PREROGATIVES POUR UNE PAIX DURABLE DANS LA REGION DES GRANDS LACS
Ces travaux confortent l’idée selon laquelle on trouve dans l’histoire des peuples da la région des Grands Lacs des fondements solides de l’intégration nationale et régionale, et de paix.
PROBLEMATIQUE DE PAIX ET DE L’INTEGRATION DANS LA
REGION DES GRANDS LACS
La complexité de la structure ethno-linguistique, l’acuité des problèmes ethniques, le développement des idéologies tribalistes expliquent non seulement l’intérêt scientifiques, mais également l’actualité politique d’une féconde réflexion sur la problématique de paix et de l’intégration tant nationale que régionale dans les Grands Lacs.
Partant de l’observation sur le terrain dans cette région, c’est de l’intégration nationale que dépendent la cohésion politique de tout pays et la réalisation des programmes socio-économiques du développement national. Tous les Etats de la région des Grands Lacs prennent de plus en plus conscience et accordent une attention particulière aux problèmes ethniques qui constituent une source de multiples conflits et guerre
Le caractère délicat des problèmes ethniques ne doit pas être réduit à une simple hostilité entre ethnies Les nombreux phénomènes ethniques négatifs observés trouvent leurs racines uniquement dans un passé proche ou lointain. C’est le cas des peuples Hema, Lendu et Banyamulenge dit « Banyarwanda » ou congolais d’expression Rwandaise.
Les populations Hema et Lendu qui se savent condamnés à vivre ensemble sur leurs communes terres ancestrales sont localisées dans le district de l’Ituri.
L’Ituri fait partie des quatre districts de la Province orientale en République démocratique du Congo. Il partage ses frontières avec deux des pays voisins de ce pays, à savoir l’Ouganda et le Soudan. District le plus peuplé et le plus riche de la Province Orientale il comprend cinq Territoires à savoir : Irumu, Mambasa, Djungu, Mahagi et Aru.
L’une des particularités de l’ituri est qu’elle est la seule partie du Pays où l ‘on rencontre tous les quatre Grands groupes ethniques d’Afrique, en effet, on y trouve des pygmées, des Bantous, des soudanais et les nilotiques.
En ce qui concerne, les Walendu ou peuple Lendu, ils sont d’origine soudanaise.
Arrivés en Ituri vers le 16e siècle, leur origine géographique se trouve dans les régions du Haut-plateau du Soudan oriental.
Actuellement en Ituri, ils occupent au total quatre collectivités dont trois dans le Territoire de Djugu. Il s’agit des collectivités secteurs des Walendu Pitsi, Djatsi et Tatsi et, dans le territoire d’Irumu, de la collectivité des Walendu Bindi. Ils sont des agriculteurs.
Les Bahema dit peuple Hema , quant à ceux, sont arrivés en Ituri au 17e siècle venant ,de l’Ouganda mais leur origine géographique se trouve dans le sud-est Ethiopien, près de la valeé Bahr-El-Gazal. Eleveurs , agriculteurs, pêcheurs et commerçants, ils occupent actuellement en Ituri 16 collectivités-chefferies. Il s’agit dans le Territoire de Djugu, des collectivités de Bahema nord ( la plus peuplée du territoire de Djugu), des Bahema Badjere, des Bahema, Banywagi et de Mambisa sans le territoire d’Irumu : les collectivités des Bahema Boga, des Bahema Babiasi, Badihango, Banikasa( qui forment la collectivité-secteur Bahema/sud) Bahema Mitego et Bahema d’Irumu. Dans le territoire de Mahagi : les collectivités des Djukots, de Mokambo et de Wagongo.
S’agissant des relations entre les deux tribus différents témoignages s’accordent pour affirmer que depuis l’epoque coloniale, on a jamais déploré un conflit de terre entre les peuples Hema et Lendu, excepté celui de 1911.
Neamoins, la cohabitation entre ces deux peuples dans le territoire d’Irumu a connu plusieurs épisodes d’affrontements sanglants dont les plus importants ont eu lieu en 1911, 1966,1979,1992,1999 et 2003.
En 1911, La guerre éclate après l’assassinat du grand chef Hema, appelé Bomera, par les Walendu-Bindi ( Wangiti) .
En 1966, une nouvelle confrontation oppose les deux tribus près de Bogoro et Ada. A l’origine du conflit, le refus des populations Walendu Rutshi des enclaves de Nombe et Lapka de se soumettre à l’autorité des chefs Hema qui les administrent.
En 1979, un autre conflit surgit entre les deux tribus cette fois-ci sur la plaine de la Semliki ( Lac Albert), entièrement comprise dans la collectivité des Bahema –sud. La cause de ce conflit, le commerce des poissons et produits vivrières.
