Résumé de l'Arrêt de la Cour Internationale de Justice du 19.12.2005 contre l'Ouganda et en faveur de la Rép. Dém. du Congo

Kinshasa, le 24 -décembre- 2005

Le COJESKI-RDC encourage beaucoup la Cour Internationale de Justice qui à travers cet arrêt s’implique activement dans la lutte contre le mercenariat Etatique, l’impunité, la criminalité transfrontalière et la banalisation du Droit international dans la région africaine des grands lacs et exhorte instamment la Cour Internationale de Justice à faire un arrêt similaire en rapport avec les activités militaires de la République du Rwanda sur le sol de la République Démocratique du Congo. Que les audiences y relatif débutées depuis le 08 juillet 2005 au Palais de la Paix à la Haye, siège de la Cour, en rapport avec la deuxième requête de la RDCongo contre le Rwanda, aboutissent rapidement à un arrêt non seulement sur les questions de compétence de la Cour et de la recevabilité de la requête, mais aussi et surtout sur le fond de la requête. Ci-dessous le résumé de l'Arrêt dont question. L’arrêt du 19 décembre 2005 contre l’Ouganda et en faveur de la RDCongo dans sa globalité (Un document de 104 pages en pdf) est disponible sur demande aux adresses
e-mails suivantes : cojeski.rdc@societecivile.cd,
cojeski_rdcongo@yahoo.com, cojeski.rdc@ic.cd

Pour le COJESKI-RDC,

Fernandez MURHOLA
Coordonnateur National

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Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda)
Résumé de l’arrêt du 19 décembre 2005 Historique de la procédure et conclusions des Parties (par. 1-25)

La Cour commence par résumer les différentes étapes de la procédure.

Le 23 juin 1999, la République démocratique du Congo (dénommée ci-après «la RDC») a déposé une requête introductive d’instance contre la République de l’Ouganda (dénommée ci-après «l’Ouganda») au sujet d’un différend relatif à «des actes d’agression armée perpétrés par l’Ouganda sur le territoire de la République démocratique du Congo en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine» (les italiques sont dans l’original).

La requête invoquait, pour fonder la compétence de la Cour, les déclarations par lesquelles les deux Etats avaient accepté la juridiction obligatoire de celle-ci au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour.

Par ordonnance du 21 octobre 1999, la Cour a fixé les dates d’expiration des délais pour le dépôt du mémoire de la RDC et du contre-mémoire de l’Ouganda. La RDC a déposé son mémoire dans le délai prescrit. Le 19 juin 2000, la RDC a présenté à la Cour une demande en indication de mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut. Par ordonnance du 1er juillet 2000, la Cour, après avoir entendu les Parties, a indiqué certaines mesures conservatoires. Par la suite, l’Ouganda a déposé son contre-mémoire dans le délai fixé. Cette pièce comprenait des demandes reconventionnelles.

