Droits de l’homme en Rdc : bilan accablant de la «Vsv» pour l’année 2002

Des centaines de personnes arrêtées dont des journalistes et des hommes politiques

De nombreux cas de violation massive des droits de l’homme ont été répertoriés par l’organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme (Ongdh) dénommée «La Voix de sans voix pour les droits de l’homme (Vsv)» au cours de l’exercice 2002. Cette Ongdh a passé en revue tous les cas d’arrestation, d’emprisonnement, de tracasseries policières et de bavures administratives commis contre des citoyens, souvent sans motif valable et sans avoir été entendus.

Dès le 10 janvier 2002, la Vsv a déploré le cas de l’arrestation de M. Justin Nindaga Lwambibi, membre de la famille de Anselme Masasu Nindaga. Civil de son état, écrit la Vsv dans son rapport, Justin Nindaga a été fait « prévenu personnel du Procureur général près la Cour d’ordre militaire (Com) ». Auditionné à plusieurs reprises par les magistrats de la Com, son interrogatoire tournait autour de ses activités et de ses relations avec certaines personnalités civiles et militaires originaires de la province du Kivu. A la publication de son rapport le 17 décembre 2002, cette Ongdh précise que l’infortuné venait de totaliser 10 mois de détention au cachot de l’Inspection provinciale de la police de Kinshasa (Ipk), sans connaître le motif de son arrestation.

Toujours à la même date du 10 janvier 2002, M. Doudou Mudahama Bambe, lui aussi, membre de la famille Masasu, et civil de son état, est depuis cette date, précise la Vsv, « détenu personnel du Procureur de la Com ». Il est détenu au Cprk (Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa), ex-prison centrale de Makala, sans jugement.

Et le 19 avril 2002, M. N’Sii Luanda Shandwe, président de l’Ongdh « Codho », est détenu au P.8 du Cprk pour « atteinte à la sûreté d’Etat ». N’Sii Luanda, écrit la Vsv, a été arrêté pour avoir hébergé un indigent après sa libération. Il a été antérieurement poursuivi par la Cour de sûreté de l’Etat puis acquitté avant d’être repris par l’Anr (Agence nationale des renseignements) et transféré au Cprk en passant par le parquet près la Com. Bien avant N’Sii Luanda, Me Willy Wenga, avocat au barreau de Kinshasa et membre d’une Ongdh, Acpd, sera arrêté le 20 février 2002 et incarcéré au Cprk, P.8. Selon la Vsv, cet activiste de défense des droits de l’homme est «poursuivi dans l’affaire de l’assassinat du chef de l’Etat, feu Laurent-Désiré Kabila», mais il n’ a jamais comparu au procès. Il est « soupçonné d’avoir été en contact téléphonique avec le major Kamwanya Bora Uzima ». Mais, pour la Vsv, « le parquet près la Com n’a jamais prouvé ce fait ».

Le 9 février 2002, M. José Déogratias Symba Mwanangongo, Congolais résident aux Etats-Unis, est arrêté pour « atteinte à la sûreté d’Etat ». Il écume l’air frais du Cprk au P.8. Selon la Vsv, Déogratias Symba, de retour au pays, il sera « soupçonné d’être venu déstabiliser le régime du chef de l’Etat, le général-major Joseph Kabila». Il est ancien compagnon de lutte du chef de l’Etat, feu Laurent-Désiré Kabila. Mais il est aussi «soupçonné d’avoir des accointances avec les miliciens hutu installés dans la province de Katanga lors de son séjour en Rdc». M. Kitenge Barwani Franck, par contre, étudiant de son état, est lui «soupconné d’espionnage et agent de renseignements au bénéfice du Rcd/Goma et du Rwanda». Il est détenu au P.6 du Cprk « sans jugement».

L’apôtre Mulegwa Kajanju Christophe de l’Eglise de Jésus-Christ et de vérité (Bima) est aussi aux arrêts depuis le 23 février 2002 et incarcéré au Cprk, P.6. A en croire le rapport de la Vsv, il serait poursuivi dans « l’affaire de l’assassinat du chef de l’Etat, feu Laurent-Désiré Kabila », mais « il n’ a jamais comparu au procès ». Auparavant, soit le 2 janvier 2002, le docteur Kubunga Mutombo Armand, civil de son état, et agent à la IIIème direction du ministère de la Santé publique, est arrêté et jeté au P.7 du Cprk pour « atteinte à la sûreté d’Etat ». Il serait poursuivi, selon la Vsv, pour avoir essuyé dans la salle de réanimation de la clinique Ngaliema les taches de sang et gardé dans un carton la tenture linceul ayant couvert le corps du chef de l’Etat, Laurent-Désiré Kabila pour éviter les regards des curieux à la clinique Ngaliema ».

Des cadres de l’Abako aussi aux arrêts

Dans la foulée des arrestations opérées en 2002, la Vsv répertorie aussi le cas des cadres de l’Abako, parti politique regroupant essentiellement les ressortissants de la province du Bas-Congo, arrêtés dans la nuit du 18 au 19 juin 2002 et jetés au P.7 du Cprk pour « avoir co-signé une correspondance adressée au chef de l’Etat, le général-major Joseph Kabila, dans laquelle l’Abako demande au gouvernement congolais de libérer l’Etat du Kongo central ».

M. Victor Amuli Sebuhome, quant à lui, a été arrêté en juin 2002 pour « espionnage ». En séjour à Kinshasa pour le deuil qui a frappé sa fille, il sera soupçonné «d’être envoyé par le Rcd/Goma pour espionner le régime de Kinshasa». Il a été remis en liberté vers fin juillet 2002. Il en est de même pour Augustin Kikukama qui est en liberté. Secrétaire général du M17, il a été arrêté pour « activité politique ». Il bénéficie d’une mise en liberté par la Cour de sûreté d’Etat, le 23 juillet 2002 avant d’être recherché encore par l’Anr pour une nouvelle arrestation.