En 1999, une bataille armée éclate à Libi, Chef de la collectivité –secteur des Walendu Pitsi. Elle oppose les membres de l’Ethnie Lendu, décidés à conserver leurs terres et les forces de l’ordre dépêchées par les autorités administratives locales.
Les extrémistes sautent sur l’occasion et le conflit, devenu incontrôlable, à pour cible privilégiée tout sujet Hema. On assiste alors à des règlements de comptes sanglants de part et d’autres à l’incendie des villages entiers, à l ‘horreur et aux barbares avec des corps mutilés, des cadavres jetés dans la rivière Shari.
Les guerriers Lendu, organisés dans le milieu du type Mai-Mai avaient décidé de détruire les biens des Hema sans distinction dans le but de les contraindre de quitter leurs terres, d’où l’intervention des soldats Ougandais.
En 2003, les conflits armés entre les milices Lendu et Hema dans la localité de Drodo dans le District de l’Ituri en République Démocratique du Congo.
Les conflits ont provoqués des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans cette région, à savoir : les exécutions sommaires de la population civiles , les mutilations des personnes, des maisons brûlées et des femmes violées.
Les affrontements meurtriers entre factions dissidentes, groupes d’autodéfense à caractère ethnique et milices tribales ont affligés les populations de cette contrée de la République Démocratique du Congo et procèdent d’une idéologie d’exclusion, de haine et d’exacerbation des clivages et antagonismes tribaux et ethniques.
Parmi les facteurs qui ont favorisés ce conflit nous citons : les enjeux liés aux immenses ressources naturelles, les luttes de pouvoir entre leaders locaux, les disputes sur la propriété foncières, la présence des troupes étrangères et l’absence d’une administration efficace en Ituri.
A propos des Banyamulenge dit « Banyarwanda» au kivu, la question se pose différemment du fait, d’une part de la non-existence traditionnelle de populations de la même origine ehnique des deux cotés de la frontière et, d’autre part, de la non-reconnaissance du groupe ethnique pratiquant les échanges comme congolais à part entière.
En effet, les populations d’origine rwandaise qui ont émigré ou qui ont été incorporées au Congo Belge lors de la colonisation ne sont pas perçues comme nationales par les autres populations autochtones. Ces populations, originaires du Rwanda, sont appelées habituellement « Banyarwanda » ou « congolais d ‘expression rwandaise » pour les distinguer des rwandais habitant le Rwanda. Cette spécificité du Kivu pose depuis l’indépendance du congo Démocratique la question de la nationalité dans cette province, surtout dans , la province du Nord-Kivu, devenue la région de plein droit comme la Province du Sud-Kivu et du Maniema. Pour mieux aborder le problème, il est nécessaire dans un premier temps de rappeler quelques données historiques sur la façon dont s’est opéré ce peuplement .
Les origines du peuplement Rwandais au Kivu :
On peut considérer que cinq phénomènes sont à l’origine du développement d’une population d’origine Rwandaise dans les Provinces du Kivu, il s’agit :
1.La Délimitation d’une nouvelle frontière : Le Rwanda précolonial s’étendait au –delà de sa façade ouest actuelle sur certaines régions du Congo - Kinshasa. En 1910, une convention précisa les limites frontalières entre
possesions Belges et Allemandes le Djomba, le Bwisha, le Kanurunsi, le Gishari et l’île d’Idjuri devinrent possessions Belges et ainsi furent intégrées au Congo Belge. Dans la division administrative actuelle de la République Démocratique du Congo, le Bwisha et la Gishari se trouvent respectivement dans les zones de Rutshuru et de Masisi dans la Province du Nord-Kivu.
ces anciennes provinces rwandaises annexées à la colonie belge ont gardé leurs populations d’expression rwandaise devenues juridiquement congolaises.
2. La mission d’immigration des Banyarwanda : A l’époque du mandat, les autorités Belges considéraient le Rwanda bénéficiant d’une forte population sur un Territoire restreint, comme un possible réservoir de main-d’œuvre pour le espaces congolais voisins moins peuplés.
En 1937, fut signé un accord entre les autorités administratives du kivu les autorités du Rwanda et le comité national du Kivu pour créer la M.I.B
(Mission d’immigration des Banyarwanda) qui avait comme objectif, d’une part, de créer une circonscription rwandaise dans les secteurs dépeuplés de la zone de Masisi comme zone d’implantation prévue appartenait à une collectivité Bahunde, un acte de cession fut passé Bahunde Kalinda qui reçut 29.600 francs Belges en dédommagement.