La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties, chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère l’article 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en l’affaire. La RDC a désigné M. Joe Verhoeven et l’Ouganda, M. James L. Kateka.
Lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec les agents des Parties le 11 juin 2001, la RDC, invoquant l’article 80 du Règlement de la Cour, a soulevé certaines objections à la recevabilité des demandes reconventionnelles formulées par l’Ouganda. Les deux agents sont convenus que leurs gouvernements respectifs déposeraient des observations écrites sur cette question et se sont accordés sur les délais à cet effet. Ces observations ont été déposées dans le délai ainsi fixé.
Par ordonnance du 29 novembre 2001, la Cour a estimé que deux des trois demandes reconventionnelles présentées par l’Ouganda étaient recevables comme telles et faisaient partie de l’instance en cours, mais non la troisième. Elle a également prescrit la présentation, par la RDC, d’une réplique et, par l’Ouganda, d’une duplique, portant sur les demandes des deux Parties, et a fixé les dates d’expiration des délais pour le dépôt de ces pièces de procédure. Enfin, la Cour a dit qu’il échoyait, «aux fins d’assurer une stricte égalité entre les Parties, de réserver le droit, pour le Congo, de s’exprimer une seconde fois par écrit sur les demandes reconventionnelles de l’Ouganda, dans une pièce additionnelle dont la présentation pourrait faire l’objet d’une ordonnance ultérieure».
La RDC a dûment déposé sa réplique dans le délai prescrit, tandis que l’Ouganda a déposé sa duplique dans le délai prorogé par une autre ordonnance. Par ordonnance du 29 janvier 2003, la Cour, compte tenu de l’accord des Parties, a autorisé la présentation par la RDC d’une pièce additionnelle portant exclusivement sur les demandes reconventionnelles soumises par l’Ouganda et a fixé un délai pour le dépôt de cette pièce. La RDC a dûment déposé la pièce additionnelle dans le délai fixé.
Lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec les agents des Parties le 24 avril 2003, ceux-ci ont présenté leurs vues quant à l’organisation de la procédure orale sur le fond. Conformément au paragraphe 1 de l’article 54 de son Règlement, la Cour a fixé au 10 novembre 2003 la date d’ouverture de la procédure orale. Le 5 novembre 2003, l’agent de la RDC s’est enquis de la possibilité de remettre à une date ultérieure, à savoir au mois d’avril 2004, l’ouverture des audiences en l’affaire, «en vue de permettre aux négociations diplomatiques engagées par les Parties de se dérouler dans un climat de sérénité». Par lettre du 6 novembre 2003, l’agent de l’Ouganda a informé la Cour que son gouvernement «appuyait cette proposition et [s’associait] à cette demande». Par lettre datée du même jour, le greffier a fait savoir aux deux Parties que la Cour, «ayant tenu compte [de leurs] représentations, avait décidé de renvoyer l’ouverture de la procédure orale en l’affaire». Par lettre du 9 septembre 2004, l’agent de la RDC a formellement invité la Cour à fixer une nouvelle date pour l’ouverture de la procédure orale. Par lettres datées du 20 octobre 2004, le greffier a informé les Parties que la Cour avait décidé de fixer au lundi 11 avril 2005 la date d’ouverture de la procédure orale en l’affaire.

Des audiences publiques ont été tenues du 11 avril au 29 avril 2005, au cours desquelles les Parties ont présenté les conclusions ci-après :
Au nom du Gouvernement de la RDC,
à l’audience du 25 avril 2005, concernant les demandes de la RDC :
«La République démocratique du Congo prie la Cour de dire et juger :
1. Que la République de l’Ouganda, en se livrant à des actions militaires et paramilitaires à l’encontre de la République démocratique du Congo, en occupant son territoire, et en soutenant activement, sur les plans militaire, logistique, économique et financier des forces irrégulières qui y opéraient, a violé les principes conventionnels et coutumiers suivants :
 le principe du non-recours à la force dans les relations internationales, y compris l’interdiction de l’agression;
 l’obligation de régler les différends internationaux exclusivement par des moyens pacifiques de telle manière que la paix et la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en danger;
 le respect de la souveraineté des Etats et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et donc de choisir librement et sans ingérence extérieure leur régime politique et économique;
 le principe de non-intervention dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale des Etats, y compris en s’abstenant de toute assistance aux parties à une guerre civile opérant sur le territoire d’un autre Etat.

2. Que la République de l’Ouganda, en se livrant à des exactions à l’encontre des ressortissants de la République démocratique du Congo, en tuant, blessant, ou spoliant ces ressortissants, en s’abstenant de prendre les mesures adéquates permettant de prévenir les violations des droits de l’homme en RDC par des personnes se trouvant sous sa juridiction ou son contrôle, et/ou en s’abstenant de punir les personnes se trouvant sous sa juridiction ou son contrôle s’étant engagées dans les actes susmentionnés, a violé les principes conventionnels et coutumiers suivants :