Par contre, Martin Kavundja, préfet de l’Institut Saint Martin de Lemba, va être incarcéré pour « l’affaire Masasu ». Selon la Vsv, « un bulletin d’information ainsi que deux notes de M. Justin Nindaga trouvées dans son bureau lors d’une perquisition par le parquet près la Com sont à la base de son arrestation». Le commandant Tovu Mazande Garry, quant à lui, est arrêté depuis le 18 juillet 2002 pour « atteinte à la sûreté d’Etat». Etant originaire de la province de l’Equateur (ethnie Ngbandi), explique la Vsv, il serait victime « d’un règlement des comptes de la part de certains responsables du Cprk, originaires du Katanga, qui le soupçonnent d’être de connivence avec des militaires ex-Faz, Dsp qui auraient fui vers Brazzaville, République du Congo, lors de la prise du pouvoir par l’Afdl, le 17 mai 1997 ».

A Lubumbashi, signale la Vsv, le journaliste Dieudonné Karl Nawezi de la Rtnc/Katanga, a été arrêté par l’Anr/Direction provinciale pour «atteinte à la sûreté d’Etat». Il serait soupçonné « d’avoir fait la publicité de l’homme d’affaires Katebe Katoto Raphaël, président de la Dynamique pour une transition neutre (Dptn) pour avoir réalisé un reportage radio-télévisé en Afrique du Sud d’un match de football opposant le T.P Mazembe contre une équipe sud-africaine au cours duquel les supporters de T.P Mazembe arboraient des T-shirt portant l’effigie de M. Raphaël Katebe Katoto ».

Pour leur part , MM. Dominique Weleme Konzo, civil de son état, et le bâtonnier Mpinga Tshibasu, avocat au barreau de Mbuji-Mayi, province du Kasai-Oriental, ont été respectivement arrêtés le 15 mai 2002 et le 3 juillet 2002, le premier étant poursuivi «dans une affaire de contrefaçon des devises étrangères qui a mal tourné» et pour «atteinte à la sûreté de l’Etat». Weleme, précise la Vsv, va succomber le 24 juin 2002 des suites de la torture subie après sa détention au camp militaire Kokolo et à la Demiap. Le bâtonnier Mpinga, lui, est poursuivi pour « avoir voulu tenir un point de presse ayant pour thème : « Utilisation abusive de l’appareil et des biens de l’Etat ; cas du Pprd ». Mais depuis le 21 septembre 2002, il est en liberté provisoire.

La Vsv a, par ailleurs, exigé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances du décès du lieutenant Patrick Kilayi Mongalo, arrêté en janvier 2002 et incarcéré au P.1 du Cprk. Il était poursuivi « dans l’assassinat du chef de l’Etat, feu Laurent-Désiré Kabila ». Il est mort à l’ex-Hôpital général dans la nuit du 2 au 3 septembre 2002.

De son côté, M. Edouard Kayimbo Sasula, chef de division provinciale des Sports et Loisirs du Katanga bénéficie d’une mise en liberté provisoire. Convoqué à Kinshasa, il sera arrêté par l’Anr le 18 mai 2002. Le 7 juillet 2002, par contre, le commandant César Mukuta Makumu, est arrêté et incarcéré au P. 7, cellule 5B/1 du Cprk. Selon la Vsv, il serait «victime d’un règlement des comptes pour avoir voulu trahir le Procureur général près la Com en dénonçant les secrets personnels de ce dernier à travers une note destinée aux autorités congolaises qui aurait été interceptée par le directeur du Cprk».

Des journalistes ont aussi été arrêtés

Au cours de l’année 2002, la Vsv a relevé l’arrestation des journalistes Delly Bosange Ikela et Raymond Kabala de «L’Alerte Plus» ainsi que Achille Ekele N’Golyma du satirique Pot Pourri, respectivement les 22, 19 et 31 juillet 2002. Si ce dernier est en liberté depuis le 14 août 2002, les deux premiers sont toujours en prison. Ils sont poursuivis pour la publication d’un article intitulé : «Révélations accablantes sur la maladie de Mwenze Kongolo» paru dans l’édition n0 261 du 11 juillet 2002.

Le prisonnier Désiré Shungu Lyadunga, arrêté le 24 juillet 2002, va décéder le 26 juillet 2002 à la «suite d’une commotion cérébrale due aux coups et blessures reçus aux services spéciaux de la police. Selon la Vsv, le regretté était impliqué dans une affaire de vente d’un colis de diamant litigieux lui remis par un ami, M. Raph Ngoyi.

M. Fabrice Makabe Somi, quant à lui, est arrêté le 31 août 2002 et incarcéré au P.4 du Cprk. D’après la Vsv, il serait poursuivi « suite à un différend parcellaire qui oppose sa famille à une voisine. Cette dernière use de ses relations au parquet près la Com pour martyriser les membres de la famille de M. Fabrice Makabe Somi ».

La liste des arrestations perpétrées au cours de l’année 2002 n’est pas exhaustive. Il serait fastidieux de les énumérer toutes. Ce qu’il faut retenir c’est que l’impunité n’est pas encore éradiquée en Rdc, et les violations des droits de l’homme se poursuivent. Puisse la Rdc restaurer la démocratie et rentrer dans un Etat de droit pour que tout citoyen s’exprime librement et vaque à ses occupations.

Desk/Politique Le Potentiel
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Edition n°2735 du mercredi 29 janvier 2002