Le territoire accordé aux Rwandais mesurait 350 Km2, soit une étendue d’à peu près 19,5 kilomètres de longueur sur 18 kilomètres de largeur. Cette circonscription fut administrée par un Chef d’ethnie Tutsi choisi parmi les immigrants. trois phases caractérisent les opérations de la M.I.B afin de les peuples inhabitées du Gishari dans la zone de Masisi :
De 1937 à 1949, un petit nombre de familles rwandais s’est installé au Gishari ;
De 1949 à 1953, lors de la famine au Rwanda, le nombre d’immigrants s’est accru. Vers 1950, on dénombrait plus de 6.000 familles rwandaises installées au Gishari ;
De 1953 à 1955 : les Banyarwanda se verront accorder au Kivu plus de 15.000 hectares vers les régions plus à l’Ouest des Territoires de Masisi et de Rutshuru par « le plan decennal pour le développement économique et social de Rwanda – Urundi 1951-1959 ». Mais , ce programme d’implantation aura des difficultés pour se poursuivre du fait de l’existence de densités élevées de populations et des Chefferies qui supportaient mal ces nouveaux groupes qui, important leurs propres structures, se plaçaient ouvertement en position de « conquête foncière » au delà des zones qui leur étaient concédées.
3.Recrutement de la main-d’œuvre rwandaise : A coté du programme de migrations organisées par la M.I.B, un autre programme était conçu pour le recrutement de la main d’œuvre rwandaise destinée aux entreprises minières et agricoles de la colonie Belge. Les entreprises manquaient de main-d’œuvre . il fallut donc créer au Rwanda et au Burundi des Bureaux chargés de recruter une population jugée excédentaire, cette population a été installé dans les zones minières du Kivu, du Maniema et du Katanga. On peut l’estimer à 80.000 personnes.
4.Les réfugiés politiques : la troisième vague d’immigration est constituée par les réfugiés politiques rwandais. Les années 1959-1961 et 1990 sont marquées au Rwanda par des troubles politiques et ethniques.
Les populations menacées émigrent dans les pays voisins, dont une partie au Kivu vers les Zones de Masisi, Kahele, Fizi et Walikale.
5.Les immigrants clandestins : Rwanda étant un pays démographiquement saturé, la quasi-absence de fronts pionniers agricoles entraîne un phénomène de migration vers les régions sous-peuplés des pays voisins.
Quatre éléments ont facilité les migrations clandestines au Kivu :
-La frontière totalement perméable aux passages clandestins des marchandises ou des personnes, le long du Rwanda et du congo-Kinshasa entre la chaîne des volcans de Birunga ;
-La préssion démographique sur la terre rwandaise ;
-La crainte devant les conflits ethniques ,
-L’existence des populations rwandaises ayant en vue une intégration administrative.
•La répartition des Rwandais au Kivu :
Une partie importante de la population d’expression rwandaise est repertoriée comme congolais dans cinq zones du kivu : Goma, Karisimbi ; Rutshuru, Walikale et surtout à Masisi.
Les Banyarwanda en nombre au Kivu, se placent en troisième position après les Ndande et les Bashi.
Si l’on condidère que le Nord-kivu et la province où les congolais d’expression rwandaise sont les plus nombreux des trois provinces du kivu, on peut penser que la moitié de ceux-ci résident au Nord-Kivu.
Tous les attributs de la xénophobie, de la haine et de l’intolerance de la part des ressortissants des pays voisins sont à la base des contradictions actuelles et conflits habitant dans la Province du kivu.
PREROGATIVES POUR UNE PAIX DURABLE ET
L’INTEGRATION REGIONALE DANS LES GRANDS LACS
Le conflit est inhérent à la nature humaine. Il est omniprésent dans toutes les sociétés et dans différents lieux, mais il appauvrit et affaiblit tous.
Dans la région des Grands Lacs, les effets des conflits ethniques sont ressentis au niveau des peuples et dont la solution demeure introuvable au niveau de charque Etat de la région, car en réalité la solution à ce problème se trouve à l'échelle da la région toute entière.
En ce qui nous concerne, nous pensons que le défi du relèvement de ces conflits comprend quatre éléments essentiels, à savoir :
La paix et la sécurité ;
La citoyenneté transfrontalière ;
-La nationalité ; et
-L’intégration régionale.
1° La paix et la Sécurité
la paix entre les Etats membres de la Région des grands Lacs et à l’intérieur de leurs frontières est une des conditions fondamentales de l’intégration régionale. Elle constitue l’un des défis les plus importants pour la région des grands Lacs.
