MEMORANDUM DES ONG DES DROITS DE L’HOMME DE LA R.D.C ADRESSE A Son Excellence Monsieur SERGIO VIEIRA DE MELLO, HAUT-COMMISSAIRE DE L'ONU AUX DROITS DE l'HOMME

MEMORANDUM DES ONG DES DROITS DE L’HOMME
DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ADRESSE
A Son Excellence Monsieur SERGIO VIEIRA DE MELLO,
HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME,En séjour à Kinshasa / RDC.

Excellence Monsieur le Haut Commissaire,

Avec l’expression de notre profonde considération,

Les ONG congolaises de promotion et de défense des droits de l’homme ;
Saisissant l’opportunité offerte par votre première visite officielle en République Démocratique du Congo ;
Considérant l’évolution des travaux du Dialogue Inter-congolais dont l’aboutissement heureux est attendu par toute la Communauté nationale ;
Prenant en considération la situation des droits de l’homme tant sur l’étendue du territoire sous contrôle gouvernemental que celui de différents mouvements armés ;
Ayant à l’esprit les résolutions de la 58ème Session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, en rapport avec la République Démocratique du Congo ;
Avons décidé d’approcher votre bienveillante personnalité, à travers le présent mémorandum, en vue de vous féliciter sincèrement de votre désignation à la tête du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies, et en même temps, vous transmettre un certain nombre de préoccupations majeures des populations congolaises en matière des droits de l’homme.
Le présent mémorandum sera axé sur trois points, à savoir :

* Etat des lieux des droits de l’homme en République Démocratique du Congo ;
* Mécanismes onusiens de promotion et de protection des droits de l’homme en République démocratique du Congo ;
* Conclusion et recommandations.

1. ETAT DES LIEUX DES DROITS DE L’HOMME EN R D C

Depuis 1996, la R D C est plongée dans une guerre d’agression et d’occupation, qui a occasionné des violations massives et flagrantes des droits de l’homme et du droit international humanitaire, ainsi que des crimes économiques, des crimes contre l’humanité et autres crimes imprescriptibles.

Cette situation a provoqué notamment :

• Plus de 3.500.000 morts, des déplacements massifs des populations ( plus ou moins 100.000 personnes) ;
• la déscolarisation de plus de 50 % d’enfants en âge scolaire ;
• l’exclusion définitive de 8 étudiants de l’université de Kinshasa, victimes du mouvement de revendications estudiantines de décembre 2001 ;
• des disettes saisonnières dans les zones en conflit ;
• la destruction de principales infrastructures publiques ;
• le muselage de l’expression, se traduisant entre autres par l’arrestation des journalistes ( 25 en 2001 et 24 en 2002 ) ;
• le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans : 207 pour mille en 1998 contre 163 pour mille en 1997 ;
• la violence faite aux femmes ( Viols, tortures, prostitution forcée, enrôlement forcé des jeunes filles dans les forces combattantes, mutilations, les femmes ayant vécues avec les militaires étrangers sont abandonnées après le retrait de leurs troupes, enlèvements des femmes par les troupes Tchadienne, Rwandaise, Ougandaise…) ;
• la marginalisation et l’anthropophagie perpétrées à l’encontre des populations Pygmées ;
• l’inquiétude et l’insécurité dues à des peines de mort prononcées par la Cour d’Ordre Militaire (30 personnes condamnées à la peine capitale, et d’autres, condamnées à d’autres peines) ;
• l’insécurité des défenseurs des droits humains ( Floribert CHEBEYA de la Voix des Sans Voix et Fernandez MURHOLA du COJESKI-RDC ) sont traqués par les Services Spéciaux, N’SII LUANDA du CODHO et Maître Willy WENGA de l’ACPD croupissent au pavillon 7 du CPRK, Me KAYEMBE de l’OCDH a été enlevé, battu et atrocement torturé par les éléments des services de sécurité du Gouvernement et est actuellement admis aux soins à l’étranger ;
• la condition carcérale inhumaine (cachots trop étroits, manque d’installations sanitaires, monnayage de la remise de la nourriture, restriction des visites, persistance des cachots ne dépendant pas des parquets malgré la mesure présidentielle portant leur fermeture,…) ;
• la non – effectivité de la démobilisation des enfants soldats ; …

Autant dire que les droits de l’homme n’ont jamais été si violés sur tous les fronts et connus un tel inadmissible recul dans l’histoire de notre pays.
Qu’en est-il alors des mécanismes onusiens de promotion et de protection des droits de l’homme en République démocratique du Congo ?

