1.1.3. Justice
1.1.4. Santé
1.1.5. Divers
1.2. Sécurité extérieure
2. DEMOCRATIE ET BONNE GOUVERNANCE
2.1. Démocratie
2.2. Bonne gouvernance
3. DEVELOPPEMENT, COOPERATION REGIONALE ET INTEGRATION
3.1. Développement : politique intérieure
3.2. Développement : politique extérieure
CONCLUSION
PREAMBULE
En préalable à toutes ces suggestions, il apparaît indispensable à tous les participants de restaurer un Etat de droit, fort et pérenne, nonobstant les gouvernements qui pourront se substituer à la tête du pays.
Des personnels sous statut, irrévocables (sauf sanction pour faute professionnelle ou discrédit moral jeté sur l’Etat), recrutés avec discernement sur leurs aptitudes, formés, à la durée d’exercice limitée, rémunérés bien, régulièrement et selon une grille de salaires homogène sur tout le pays, garantiront la stabilité de l’appareil étatique, sa mémoire et sa sécurité. Policiers, soldats, administratifs divers doivent être protégés des changements politiques à venir.
En compensation, toute présomption de corruption entraînera une suspension immédiate, une enquête et des sanctions. La rupture du secret professionnel pourra également donner lieu à des poursuites.
Tout comme le manquement de respect à un agent de l’Etat, toute pression financière ou morale exercée sur lui en vue d’obtenir des avantages doit être officiellement pénalisée.
1. PAIX ET SÉCURITÉ
1.1. Sécurité intérieure
1.1.1. Armée et police
- Application indispensable du programme de désarmement, démobilisation, rapatriement et réinsertion (DDRR) : dissoudre les factions et milices, faire l’inventaire [et la réquisition au profit de l’Etat] des armes et du matériel militaire qu’elles détenaient.
- Intégration, dans l’armée actuelle, sous certaines conditions (visite médicale, enquête de « moralité », formation obligatoire, niveau minimum d’instruction et mobilité pour les cadres, acceptation d’un « contrat » avec l’Etat pour tous) des membres des diverses factions et milices existant dans le pays.
- Mise à niveau des membres des corps d’armée et de police existants.
- Cette intégration devra se faire en mélangeant le plus possible les individus au seins des divers corps (éviter qu’une milice partisane ou mono - ethnique soit simplement transposée en une division de l’armée, ce serait dangereux)
- Formation des simples agents (lecture, écriture, civisme et aux droits de l’homme, respect des biens et des personnes en plus de leur formation technique pure) et des officiers (académie militaire), formations techniques spécifiques (déminage, radio transmission…).
- Inscription obligatoire (susceptible de renforcer le sentiment d’appartenance nationale) des jeunes des diverses régions, hors de leur région : la rencontre d’autres jeunes de tous les horizons dans une région étrangère est en effet un facteur d’ouverture. On peut également concevoir une conscription locale pour les filles. Elle pourrait être plus courte, tourner autour de la santé : hygiène, premiers secours, rudiments d’infirmerie, planning familial, petite enfance et être prise en charge par la société civile.
- Les participants sont partagés quant à la langue officielle des corps d’armée et de police. Tous les avis sont formulés : choisir une langue officielle –lingala- et maintenir ou imposer la possibilité de parler les quatre langues nationales.
- Quand on parle de réconciliation, on parle surtout de réconciliation entre les partis.
- Il faut faire la paix entre nous. C’est de la population elle-même que doit venir cette idée de la réconciliation et les modalités de sa mise en place. Au terme des accords de Sun City, c’est la société civile qui a été chargée de la réconciliation intérieure.
- Il faudra toutefois probablement aider à la réconciliation des régions dans lesquelles la population s’est entre-déchirée (Ituri, Maniema, Kivu…).
1.1.2. Administration
- L’administration pourra faire l’objet d’une délégation au niveau régional, sous le contrôle de l’État central.
- Création d’un état civil assorti d’une obligation de déclaration des naissances et des décès.
- Lancement d’un recensement général de la population.
- Nationalité attribuée en fonction du droit du sang, du droit du sol et/ou de la citoyenneté selon des modalités à définir.
- Gratuité de la délivrance de cartes d’identité nationale.
- Création d’une école d’administration pour les cadres et de modules à divers niveaux de la scolarité -brevet, bac-.
- Création d’un prix de réussite aux cadres de l’administration
- Création d’une commission pour la nomination et la gestion des grandes entreprises publiques.
1.1.3. Justice
- En même temps qu’interviendra la mise en place de l’Etat, la réhabilitation du système de justice devra être menée.
- Application du code civil sur tout le territoire par des magistrats bien formés, assermentés et exerçant leur ministère hors de leur région d’origine.
- « Examen de conscience collectif » : poursuite des personnes engagées d’une manière quelconque dans les conflits qui agitent le pays depuis les années quatre-vingt-dix.
