Conference Internationale sur le SIDA a Bangkok:Quinze millions d'orphelins du sida dans le monde

La pandémie, qui a causé la mort de 20 millions de personnes à travers la planète et en a infecté 38 millions, a inversé à elle seule la tendance à la diminution du nombre d'orphelins, due aux progrès en matière d'hygiène sanitaire et à une meilleure alimentation globale.
"On assiste à un raz-de-marée d'enfants qui ont perdu un parent, voire les deux", explique à Reuters Carol Bellamy, directrice générale de l'Unicef.
Quinze millions d'enfants de moins de quinze ans dans le monde entier - dont près de 12 millions dans la seule Afrique sub-saharienne - sont des "orphelins du sida". Selon l'Unicef, ils pourraient être 18,4 millions d'enfants à avoir perdu l'un ou leurs deux parents en 2010.
"Cela a le potentiel de déstabiliser fortement les sociétés", ajoute la directrice générale de l'Unicef. L'essentiel du programme de la 15e Conférence internationale sur le sida, qui s'est ouverte dimanche à Bangkok, porte sur les questions d'accès aux traitements anti- rétro viraux et sur le financement de la lutte contre l'épidémie. La controverse sur le meilleur moyen de prévenir l'infection (l'abstinence d'un côté, le préservatif de l'autre) a également ressurgi dans les échanges.
Mais les militants associatifs spécialisés dans l'enfance soulignent que la détresse et la vulnérabilité de ces "orphelins du sida" ne sont pas suffisamment prises en compte dans la lutte contre la maladie.
"D'une certaines manières, ces orphelins sont aussi les orphelins de cette conférence", assène le docteur Joanne Carter, directrice juridique de RESULTS, une organisation internationale contre la faim et la pauvreté.
"Il est clair que ce que la pandémie laisse dans son sillage, ce sont ces enfants, l'avenir des sociétés, et qui sont pourtant largement délaissés par la communauté internationale", poursuit-elle.

RISQUES EN CASCADE
Cet aspect de la maladie est jugé "stupéfiant" par la démocrate californienne Barbara Lee, seule élue du Congrès des Etats-Unis présente en Thaïlande.
"Le monde ne peut pas regarder cela sans rien faire", s'indigne la parlementaire, à l'origine d'une proposition de loi d'aide aux orphelins et aux enfants vulnérables adoptée par la chambre des Représentants et en cours d'examen au Sénat.
En Asie, où l'épidémie frappe avec retard et où la prévalence du virus de l'immunodéficience humaine (proportion de la population infectée par le VIH à un moment donné, englobant cas nouveaux et cas anciens) reste encore relativement bas, le nombre d'orphelins a sensiblement diminué depuis 1990.
Mais si l'épidémie de VIH/sida s'accentue, ainsi que le redoutent les spécialistes, cette tendance sera renversée.
Caractéristique aggravante, le sida, plus que tout autre cause de mortalité, accroît les risques pour des enfants de perdre leurs deux parents. Avec les conséquences que cela comporte: marginalisation, charge de frères et sœurs plus jeunes, rejet par leurs familles dans des sociétés où le sida est considéré comme une infamie ou parce qu'elles ne peuvent simplement pas assumer cette nouvelle responsabilité financière.
Ces orphelins du sida éprouvent en outre des difficultés supplémentaires pour suivre un cursus scolaire et sont plus vulnérables à la violence et à l'exploitation.
Soumis également à de fortes probabilités d'être eux-mêmes infectés par le virus, ils posent comme tous les enfants infectés par le sida un problème thérapeutique particulier, comme le souligne Médecins sans frontières (MSF), puisque aucun traitement anti - rétroviral ne leur correspond.
"Ce ne sont pas simplement de petits adultes. Ils posent des questions spécifiques en termes de diagnostic et de traitement", a souligné David Wilson, de MSF, devant les 17.000 délégués réunis à Bangkok. Or, les traitements spécifiquement destinés aux enfants ne seraient pas une priorité des laboratoires pharmaceutiques, affirme Fernando Pascual, pharmacien collaborant à MSF. "Ils ne produiront pas de traitements pour les enfants en l'absence de pressions de la communauté internationale", dit-il.
"Nous ne disposons pas actuellement de traitements faciles à administrer (aux enfants)", pointe Sophie-Marie Scouflaire, responsable pharmacienne à MSF, sur le site internet de l'ONG. "C'est d'autant plus problématique que beaucoup sont orphelins et ne bénéficient plus de l'encadrement familial nécessaire pour assurer un suivi régulier de la prescription."
Le rapport de l'Unicef réclame un financement accru pour venir à leur aide.

Source: Afrique Durable