L’ex-vice gouverneur Didace Kaningini et le commandant de la 5ème brigade, le Colonel Thierry Ilunga, inculpés pour assassinat et association des malfaiteurs

Le lundi, le 12/12/2005, le procès Pascal Kabungulu a eu lieu comme d’habitude et ont été entendus comme témoins, le Colonel Thierry Ilunga Kabambi, mr. Didace Kaningini, les caporaux Hemedi et Ndagano Désiré, et à titre des renseignants, l’ex Bourgmestre de la commune d’Ibanda Mr Jonas Mutiki Lutala, le gérant de l’hôtel Touriste et le T2 de la 10è région militaire, le Major Amaniho. Après l’inculpation de Didace et Thierry pour assassinat et association des malfaiteurs, ce dernier s’est rué sur les militaires postés sur les lieux afin de s’emparer de leurs armes. Dans quelle intention ? Pour commettre un nouveau crime, sans doute.

Tout est parti des questions posées par le Président du tribunal au colonel Thierry Ilunga sur l’identité et la mission des personnes en provenance de Goma au Nord-Kivu qu’il avait reçues et logées à l’Hôtel Touriste en date du 30/07/2005. Reconnaissant avoir accueilli plutôt le 28/07/2005 Maître Nene Kibira et Mr Mabuza, l’officier Thierry a dit que ses hôtes étaient venus dans le but de négocier l’achat de sa parcelle située à Goma. Le marché a été conclu à 17.500$ le lendemain ; le même jour son épouse est partie récupérer la première tranche du montant convenu, soit 10.000$ transférés par la maison SOFICOM. Ses visiteurs ne rentreront à Goma que le 30 juillet 2005.

Mais d’après la partie civile qui connaît suffisamment Me Kibira, celui-ci était venu à Bukavu, en compagnie de son épouse, le samedi 30/07/2005 pour assister au mariage de monsieur Kasongo, neveu de Payipayi

De leurs côtés, le gérant de l’hôtel précité et le T2 adjoint de la 10ème région militaire, le Major Amaniho, ont confirmé que le Colonel Thierry n’a retiré, des mains de ce dernier, la clé de la chambre réservée à la 10ème région que le samedi 30/07/2005 entre 10 et 11h00. Cela a amené la partie civile et le ministère public à dire que le colonel avait reçu d’autres visiteurs pour qui il a demandé la clé le samedi, surtout que cette chambre ne loge que des hôtes militaires alors que Me Nene et Mr Mabuza sont des civils. Autrement dit, si le Colonel n’avait obtenu la clé de la chambre de l’Hôtel Touriste que le 30 juillet, jour de départ de ceux-là qu’il prétend y avoir logés, qui ont donc séjourné dans ladite chambre du 30 au 31/07/2005 pour son compte ? Cette question a été posée à la fois par l’auditorat et par la partie civile. Aussi, le ministère public avait-il montré des photos de ladite parcelle prétendument vendue. Selon le ministère public, ce terrain vide couvert complètement des laves volcaniques lors de la dernière éruption du Nyiragongo ne peut pas coûter vraisemblablement au-delà de 5.000$.

La troisième série des questions posées à l’officier militaire Thierry Ilunga a consisté à savoir le mobile de l’incarcération des caporaux Désiré Ndagano et Hemedi. Le Colonel a accepté qu’il les connaissait et que tous deux étaient des voleurs à main armée qui avaient même opéré à Muhungu chez Mme Feza Buhendwa.

A Hemedi comme à son codétenu Ndagano, le juge président a demandé si ce que le colonel Thierry Ilunga a dit était vrai. L’un et l’autre ont plutôt soutenu que leur arrestation et détention sont le résultat de leur refus d’aider le colonel Thierry à monter une machination qui consisterait à lui trouver des voleurs à main armée à qui on imputerait par la suite sur qui on porterait l’assassinat de Pascal Kabungulu. Les deux caporaux ont en plus dit que l’officier leur a meublé ses propos avec une offre de 2.000$ constitués de 18 billets de 100$US et 4 de 50$US contenus dans une enveloppe de couleur kaki.

Par contre Thierry a nié ces propos et a demandé au tribunal de le croire parce que ces deux hommes ont été accusés par la dame victime de vol citée ci-haut.

Pour le ministère public, la demande d’un service aux caporaux Hemedi et Ndagano par le colonel Thierry était une façon de brouiller la piste permettant de trouver les assassins de Pascal Kabungulu.

Au moment où l’officier militaire était parti se soulager, le tribunal a invité un médecin militaire à prêter serment comme interprète des résultats médicaux sur l’état de santé de Mr Jean-Marie Katula établi par un médecin d’Etat de l’Hôpital général de référence de Bukavu sur demande de l’organe de la loi. Cet examen médical visait notamment à prouver la séropositivité prétendue par le prévenu Katula et son témoin, le vice-gouverneur Didace Kaningini . Il s’est révélé que Mr Jean-Marie Katula aurait subi une opération d’appendicite en août 2004, mais les résultats interprétés par le médecin n’ont fait état d’aucune infection grave. En plus, le médecin consultant n’avait trouvé aucune raison qui pouvait le pousser à procéder à un test du VIH/SIDA.

