Inquiétudes face au processus de la Cour Pénale internationale pour la RDC

La Coalition nationale pour la Cour pénale internationale exprime les inquiétudes des victimes et de la population sur le processus de la Cour pénale internationale de la République Démocratique du Congo à l’occasion de l’ouverture de la 4ème session de l’Assemblée des Etats ( La Haye , 30 novembre 2005).
1. A l’occasion de la tenue, du 28 novembre au 3 décembre 2005 à la Haye/Pays-Bas, de la 4ème session de l’Assemblée des Etats parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la Coalition nationale pour la Cour pénale internationale de la République Démocratique du Congo (ci-après CN-CPI/RDC) tient à exprimer sa vive préoccupation au sujet de l’évolution des enquêtes de la Cour pénale internationale(ci-après CPI) dans ce pays et des répercussions négatives qu’elles risquent d’entraîner sur la marche du processus de paix en cours d’une part et la crédibilité de la CPI d’autre part.
2. En effet, l’annonce, il y a près d’un an, de l’ouverture des enquêtes de la CPI en République Démocratique du Congo a soulevé un immense espoir dans le chef de nombreuses victimes des crimes internationaux perpétrés dans ce pays ainsi que des militants contre l’impunité en général et des membres de la CN-CPI en particulier. Elle a également constitué un message clair à l’intention des auteurs présumés de ces crimes comme elle a dissuadé la répétition des mêmes crimes, ce qui a contribué à la consolidation du processus de paix déclenché par les accords de Pretoria.
3. L’accélération desdites enquêtes auraient assurément permis de capitaliser ces différents acquis, d’autant que la CPI a conclu avec le Gouvernement des accords provisoires devant lui faciliter le travail sur le territoire congolais. La CN-CPI constate malheureusement que tel n’est pas le cas.
4. Bien au contraire, à cause des lenteurs observées dans l’évolution des enquêtes précitées, dans le cœur des victimes, l’espoir s’amenuise comme une peau de chagrin pour laisser la place à la déception. En ce qui les concerne, les auteurs des crimes internationaux ne ménagent aucun effort pour organiser leur impunité et pire encore pour continuer à perturber la marche du processus de paix.
5. La CN-CPI en veut pour preuve notamment les réunions organisées à Kampala en Ouganda par les chefs des milices de l’ITURI en l’occurrence le colonel Bwabale Kakolele, chef de la force armée du RCD/ML, le colonel Mathieu Ngonjolo, commandant de la milice Lendu front des nationalistes intégrationnistes (FNI), Dieudonné Mbuna, ministre de l’Union des patriotes congolais( UPC), Gido Manyiroha du parti de l’unité pour l’intégrité du Congo (PUSIC) et Sambi du front des nationalistes intégrationnistes (FNI) dans l’intention de provoquer d’autres conflits avec leur cortège d’exactions au préjudice de la population civile.
6. Ce comportement est sans nul doute encouragé par l’incapacité manifeste du Gouvernement à réprimer les crimes internationaux perpétrés au pays comme l’illustre son incapacité à appréhender le Général Nkunda et le colonel Jules Mutebutsi, en dépit du mandat d’arrêt international décerné à leur charge en rapport avec la prise de la ville de Bukavu au mois de Juin 2005 et les crimes internationaux qui l’ont accompagné et à traduire en justice d’autres auteurs présumés de crimes internationaux tels que Thomas Lubanga de l’union des patriotes du Congo ( UPC) en détention préventive depuis de longs mois.
7. Quant aux rares auteurs des crimes internationaux déférés devant la justice, ils ont été condamnés à des peines dérisoires pour des crimes de droit commun. Le cas le plus éloquent à cet égard est celui du chef Kahwa de son vrai nom Kahwa Mandro, chef du groupe armé parti de l’unité pour l’intégrité du Congo (PUSIC) condamné le 14 octobre 2005 à cinq ans de prison par le tribunal de grande instance de Bunia pour arrestation arbitraire au préjudice de Ntumba Luaba, ancien ministre des droits humains et acquitté du chef de concussion .