 le principe conventionnel et coutumier qui impose de respecter et faire respecter les droits fondamentaux de la personne, y compris en période de conflit armé, conformément au droit international humanitaire;
 le principe conventionnel et coutumier qui impose d’opérer en tout temps une distinction entre objets civils et objectifs militaires dans le cadre d’un conflit armé;
 les droits des ressortissants congolais à bénéficier des droits les plus élémentaires en matière civile et politique, comme en matière économique, sociale et culturelle.
3. Que la République de l’Ouganda, en se livrant à une exploitation illégale des ressources naturelles congolaises, en spoliant ses biens et ses richesses, en s’abstenant de prendre les mesures adéquates permettant de prévenir l’exploitation illicite des ressources de la RDC par des personnes se trouvant sous sa juridiction ou son contrôle, et/ou en s’abstenant de punir les personnes se trouvant sous sa juridiction ou son contrôle s’étant engagées dans les actes susmentionnés, a violé les principes conventionnels et coutumiers suivants :

 les règles applicables du droit international humanitaire;
 le respect de la souveraineté des Etats, y compris sur leurs ressources naturelles;
 le devoir de favoriser la réalisation du principe de l’égalité des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et par conséquent de ne pas soumettre des peuples à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères;
 le principe de non-intervention dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale des Etats, y compris dans le domaine économique.
4. a) Que les violations du droit international énumérées aux conclusions numéros 1, 2 et 3 constituent des faits illicites imputables à l’Ouganda qui engagent sa responsabilité internationale;
b) que la République d’Ouganda est tenue de cesser immédiatement tout fait internationalement illicite qui se poursuit de façon continue, et en particulier son soutien à des forces irrégulières opérant en RDC et son exploitation des ressources naturelles et des richesses congolaises;
c) que la République d’Ouganda est tenue de fournir des garanties et assurances spécifiques de non-répétition des faits illicites dénoncés;
d) que la République d’Ouganda est tenue envers la République démocratique du Congo de l’obligation de réparer tout préjudice causé à celle-ci par la violation des obligations imposées par le droit international et énumérées dans les conclusions numéros 1, 2 et 3 ci-dessus;
e) que la nature, les formes et le montant de la réparation seront déterminés par la Cour, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet, et qu’elle réserve à cet effet la suite de la procédure.
5. Que la République de l’Ouganda a violé l’ordonnance de la Cour sur les mesures conservatoires en date du 1er juillet 2000 en ce qu’elle n’a pas observé les mesures conservatoires suivantes :

