Lettre Ouverte du COJESKI-RDC au Président de la République Démocratique du Congo
COLLECTIF DES ORGANISATIONS DES JEUNES
SOLIDAIRES DU CONGO-KINSHASA
« COJESKI / RDC »
NGO in Special Consultative Status with the Economic and
Social Council of the United Nations ( ECOSOC)
Kinshasa, le 16 août 2005
N/ Réf : 692/ COJESKI/ ECN/ 05/ hl
Transmis copie pour information à :
- Son Excellence Monsieur KOFI ANAN
Secrétaire Général des Nations Unies à
New York.
- Me Frederic TITINGA PACERE
Expert Indépendant de l’ONU sur la situation des Droits de l’homme en Rép. Dém. du Congo à Genève/ Suisse.
- Madame HINA JILANI
Représentante Spéciale du Secrétaire Général de l’ONU sur la situation des Défenseurs des Droits de l’Homme à Genève/ Suisse.
- Monsieur Philip ALSTON
Rapporteur Spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires à Genève/ Suisse.
- Monsieur Leandro DESPOUY
Rapporteur Spécial de l’ONU sur l’indépendance des
Juges et des Avocats à Genève/ Suisse.
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A Son Excellence Monsieur Joseph KABILA
Président de la République Dém. du Congo à
Kinshasa – Palais de la Nation.
Concerne: Lettre ouverte au Président de la République pour saisine d’office du dossier relatif à l’assassinat le 31 juillet 2005 à Bukavu du Défenseur des Droits de
l’Homme : Monsieur Pascal KABUNGULU KIBEMBI, Secrétaire Exécutif de Héritiers de la Justice (ONG des droits de l’homme basée à Bukavu).
Excellence Monsieur le Président de la République,
Nous avons l’honneur de vous adresser la présente lettre ouverte dont l’objet repris en marge et vous prions de bien vouloir user de vos prérogatives constitutionnelles en votre double qualité de Magistrat Suprême et Commandant Suprême des Forces Armées de la République Démocratique du Congo et de la Police Nationale Congolaise pour que les auteurs et commanditaires de l’assassinat de notre Collègue Pascal KABUNGULU répondent de leurs ignominieux actes de brigandage et que pareil forfait ne puisse jamais se reproduire dans notre Pays.
Pour rappel, nous sommes un Réseau National de 340 Associations des Jeunes oeuvrant en République Démocratique du Congo depuis 1995 avec 11 bureaux dans toutes les provinces du pays. Nous jouissons de la personnalité juridique, du Statut d’observateur auprès de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples / Union Africaine et du Statut Consultatif Spécial auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC).
Excellence Monsieur le Président de la République, l’Assassinat d’un Défenseur des Droits de l’Homme par les hommes en uniformes militaires témoigne à suffisance que le maillot dur du Système National de promotion et de protection des droits de l’homme vient d’être affecté. Près d’une décennie durant, dans une impunité absolue, nous avons assisté impuissant à la perpétuation des crimes imprescriptibles, des crimes économiques et de toutes les formes possibles des violations massives, flagrantes, fréquentes et graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans notre pays. Cependant nous n’avons jamais vécu un assassinat ciblé dans la famille congolaise des Défenseurs des Droits de l’homme tel que celui du regretté Pascal KABUNGULU. De telles tragédies humaines ont non seulement contraint plus de 150 Défenseurs des droits de l’Homme de notre pays à partir en exil mais ont hélas contribué au noyautage systématique des attributs fondamentaux de la République et tout laisse croire à la décapitation, à la satellisation et à l’instrumentalisation de la Nation.
Aujourd’hui, plusieurs dizaines des Défenseurs de Droits de l’Homme de la RDC mènent une vie très difficile dans plusieurs pays étrangers faute d’une politique nationale de promotion et de protection des Défenseurs des Droits de l’Homme pourtant Acteurs de premier rang dans la mise en œuvre des instruments juridiques régionaux et internationaux des Droits de l’Homme ratifiés par la République Démocratique du Congo.
Pour ce qui est des faits de cet assassinat, il y a lieu de retenir ce qui suit :
1.Dans la nuit du Samedi 30 au Dimanche 31 Juillet 2005 vers 03 heures 30 du matin, Monsieur Pascal KABUNGULU KIBEMBI Secrétaire Exécutif de l’Association de Défense des Droits de l’Homme, « HERITIERS DE LA JUSTICE » est froidement abattu dans sa maison par un Commando d’au moins trois hommes armés de fusils et de baïonnettes qui à bout portant lui ont logé trois balles dans l’abdomen.