Les réfugiés constituent l’une des causes et l’un des enjeux de ces conflits incessants. Ces réfugiés doivent être distingués des combattants de la liberté,
luttant contre des régimes coloniaux et traditionnellement soutenus par les Etats Africains independants Neo-coloniaux. Or, plusieurs Etats de la région ont autorisé et continuent d’autoriser des réfugiés et d’autres communautés en exil d’utiliser leur Territoire comme base d’opérations militaires contre leur pays d’origine. Condamnés par le droit international comme une agression contre l’Etat-victime et de ce fait comme illégal, cette pratique a pour effet de détruire la confiance entre les Etats voisins et de déstabiliser l’ensemble de la région . En effet, l’ Etat victime ne se prive pas, à son tour, de soutenir des groupes dissidents de l’Etat responsable de l’agression, de leur fournir des équipements et, parfois, des cadres militaires et des soldats. Plusieurs gouvernements de la région sont tombés des suites de ces pratiques. Les effets de cet acte de guerre quasi permanent se constatent tous les jours : destruction des biens et des vies humaines ; souffrances morales considérables pour les survivants, entraînant souvent un désir de revanche ; perte de légitimité des Etats et des pouvoirs en place, gaspillage des ressources économiques aux fins de soutenir l’effort de guerre, risques d’une multiplication de conflits et d’une conflagration généralisée dans la région.
2° La citoyenneté transfrontalière
La citoyenneté transfrontalière constitue une réponse appropriée et durable aux multiples défis auxquels sont confrontés les Etats et les peuples de la Région des grands Lacs.
Cette option permet d’abord de résoudre la question des réfugiés et des personnes déplacées, parallèlement à l’affirmation des devoirs des réfugiés, en particulier celui de renoncer à toute activité celui de s’abstenir d’utiliser le Territoire du pays d’accueil pour mener des opérations armées contre leur pays d’origine, il faut imposer à l’ensemble des Etats la reconnaissance des droits des réfugiés et le plus spécialement : - Le droit à l’asile, le droit au non refoulement, le droit à la non –discrimination, le droit à la protection, y compris au traitement dans la qualité spécifique de réfugiés, au partage des charges découlant de leur présence et des solutions à leurs conditions, qui peuvent être l’intégration dans le pays d’accueil, la relocalisation ou le rapatriement dans le pays d’origine.
Les Etats de la région des grands Lacs doivent renoncer aux politiques qui conduisent inévitablement à la production de réfugiés. Il faut dans cette perspectives , mettre en place des systèmes politiques démocratiques qui permettent la participation, sans aucune exclusive, de toutes les composantes de la population. Au plan des mentalités l’idéologie de l’exclusion et de la violence doit être combattue et extirpée par toutes les mesures appropriées aux niveaux .
Il s’agit de :
-L’introduction dans les programmes scolaires de cours et enseignements sur la morale et la tolérance,
-L’élimination des médias et des discours politiques des expressions de nature à entretenir et à exacerber, les différences entre les communautés, et
-les négociation entre les Etats de la région des grands Lacs qui devront s’efforcer de résoudre rapidement la question des personnes déplacées et de la récupération de leurs biens, les négociations les plus urgentes devant se faire entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, La Tanzanie et le Burundi, l’Ouganda et le Soudan.
3° La Nationalité
La question de la nationalité se pose dans l’ensemble des Etats de la région des Grands Lacs dans la mesure où, volontaire ou involontaire, ancien ou récent, le phénomène migratoire y constitue un phénomène de structure et un élément critique que l’évolution récente est venue aggraver. En effet dans plusieurs Etats, les lois sur la nationalité ne font que prolonger les logiques malthusiennes , de nombreuses personnes souvent parmi les cadres dirigeants, se trouvent soupçonnées ou accusées d’être des étrangers.
Cette question revêt une gravité particulière dans la République Démocratique du Congo dont le peuplement se caractérise par une densité de la population plus élevée dans les zones frontalières qu’au centre du pays et par le grand nombre de populations transfrontalières que ce pays partage avec ses voisins. Chaque Etats doit régler la question de la nationalité tout en associant pour la solution la plus durable le cadre régional.
4° l’intégration régionale
La formule de l’intégration régionale n’est pas une simple coopération, de rapprochement très lâche entre les Etats qui n’auraient en définitive que peu d’engagements les uns envers les autres. Il s’agit d’une véritable intégration, impliquant des engagements contraignants entre des Etats.
Au stade actuel, il s’agirait de se limiter fondamentalement à une intégration économique mutuellement avantageux.
Pour réaliser cette intégration certains mécanismes, procédures et méthodes doivent être observés, à savoir : La démocratie et le respect de l’Etat de droit tant à l’intérieur par le respect des traités signés et des lois dont la violation menacerait la sécurité de la région ainsi que le respect de l’égalité des chances , des libertés sociales et du principe d’équité.