«1) les deux Parties doivent, immédiatement, prévenir et s’abstenir de tout acte, et en particulier de toute action armée, qui risquerait de porter atteinte aux droits de l’autre Partie au regard de tout arrêt que la Cour pourrait rendre en l’affaire, ou qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend porté devant elle ou d’en rendre la solution plus difficile;
2) les deux Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures nécessaires pour se conformer à toutes leurs obligations en vertu du droit international, en particulier en vertu de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine, ainsi qu’à la résolution 1304 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies en date du 16 juin 2000;
3) les deux Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures nécessaires pour assurer, dans la zone de conflit, le plein respect des droits fondamentaux de l’homme, ainsi que des règles applicables du droit humanitaire»»;
à l’audience du 29 avril 2005, concernant les demandes reconventionnelles de l’Ouganda :
«Le Congo demande à la Cour internationale de Justice de dire et juger :
En ce qui concerne la première demande reconventionnelle présentée par l’Ouganda,
1) dans la mesure où elle s’étend à la période antérieure à l’arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, la demande ougandaise est irrecevable, l’Ouganda ayant préalablement renoncé à introduire cette réclamation; subsidiairement, cette demande est non fondée, l’Ouganda n’ayant pas démontré les faits qui sont à la base de sa demande;
2) dans la mesure où elle s’étend à la période allant de l’arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila au déclenchement de l’agression ougandaise, la demande ougandaise n’est pas fondée en fait, l’Ouganda n’ayant pas démontré les faits qui sont à la base de sa demande;
3) dans la mesure où elle s’étend à la période postérieure au déclenchement de l’agression ougandaise, la demande ougandaise n’est fondée ni en fait ni en droit, l’Ouganda n’ayant pas démontré les faits qui sont à la base de sa demande, et la République démocratique du Congo s’étant en tout état de cause trouvée, à partir du 2 août 1998, en situation de légitime défense.
En ce qui concerne la deuxième demande reconventionnelle présentée par l’Ouganda,
1) dans la mesure où elle porte désormais sur l’interprétation et l’application de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, la demande présentée par l’Ouganda modifie radicalement l’objet du différend, contrairement au Statut et au Règlement de la Cour; ce volet de la demande doit dès lors être écarté du cadre de la présente instance;
2) le volet de la demande relatif à des mauvais traitements dont auraient été victimes certains ressortissants ougandais reste irrecevable, l’Ouganda n’ayant toujours pas montré que les conditions mises par le droit international à l’exercice de sa protection diplomatique étaient réunies; subsidiairement, ce volet de la demande est non fondé, l’Ouganda n’étant toujours pas en mesure d’établir les fondements factuels et juridiques de ses allégations;
3) le volet de la demande relatif à la prétendue expropriation de biens publics ougandais est non fondé, l’Ouganda n’étant toujours pas en mesure d’établir les fondements factuels et juridiques de ses allégations.»
Au nom du Gouvernement de l’Ouganda,
à l’audience du 27 avril 2005, concernant les demandes de la RDC et les demandes reconventionnelles de l’Ouganda :
«La République de l’Ouganda prie la Cour :
1) De juger et déclarer conformément au droit international :
A) que les prétentions de la République démocratique du Congo relatives aux activités ou aux situations impliquant la République du Rwanda ou ses agents sont irrecevables pour les raisons énoncées au chapitre XV du contre-mémoire et réaffirmées à l’audience;
B) que les prétentions de la République démocratique du Congo tendant à ce que la Cour juge que la République de l’Ouganda est responsable de diverses violations du droit international, suivant les allégations formulées dans le mémoire, dans la réplique et/ou à l’audience, sont rejetées; et
C) que les demandes reconventionnelles de l’Ouganda formulées au chapitre XVIII du contre-mémoire et renouvelées au chapitre VI de la duplique ainsi qu’à l’audience sont confirmées.
2) De réserver à un stade ultérieur de la procédure la question des réparations en rapport avec les demandes reconventionnelles de l’Ouganda.»
Situation dans la région des Grands Lacs et mission de la Cour (par. 26)
La Cour note qu’elle est consciente de la situation complexe et tragique qui prévaut depuis longtemps dans la région des Grands Lacs et de la souffrance de la population locale. Elle fait observer que, en particulier, l’instabilité en RDC a eu des incidences négatives pour la sécurité de l’Ouganda et de quelques autres Etats voisins. La Cour indique néanmoins que sa mission est de trancher, sur la base du droit international, le différend juridique précis qui lui est soumis.