1.1.4. Santé
- La santé constitue une sécurité au quotidien. En conséquence, il faudra renforcer les structures médicales existantes, aussi petites soient-elles ; créer des hôpitaux modernes.
- Former des personnels soignants, de la simple aide-soignante au médecin spécialiste en développant des mesures incitatives pour leur installation dans les provinces.
- Le personnel des hôpitaux soignera donc sans discrimination tous les malades, dans le respect de l’assistance due à tous.
- A long terme, il faudra songer à l’établissement d’un système de santé pour tous.
1.1.5. Divers
- Système de veille à instaurer au sein des communautés (familles, rues, villages) ; tout le monde n’était pas d’accord : dérive autoritariste, système de délation dangereux pour les libertés individuelles.
1.2. Sécurité extérieure
- On pourrait envisager de sécuriser les frontières par la guerre. La RDC en a-t-elle la volonté ? En a-t-elle les moyens ? La réconciliation avec les pays voisins semble cependant indispensable. Il faut négocier avec eux. La voie pacifiste est la seule possible.
- Accord entre les belligérants pour respecter les frontières mises en place par les ex-colons et prévoir des mesures de sanction pour toute violation de cet accord.
- Cessation immédiate du soutien apporté par les Etats de la région aux différentes factions rebelles.
- Cessation de l’ingérence dans les affaires et la politique des pays voisins.
- Accélérer et intensifier le processus de la DDRR.
- Constitution de forces d’intervention régionales (entre les pays limitrophes concernés) pour la surveillance des zones frontières.
2. DÉMOCRATIE ET BONNE GOUVERNANCE
2.1. Démocratie
- Les rebelles et tous les partis présents à Sun City doivent rejoindre la coalition du gouvernement de transition pour renforcer le gouvernement.
- Fixer des règles pour l’exercice du gouvernement de transition : actuellement, il n’y a aucun risque à quitter le gouvernement. Les gouvernants ont la culture du droit, mais ignorent totalement le sens du devoir. Il ne sera toutefois pas aisé de faire état de sanctions possibles (ne serait-ce qu’une inéligibilité ultérieure automatique), rien n’ayant été prévu dans ce sens dans les accords de Sun City.
- Fin de l’impunité des criminels de toute sorte.
- Liberté de circulation des biens et des personnes
- Garantir la liberté de la presse, de la radio, de la télévision tout en limitant les conditions d’accès à la création de ces médias et leur fonctionnement. Cette disposition, déjà inscrite dans la constitution, ne peut être envisagée que sous le contrôle de la justice (blanchiment d’argent sale, issu de pillage ou de corruption, diffamation…).
- Création d’un organe de contrôle de la presse : d’où vient l’argent ? qui le contrôle ? quelle est la personnalité des dirigeants ?...
2.2. Bonne gouvernance
- Séparation du législatif et de l’exécutif.
- Autonomie de la justice.
- Liberté, mais réglementation de la création de parti politique : fixer des règles (par exemple : pas de dirigeant de moralité douteuse et/ou suspecté/accusé de crime de sang, de crimes sociaux ou économiques, pas de militaire ; aptitude des candidats à parler, en plus du français, trois langues nationales au minimum ; nécessité pour eux d’être marié, d’avoir au préalable milité pour une cause).
- Transparence sur la personnalité des candidats : famille, patrimoine.
- Inéligibilité des personnes mises en cause dans une quelconque affaire jetant le discrédit sur leur moralité.
- Gouvernement par élection au suffrage universel libre,
- Attribution des portefeuilles en fonction des compétences affichées.
- Limitation des mandats électifs (un seul mandat pour le président ; cinq ans devraient être suffisants)
- Dissolution des partis à caractère criminels et/ou fascistes.
3. DEVELOPPEMENT, COOPERATION REGIONALE ET INTEGRATION
Si la paix est garantie, les investisseurs reviendront, des entreprises, des usines s’installeront dans les régions et prendront en charge la formation des habitants qu’ils y emploieront.
Si la sécurité est rétablie les Congolais pourront penser à prendre chacun, à son niveau des initiatives pour développer qui son exploitation, qui son petit commerce…
3.1. Développement : politique intérieure
Avoir toujours à l’esprit, dans toute entreprise, qu’elle soit d’aménagement du territoire, industrielle ou autre, la préservation de notre patrimoine naturel, en privilégiant les moyens d’exploitation les moins polluants : « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous la léguons à nos enfants ».
-Restructurer le système éducatif, de la petite école à l’université. Créer des écoles professionnelles, des diplômes spécialisés ou techniques pour répondre au besoin de reconstruction du pays.
- Relancer l’enseignement pour les filles.
- Créer une journée nationale de la jeunesse congolaise au mois d’août, mobilisant l’ensemble des groupements et associations de jeunes du pays : « Jeunesse congolaise, c’est à toi de porter le drapeau congolais » (Patrice Lumumba).