2. Le Jeudi 04 Août 2005 à 13 heures alors que l’Auditorat Militaire de Garnison de Bukavu venait une heure avant de mettre en Prison Centrale de Bukavu en détention préventive les présumés assassins de M. Pascal KABUNGULU, dont le Capitaine Gaston S2 105ième Brigade et du Lieutenant BASCO des Forces Armées de la RDC à Bukavu (Tous non autrement identifiés). L’insolite s’est aussitôt produit. En effet, celui-là même qui a en charge la sécurité de la ville de Bukavu, le Colonel Thierry ILUNGA, Commandant de la 105ième Brigade des Forces Armées Nationale de la RDC à Bukavu qu’accompagnait le Colonel RAMA non autrement identifié et le Major Jacques non autrement identifié, tous Officiers des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, ont fait irruption dans la Prison Centrale de Bukavu armes aux poings, imposant respect aux gardiens de la prison et obstruant la Justice, ont libéré de force les deux premiers suspects vers une destination inconnue. Cet acte a frappé de stupeur et a freiné net toutes les initiatives d’enquêtes diligentées par l’Auditorat Militaire de Bukavu.
3. D’après Héritiers de la Justice, l’on se souviendra également qu’en 2003, le Colonel Thierry ILUNGA, alors Commandant des forces rebelles du RDC-GOMA à Kamituga dans le Territoire de Mwenga au Sud-Kivu, avait menacé de mort le regretté Pascal KABUNGULU suite à des dénonciations faites par HERITIERS DE LA JUSTICE contre le pillage des ressources minières et autres biens appartenant à l’Ex Société Minières du Kivu (SOMINKI), mise en place par cet officier avec son compagnon Colonel RAMA. Au cours de cette Affaire, le Colonel Thierry ILUNGA avait en présence de l’Auditeur Supérieur Militaire de la Garnison de Bukavu, le Magistrat SHOMARI FUNDI, proféré des menaces de mort non voilées à l’encontre de feu Pascal KABUNGULU en ces termes : « …je vais te tuer avant d’être condamné ; sauras-tu supporter mon poids ! ». Ces propos avaient été tenus, le lundi 18 mai 2003 entre 11 h 45’ et 12 h 45’ dans les bureaux de l’Auditeur Militaire Supérieur. Notons que peu après ces menaces, Monsieur Pascal KABUNGULU avait de justesse échappé à deux attaques nocturnes d’hommes en uniformes et avait vécu momentanément en clandestinité.
4. Notons en outre que depuis le lundi 09 Août 2005 des menaces pèsent sur la famille de feu Pascal KABUNGULU avec des visites des hommes en uniformes et plusieurs rumeurs persistantes font étant d’une liste secrète d’acteurs de la Société Civile du Sud- Kivu à abattre par un escadron de la mort qui serait déjà opérationnel. Les mêmes sources indiquent que le cas de Pascal KABUNGULU ne serait que le premier.
5. Notons en fin que même les Avocats de la Défense impliqués dans ce dossier sont actuellement menacés par les hommes en uniforme.
Excellence Monsieur le Président de la République, au regard de tout ce qui précèdent et vue l’émergence de l’impunité due à l’existence à Bukavu des Officiers militaires dits « intouchables » et qui s’interfèrent dans l’administration de la justice ; Nous vous prions instamment :
a) De bien vouloir vous saisir d’office dudit dossier pour que les présumés auteurs déjà identifiés par l’Auditorat Militaire de Bukavu et les présumés commanditaires, répondent rapidement de leurs actes ;
b) De promulguer le plus rapidement qu’il vous sera possible une loi portant promotion et protection des Défenseurs des Droits de l’Homme en République Démocratique Congo comme mécanisme de mise en œuvre dans notre pays de la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme.
Par cette même occasion, nous prions instamment à tous les Experts indépendants des Nations Unies qui nous lisent en copie, chacun en ce qui le concerne et selon son mandat, de tout mettre en œuvre et d’user de tout leur pouvoir pour traduire en actes, dans le cas d’espèce, les attentes de la Commission Droits de l’Homme des Nations Unies.
Nous prions en fin son Excellence Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies qui nous lit également en copie, de bien vouloir user de tout son pouvoir pour l’adoption par les Nations Unies des mécanismes universels de mise en œuvre de la Déclaration de l’ONU sur les Défenseurs des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 09 décembre 1998.
Avec espoir d’une suite satisfaisante émanant de votre compétence, nous vous prions, d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments affligés.
Remerciements anticipés.
Pour le COJESKI – RDC,
Henry LUKULA / Secrétaire Général Fernandez MURHOLA / Coordonnateur National
Copie Conforme :
- Mission de l’Organisation des Nations Unies en R.D.Congo (MONUC) ;
- Missions Diplomatiques accréditées à Kinshasa (Toutes) ;
- Agences du Système des Nations Unies accrédités à Kinshasa (Toutes) ;
- ONGs Internationales des Droits de l’Homme ;
- Organisations de la Société Civile de la République Démocratique du Congo ;
- Mécanismes conventionnels et non conventionnels des Droits de l’Homme (Tous) ;
- Procureur Général de la République (à Kinshasa) ;
- Premier Président de la Cour Suprême de Justice (à Kinshasa) ;
- Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (à Banjul/ Gambie).