Premier chef de conclusions de la RDC (par. 28-165)
 Arguments des Parties (par. 29-41)
La Cour expose les arguments des Parties. La RDC affirme que, après l’accession du président Laurent-Désiré Kabila au pouvoir en mai 1997, l’Ouganda et le Rwanda se sont vu accorder en RDC d’importants avantages dans les domaines économique et militaire. Selon la RDC, le président Kabila s’est toutefois efforcé, par la suite, de réduire progressivement l’influence de ces deux Etats et cette «nouvelle politique d’indépendance et d’émancipation» à leur égard a constitué la cause de l’invasion du territoire congolais par les forces armées ougandaises en août 1998. La RDC soutient que l’Ouganda et le Rwanda ont organisé, le 4 août 1998, une opération aéroportée, acheminant leurs soldats par avion de la ville de Goma, située sur la frontière orientale de la RDC, à Kitona, qui se trouve à quelque 1800 kilomètres de là, à l’autre extrémité du pays, sur le littoral atlantique. Elle affirme en outre que l’avancée des soldats des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) dans le nord-est du pays les a amenés, en quelques mois, à occuper, dans diverses provinces, des parties importantes du territoire congolais. La RDC allègue également que l’Ouganda apportait un soutien aux groupes armés congolais opposés au gouvernement du président Kabila. L’Ouganda affirme pour sa part qu’aucun soldat ougandais n’était présent le 4 août 1998 à Goma ou à Kitona, ni à bord des avions mentionnés par la RDC. Il soutient que, lors de son arrivée au pouvoir, le président Kabila l’a invité à déployer ses forces dans la partie orientale de la RDC, l’armée congolaise n’ayant pas les moyens de contrôler les provinces orientales reculées, dans l’objectif d’«éliminer» les insurgés antiougandais opérant dans cette partie du territoire et d’assurer la sécurité dans la région frontalière. L’Ouganda allègue qu’entre mai et juillet 1998, le président Kabila a rompu ses alliances avec le Rwanda et l’Ouganda, et en a établi de nouvelles avec le Tchad, le Soudan et divers groupes d’insurgés antiougandais. Il affirme n’avoir pas envoyé de renforts en RDC pendant le mois d’août 1998, mais il indique que, sa situation était néanmoins devenue intenable sur le plan de la sécurité, en août et septembre 1998, la RDC et le Soudan se préparant à attaquer les forces ougandaises dans l’est de la RDC. L’Ouganda affirme avoir, en réaction à cette «grave menace et faisant usage de son droit souverain de légitime défense», pris le 11 septembre 1998 la décision de renforcer ses effectifs dans l’est de la RDC et de s’emparer des aérodromes et des ports fluviaux stratégiques du nord et de l’est de la RDC. L’Ouganda note que le processus de paix régional alors en cours a abouti, le 10 juillet 1999, à la signature de l’accord de cessez-le-feu de Lusaka, puis à la signature des plans de désengagement de Kampala et de Harare. Enfin, aux termes de l’accord bilatéral de Luanda, signé le 6 septembre 2002, l’Ouganda acceptait de retirer toutes ses forces du territoire congolais, excepté celles qui étaient expressément autorisées par la RDC à rester sur les pentes des monts Ruwenzori. L’Ouganda affirme avoir achevé ce retrait en juin 2003 et que, depuis lors, «pas le moindre soldat ougandais n’a été déployé sur le territoire du Congo».

 Question du consentement (par. 42-54)
Après examen du dossier que lui ont soumis les Parties, la Cour estime qu’il ressort clairement que, avant le mois d’août 1998, la RDC ne s’était pas opposée à la présence et aux activités des troupes ougandaises dans la zone frontalière de l’est du pays. La Cour prend note de la signature, le 27 avril 1998, du protocole relatif à la sécurité le long de la frontière commune entre les deux pays, dans lequel ils étaient convenus que leurs armées «coopérer[aient] afin d’assurer la sécurité et la paix le long de la frontière commune». La Cour estime toutefois que si l’on peut raisonnablement penser que la coopération envisagée dans le protocole impliquait une prorogation de l’autorisation accordée à l’Ouganda de maintenir des troupes dans la région frontalière, le protocole ne constituait pas le fondement juridique de cette autorisation ou de ce consentement. L’origine de l’autorisation ou du consentement au franchissement de la frontière par ces troupes remontait à une date antérieure au protocole, et cette autorisation ou ce consentement préexistants pouvaient par conséquent être retirés à tout moment par le Gouvernement de la RDC, sans formalité particulière.
La Cour observe que, lorsque le président Kabila arriva au pouvoir, l’influence de l’Ouganda, et surtout du Rwanda, en RDC devint considérable. Elle indique que, à partir de la fin du printemps 1998, le président Kabila chercha, pour diverses raisons, à réduire cette influence étrangère. Le 28 juillet 1998, le président Kabila publia une déclaration officielle, dans laquelle il annonçait «qu’il v[enait] de mettre fin, à dater de … lundi 27 juillet 1998, à la présence militaire rwandaise qui nous a assisté pendant la période de libération du pays» et concluait que «[c]eci marqu[ait] la fin de la présence de toutes forces militaires étrangères au Congo». La RDC soutient que, même si le texte de la déclaration ne visait pas expressément les troupes ougandaises, il ressortait de sa dernière phrase que le retrait de son consentement concernait les troupes tant ougandaises que rwandaises. L’Ouganda fait valoir pour sa part que la déclaration du président ne visait que les forces rwandaises. En ce qui concerne la teneur de la déclaration du président Kabila, la Cour observe que, sur un plan purement textuel, le propos était ambigu.
La Cour relève que le consentement en vertu duquel l’Ouganda avait pu déployer ses forces en RDC et s’y livrer à des opérations militaires n’était pas sans limite. A supposer que le consentement de la RDC à la présence militaire ougandaise ait couvert une période allant bien au-delà du mois de juillet 1998, les restrictions apportées à ce consentement, en ce qui concerne la localisation des troupes ou les objectifs visés, auraient dû être respectées.
En l’occurrence, la question du retrait du consentement de la RDC et celle de l’élargissement par l’Ouganda de la nature et de la portée de ses activités sont allées de pair. La Cour note que, lors du sommet des chefs d’Etats qui s’est tenu les 7 et 8 août 1998 à Victoria Falls, la RDC a accusé l’Ouganda et le Rwanda d’avoir envahi son territoire. Ainsi, il ne fait aucun doute, de l’avis de la Cour, que tout consentement antérieur de la RDC à la présence de troupes ougandaises sur son territoire a été retiré, au plus tard, le 8 août 1998, date de la clôture du sommet.
 Etablissement des faits concernant l’emploi de la force par l’Ouganda à Kitona (par. 55-71)
La Cour observe que les divergences sur la date du début des opérations militaires de l’Ouganda auxquelles la RDC n’a pas consenti mettent principalement en cause la qualification juridique des événements, et non la réalité de ces événements. Dans quelques cas, l’Ouganda dément toutefois la présence même de ses soldats en certains endroits, l’opération militaire à Kitona en offrant un important exemple.