- Proposer aux Congolais expatriés de revenir au pays, en leur proposant des formations complémentaires à celles suivies dans leur pays d’accueil ou complétant l’expérience qu’ils y ont acquise.
- Utiliser l’argent dévolu au financement des bourses pour des jeunes gens brillants et non pour des militaires. Favoriser par exemple les jeunes gens souhaitant faire des études susceptibles d’aider à la reconstruction du pays (ingénierie civile, finance, architecture, environnement) dans l’obtention de bourses pour étudier à l’étranger ou y faire des stages de perfectionnement longs en troisième cycle ou en entreprise.
- Restauration d’un système bancaire et financier sain : ouvertures de banques dans chaque ville, sécurisation physique des valeurs et garantie des dépôts des clients ; création de produits d’épargne attrayants dont les fonds seront investis dans la reconstruction nationale, régionale ou locale, selon des modalités à rechercher.
- Création de structures regroupant les producteurs de produits « de rente », hors minerais, pour leur permettre de résister mieux à la pression des marchés.
- Abandon d’une petite partie de ces cultures de rente (café, cacao, par exemple) à destination des pays occidentaux au profit de cultures correspondant plus à la demande interne, voir au commerce panafricain, avec pour conséquence une augmentation des cours des produits « de rente ».
- Un corps de fonctionnaires bien et régulièrement payé, favorisera, par ses dépenses, le développement du pays en stimulant l’agriculture, le commerce et l’artisanat dans les villes et villages où ils sera implanté.
- Créer de grands pôles de développement dans les régions.
- Favoriser, quand cela sera possible ou quand l’unité à fournir en énergie sera de petite ou de moyenne taille, l’utilisation d’énergies renouvelables (par panneaux solaires, champs d’éolienne…).
- Mettre en place une politique incitative de développement de l’emploi pour les entrepreneurs (aides à la création d’entreprise).
- Utiliser une partie de l’armée pour la reconstruction (génie militaire au service du génie civil) : constructions de routes, de ponts, de barrages… (autre avantage : donner une compétence, un métier, aux futurs démobilisés conscrits).
3.2. Développement : politique extérieure
Lancer une grande réflexion auprès des intellectuels congolais, qu’ils soient résidents ou non résidents, sur la nécessaire conciliation des impératifs du commerce mondial (et des modèles économiques imposés par les organismes internationaux) avec la culture et les traditions africaines : faut-il se plier au modèle occidental ? Comment trouver une voie africaine au développement ? Quel rythme adopter pour ne pas faire imploser la société traditionnelle ? Faut-il appliquer un protectionnisme à certains secteurs pour protéger les petits producteurs/agriculteurs de la mondialisation ? Comment négocier des partenariats justes avec les entrepreneurs et gouvernements étrangers ?
- Insertion du pays dans un processus de réflexion sur la place de l’Afrique dans l’économie mondiale (par exemple, organisme du type OPEP pour les ressources minières diverses réparties sur le continent : diamant, or, uranium…) : réunis, les producteurs seront plus forts face aux pays occidentaux.
- Une attention particulière devra être portée à l’examen des contrats signés avec des entreprises étrangères. La technique de l’appel d’offre international devra être systématisée dans la recherche de partenariats nationaux ou étrangers. L’attribution des marchés devra se faire dans la plus grande transparence. Les contrats devront inclure l’emploi d’un quota important de personnel local de tout niveau ainsi que sa formation.
- Revaloriser l’image du pays à l’étranger : échanges culturels, organisations de manifestations ou festivals culturels (concerts, expositions artistiques, documentaires montrant les différentes régions susceptibles d’attirer des touristes une fois la paix revenue et assurer leur promotion auprès des télévisions internationales.
- Renforcement de la position du pays au sein de la francophonie.
- En ce qui concerne le développement régional, il convient de définir exactement ce qu’est la région des Grands Lacs. Pouvons-nous bénéficier d’un tel développement ? Que devons-nous en attendre ? Comment y participer tout en recherchant l’intérêt national ?
- Instaurer dans les zones frontières des zones d’activité « partagées » : hôpitaux, écoles, industries.
En conclusion, le groupe, réuni sous la présidence du Cojeski - France, décide que ce relevé de recommandations ne sera pas adressé au Président de la République, comme initialement prévu, mais au Parlement de transition congolais, avec copie au Président et aux quatre Vice-Présidents, par l’intermédiaire de la coordination nationale du COJESKI - RDC.
Pour la Commission chargée de l’élaboration de la synthèse des débats :
Père Muderwa Kapita
Mr. Shabani Masandi
Mr. Sokoni Kihundu
Mr. Atumenga Swana
Ms Pascale Boreau
Dr Maindo Monga Ngonga
Mr. Christophe BINTU M.
Représentant en France
du COJESKI - RDC
COJESKI-FRANCE
N° 10, Rue Kuss, 75013 Paris / FRANCE
Tél : + 33.145.85.65.61 / + 33.625.151.465
E-mail : cojeskifrance@aol.com