8. Il ( ce comportement) est aussi encouragé par la pratique du même Gouvernement qui consiste à accorder une « prime à l’impunité » à travers les promotions dans l’armée des seigneurs de guerre soupçonnés d’être impliqués dans la commission des crimes relevant du statut de la CPI. A ce jour cette pratique a déjà profité notamment à Jérôme Kakwavu, Président des forces armées du peuple congolais (FAPC), Floribert Kisembo Bahemuka, responsable de l’Union des patriotes- aile Kisembo, Germains Katanga, chef des patriotes de résistance de l’Ituri (FRPI), Bosco Taganda de l’union des patriotes congolais (UPC-Aile Thomas Lubanga), Rafiki Saba Aimable de l’UPC et Salumu Mulenda, commandant en chef des forces armées du peuple congolais (FAPC). Il est à craindre qu’elle profite à l’avenir à Tshindja Tshindja l’ « égorgeur » et à « Bakanda Bakoka » l’intraitable du Nord Katanga, lesquels se sont permis de menacer de regagner le maquis si tel n’était pas le cas .
9. Le CN-CPI/RDC ne peut passer sous silence le fait que le projet de Constitution de la troisième République adopté par l’Assemblée nationale en date du 16 Mai 2005 et qui devrait être soumis au référendum le 27 Novembre prochain prévoie des immunités de juridiction au profit des membres de Gouvernement notamment le Président de la République et le Premier ministre tels que si jamais les auteurs présumés des crimes internationaux venaient à gagner les élections et assumer les fonctions susvisées, les poursuites à leur charge en seront hypothéquées encore que l’adoption de la loi de mise en œuvre du statut de Rome dont le projet a été adopté par le Gouvernement le 9 Septembre 2005 et transmis au Parlement pour vote de la loi le 1er Octobre 2005 se fait toujours attendre.
10. Eu égard à tout ce qui précède, la CN-CPI/RDC recommande :
A.) Au procureur de la Cour pénale internationale de :
- Accélérer le rythme de ses enquêtes en République Démocratique du Congo ;
- Suivre les procès relatifs aux crimes internationaux organisés en République Démocratique du Congo de manière, le cas échéant, à exercer sa complémentarité ;
- Privilégier les poursuites à charge des personnes ayant assumé les plus hautes responsabilités dans la commission des crimes internationaux surtout les bénéficiaires des immunités de poursuites au regard du droit congolais de manière à éviter à la CPI le discrédit d’être qualifiée de justice à double vitesse ou justice de faibles ;
- renforcer sa coopération avec la CN-CPI/RDC notamment en ce qui concerne la sensibilisation des victimes et la gestion de leurs attentes ;
- de surveiller l’exécution de la loi d’amnistie pour faits de guerre de manière à éviter que ceux qui portent la plus haute responsabilité dans la commission des crimes internationaux n’échappent aux poursuites judiciaires ;
- ouvrir la 2eme situation par les enquêtes sur les crimes commis par le Général Nkunda Batware, le Colonel Jules Mutebutsi et consorts lors des événements de Bukavu, Kanyabayonga et de Minova ;
- améliorer sa politique de communication en République Démocratique du Congo ;
B. A l’Assemblée des Etats parties de :
- adopter une résolution tendant à encourager le Procureur à accélérer les enquêtes en République Démocratique du Congo ;
- doter le Procureur des moyens financiers et humains nécessaires à l’accélération des enquêtes en République Démocratique du Congo ;
C. Aux autorités congolaises de :
- finaliser le plus rapidement possible le vote et la promulgation de la loi de mise en œuvre du statut de Rome au même moment que le vote de la loi d’amnistie ( qui doit être restrictive de manière a exclure les crimes de la compétence de la CPI) ;
- adhérer à l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI ;
- exercer les fonctions reconnues à tout Etat de poursuivre en justice les auteurs des crimes graves commis sur leur territoire national quelle qu’en soit la qualité des personnes impliquées.

Fait à La Haye le 30 Novembre 2005
Pour la Coalition Nationale pour la Cour pénale internationale/RDC,
Christian Hemedi, Coordonnateur national
Paul Nsapu, Ligue des Electeurs
Dismas Kitenge, Groupe Lotus
Buckeni Waluzi, Association des Jeunes pour le Développement de Kalundu/Uvira
Désire Lwamba, Expert finances et budget/CN- CPI
Jules Kisula Nsenga, Association pour la Renaissance des droits humains au Congo