Massacre à Kaniola

Me Idesbald BYABUZE Katabaruka Bukavu, le 21.10.2005
Chef de Travaux / Faculté de Droit
Université Catholique de Bukavu
B.P. 285 Bukavu / R.D.C
Tél. ( 00243 ) 997724258
E-mail :

Lettre ouverte aux autorités de la Transition en RDCongo

Objet : Nouveau massacre à Kaniola, Territoire de Walungu
Province du Sud-Kivu

N/réf. : Idé.Doc.35.B.K

Mesdames et Messieurs,

Le 09.10.2005, la mort de l’homme de Dieu, Mgr Charles MBOGHA Kambale a marqué pour toujours le mois d’octobre du sceau de l’espérance du salut pour les millions d’hommes et de femmes qui n’ont que trop souffert au Sud-Kivu.

Disparu le même mois comme ses deux illustres prédécesseurs, l’Archevêque a, par son engagement prophétique et son courage personnel, soutenu l’espoir et le rêve d’un jour meilleur pour la population d’une province plus qu’assoiffée de paix.

Mais si Monseigneur s’en est retourné dans la joie du Père, la longue souffrance de plusieurs années ayant eu enfin raison de son corps fortement éprouvé par la maladie, ses nombreux enfants et frères de Kaniola, morts dans la nuit du 09 au 10.10.05 ont bu une coupe trop amère :

Surpris dans la nuit ou en plein sommeil, nos frères et sœurs ont subi de la main des déjà très tristement célèbres Rwandais de nos forêts, la barbarie au-delà de toute imagination.

Après les choquantes images des pieds amputés et des gorges tranchées en mai à Ninja, des cases incendiées avec leurs occupants à Kalonge, voici que le nouveau film de l’horreur a pour nom le massacre de nouveaux innocents à Kaniola ainsi que le montrent ces autres images terrifiantes : cou ouvert à la hache, crâne trépané à la machette, oreilles sondées au poinçon, yeux crevés au poignard, thorax brisé au pilon, têtes broyées à l’aide de grosses pierres de foyer, corps livrés sadiquement au feu…

Devant ces scènes d’atrocités répétées sur des Congolais, il est étonnant que seules les autorités de la Transition soient incapables de s’émouvoir pour agir.
Sous d’autres cieux, des chefs d’Etat, des ministres et d’autres hautes personnalités abandonnent le confort de leurs fonctions, écourtent des vacances pourtant méritées pour se rendre sur les lieux des catastrophes lorsqu’ils ne démissionnent pas par honneur, honteux du devoir non ou mal accompli.

Plus que jamais, les populations de l’ancien grand Kivu en général et du Sud en particulier ont l’assurance d’être considérées par vous comme des Congolais de seconde zone, vendus et délaissés en cela au bon vouloir des maîtres étrangers forts d’un droit de vie et de mort sur eux.

Afin que tous les Congolais n’en ignorent, nous prenons la liberté et le risque de révéler :

- Qu’au mois de juin, à Kaniola, à l’occasion d’une de nos nombreuses visites de réconfort à nos frères en souffrance, devant témoins, un colonel des FARDC, interrogé par nous sur la passivité de nos troupes alors que des militaires et de paisibles villageois étaient enlevés vers la forêt ou tués sauvagement, répondit qu’ils avaient reçu l’ordre des autorités de Kinshasa de ne jamais s’attaquer à ces bandits rwandais !

- Que pour appuyer ces dires, une certaine opinion au sommet de l’Etat dit son malaise
à devoir se retourner contre des alliés !

Et de nous poser une foule de questions sur ces alliances qui n’ont de fin que des massacres à répétition de votre propre peuple.
Ainsi, d’aucuns ont fini par comprendre que les bourreaux les plus redoutables du peuple congolais sont parmi ses dirigeants, au sommet de l’Etat.

Abandonnée à son triste sort, avec l’énergie du désespoir, notre population continue à compter ses morts quotidiens et regarde courageusement ces images desquelles lui viendra la force selon qu’il est écrit que le sang versé des martyrs en fait germer d’autres.

Avec ceux de nos frères présents à Kinshasa pour faire entendre nos cris de profonde détresse, nous souhaitons qu’une fois pour toutes, des solutions définitives soient trouvées à ce casse-tête rwandais pour que nos frères et sœurs vivent dans la dignité d’hommes libres dans leur pays.

Dans l’espoir que cette lettre ne manquera pas de retenir votre attention, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs, à nos sentiments patriotiques.

Pour notre pauvre population victime,

Me Idesbald BYABUZE Katabaruka

Chef de Travaux