1. MECANISMES ONUSIENS DE PROMOTION ET DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

a) De la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme en RDC

Les ONG congolaises des droits de l’homme constatent avec regret l’empêchement de Mme JULIA MOTOC, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme en R D C, à exercer son mandat conformément aux résolutions de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. Ce qui est préjudiciable à notre pays, pour n’avoir pas effectué les visites de travail sur terrain. Ceci est à la base de la non présentation du rapport sur la R D C à la dernière Assemblée Générale des Nations Unies, aux récentes réunions du Conseil de Sécurité et à la prochaine session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies ( 59ème Session)

b) Du Bureau sur terrain du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme en République Démocratique du Congo

Depuis son ouverture à Kinshasa, le 10 décembre 1996, le HCDH travaille à améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, en assistant les ONGs en visitant les prisons et les centres de détention, en soutenant les institutions gouvernementales à Kinshasa. Mais, dans le reste des provinces, la situation des droits de l’homme demeure extrêmement préoccupante et précaire, d’où la nécessaire ouverture de 2 autres Sous-bureaux du HCDH à Mbandaka et à Kananga, pour renforcer les capacités opérationnelles du HCDH.

3. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Excellence Monsieur le Haut Commissaire,
Au regard de ce qui précède, les ONG congolaises des droits de l’homme de la R D C vous prient instamment de :

* Œuvrer positivement auprès des organes des Nations Unies en faveur de la mise en place d’un tribunal pénal international pour la R D C, qui se penchera diligemment sur tous les crimes imprescriptibles et autres perpétrés en R D C suite à la guerre de 1996 à nos jours ;

* Peser de tout votre poids, pour que le Président de la République, Joseph KABILA puisse gracier les condamnés à mort ou commuer leur peine en une autre, plus légère ;

* Mener une enquête par une commission indépendante sur les actes de cannibalisme qui auraient été commis à l’encontre des Pygmées ;

* Obtenir, auprès du gouvernement congolais et des mouvements armés, la cessation des menaces d’arrestation et de persécution contre les défenseurs des droits de l’homme (dont notamment Floribert CHEBEYA et Fernandez MURHOLA), la libération de N’SII Luanda et de Me Willy WENGA, détenus depuis plus de 7 mois sans jugement quelconque, et de réclamer qu’une enquête soit ouverte sur l’agression de Me Sébastien KAYEMBE, pour que les coupables soient punis ;

* Proposer à la 59è session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies de constater l’indisponibilité de Mme Julia MOTOC et de penser au préalable, chaque fois qu’il faut nommer une autre personne à ce poste, à sa disponibilité ;

* Renforcer les capacités opérationnelles du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en R D C, en ouvrant deux autres sous – bureaux en plus de celui de Goma, Sous - Bureaux animés par le personnel local parmi les compétences dont regorgent la société civile et le HCDH, en vue de faire face aux multiples préoccupations des droits de l’homme soulevés ci-haut, et à celles qui s’annoncent au lendemain de la matérialisation de l’Accord global et inclusif, en prélude à l’unification nationale ;

* S’impliquer pour la réhabilitation des étudiants dont question ci-haut dans leurs droits, surtout en ce qui concerne la levée de la mesure d’exclusion de l’Université qui les frappe, leur prise en charge psycho-médicale suite aux actes de torture subis, leur réinsertion sociale en rapport avec toutes les menaces et brimades dont ils sont l’objet par les services de sécurité.

Dans l’espoir que le présent mémorandum fera l’objet de votre grande préoccupation, Excellence Monsieur le Haut Commissaire, nous anticipons nos remerciements.

Fait à Kinshasa, le 13 Janvier 2003

POUR LES ONG CONGOLAISES DES DROITS DE L’HOMME

1. Fernandez MURHOLA MUHIGIRWA / Réseau National des ONG des Droits de l’Homme de la République Démocratique du Congo « RENADHOC »

2. Christian HEMEDI BAMOYO / Réseau des Organisations des Droits Humains et d’Education Civique d’inspiration Chrétienne « RODHECIC »

3. Peter NTUMBA / Réseau des Droits Humains au Congo « REDHUC »

4. Me Christian BULAMBO WANDILA / Collectif des Organisations des Jeunes Solidaires du Congo-Kinshasa « COJESKI-RDC »

5. Mme Marie MOSI MOTA / Réseau Action Femme « RAF »

6. Théodore KABANGA BITOKA / Coalition des ONGs des Droits de l’Enfant « CODE »

7. Joseph Godé KAYEMBE / Réseau National pour la Promotion des Droits de l’Enfant « RENAPRODEN »

8. Paul NSAPU / Comité Droits de l’Homme Maintenant « CDHM »