L’ex-bourgmestre de la Commune d’Ibanda, monsieur Jonas Mutiki Lutala, a, quant à lui, été convié à donner un éclaircissement sur l’argent qu’il avait remis à Mr. Jean-Marie Katula et dans quelles circonstances ce dernier est connu de lui. Mutiki a déclaré qu’il était à son bureau de travail, lorsqu’il a reçu un coup de téléphone du Vice-gouverneur et gouverneur ad intérim d’alors, Mr Didace Kaningini. Celui-ci lui annonce qu’il lui envoyait une personne qui lui donnera des informations utiles. C’est comme ça que j’ai reçu Mr Katula qui aussitôt me dira qu’il est en train de filer certaines personnes civiles et militaires à la base de l’assassinat de Pascal Kabungulu. En ma qualité de membre de la commission d’enquête mise en place par le conseil de sécurité de la province, je l’ai donc reçu, a dit l’ex bourgmestre Mutiki, lui-même actuellement en détention pour un autre dossier de meurtre. Il m’avait demandé des moyens pour lui faciliter son travail mais ce jour-là, je ne lui avais rien donné excepté une carte d’appel de 3$US. Ce n’est que le lendemain que je lui avais remis « une brique » de billets de 50 FC, ce qui pouvait équivaloir à 48 ou 49 $US ce temps-là, a précisé Mr Mutiki Lutala.

Revenant sur Mr Didace Kaningini, le ministère public lui a demandé à quelle heure était-il allé à l’hôpital voir la dépouille mortelle de Pascal Kabungulu, il répondit à 4h30 et comme premier acte posé, il entra dans la salle où on lui montra le corps de Pascal Kabungulu et finalement, avec la famille du défunt, ils s’étaient décidés de le ramener à la maison où Didace Kaningini n’est plus resté au-delà de 30 minutes. Il a expliqué son empressement par le fait qu’il est issu de la société civile et au niveau personnel, feu Pascal Kabungulu lui était très proche. Et d’ailleurs, tout le temps passé au pouvoir provincial, j’ai été un gouverneur exceptionnel descendant toujours trop bas pour rester proche des administrés.

Enfin, de toutes ces dépositions pleines de contradictions, le ministère public a émis l’avis que Mr Didace doit, avec l’aide de Katula et consorts, avoir voulu fabriquer de toute pièce les assassins de Pascal Kabungulu en vue de cacher les vrais auteurs. Il a demandé au tribunal de le mettre sous prévention d’assassinat et association des malfaiteurs, ce qui sera accepté par la cour.

Le ministère public est alors revenu sur le cas du Colonel Thierry Ilunga Kabambi. La cour a voulu comprendre les raisons qui ont soutenu la descente à la prison centrale de cet officier pour forcer la libération du Capitaine Gaston Sangba et du Lieutenant Basco Labama en détention sur ordre de l’Auditorat supérieur. Le Colonel Thierry Ilunga s’est défendu comme quoi il avait la procédure de l’arrestation et détention de ces militaires appartenant à l’unité sous son commandement était entachée d’un vice de forme. Pour lui, toute arrestation d’un militaire ne peut se faire qu’après avoir préalablement informé son commandant. Les deux articles du code pénal militaire brandis par Thierry furent lus par un membre du ministère public, et dans leur interprétation l’officier judiciaire montra que la loi ne prévoit aucunement pas une information préalable du chef de l’unité du militaire incriminé.

Quant à savoir pourquoi a-t-il menacé le greffier de la Prison centrale, le Colonel Thierry Ilunga a déclaré ne l’avoir pas fait.

Selon le Ministère Public, le Colonel Thierry Ilunga a logé le 30/07/2005 des personnes inconnues à l’hôtel Touriste, a cherché à faire évader de la Prison centrale les prévenus Capitaine Gaston Sangba et le Lieutenant Basco Labama et a demandé aux caporaux Hemedi et Désiré Ndagano un service consistant à créer des faux assassins de Pascal. Ces éléments sont suffisants pour montrer que le Colonel Thierry mérite d’être placé sous prévention d’assassinat et association des malfaiteurs. Par conséquent il doit aussi être mis à la disposition du Tribunal, ce qui sera accepté par le Tribunal militaire de garnison.

A la surprise de tous, le Colonel Thierry Ilunga qui a nié la décision du Tribunal a cherché à fuir. Dans sa fuite, il chercha à s’accaparer, en vain, à deux reprises d’armes de guerre que détenait deux des militaires détachés pour la sécurité du procès. C’est dans cette dispute pour l’arme que d’autres militaires parvinrent à maîtriser ledit officier inculpé. Ainsi, le 11ème jour du procès se termina dans une débandade et une psychose de la réaction éventuelles des hommes aux ordres de Thierry.

Après accalmie, l’audience a été levée par le Juge Président pour être alors fixé au mercredi 14/12/2005 toujours à 9 heures. Et les deux nouveaux prévenus furent conduits à la Prison centrale.

A suivre …

Bukavu, le 12/12/2005.

Héritiers de la Justice.


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