La Cour expose ensuite la méthode qu’elle a choisie pour évaluer la quantité considérable d’éléments de preuve produite par les Parties. Elle rappelle que sa tâche n’est pas seulement de trancher la question de savoir lesquels d’entre eux doivent être considérés comme pertinents; elle est aussi de déterminer ceux qui revêtent une valeur probante à l’égard des faits allégués. La Cour explique qu’elle traitera avec prudence les éléments de preuve spécialement établis aux fins de l’affaire ainsi que ceux provenant d’une source unique. Elle leur préférera des informations fournies à l’époque des événements par des personnes ayant eu de ceux-ci une connaissance directe. Elle prêtera une attention toute particulière aux éléments de preuve dignes de foi attestant de faits ou de comportements défavorables à l’Etat que représente celui dont émanent lesdits éléments. La Cour accordera également du poids à des éléments de preuve dont l’exactitude n’a pas été contestée par des sources impartiales. La Cour relève par ailleurs qu’une attention particulière mérite d’être prêtée aux éléments de preuve obtenus par l’audition d’individus directement concernés et soumis à un contre-interrogatoire par des juges rompus à l’examen et à l’appréciation de grandes quantités d’informations factuelles. Elle tiendra donc compte comme il convient du rapport de la commission judiciaire d’enquête sur les allégations d’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en République démocratique du Congo, constituée par le Gouvernement ougandais en mai 2001 et présidée par le juge David Porter («la commission Porter»), rapport qui a été reconnu par les deux Parties.
Ayant examiné les éléments de preuve relatifs à l’argumentation de la RDC concernant les évènements de Kitona, la Cour conclut qu’elle ne peut tenir pour établi à suffisance que l’Ouganda a participé à l’attaque contre Kitona le 4 août 1998.

 Etablissement des faits : opération militaire dans l’est de la RDC et dans d’autres parties du pays (par. 72-91)
La Cour indique que les faits concernant l’opération militaire menée par l’Ouganda dans l’est de la RDC entre août 1998 et juillet 1999 font l’objet de divergences de vues relativement minimes entre les Parties. Sur la base des éléments de preuve versés au dossier, elle établit les localités prises par l’Ouganda au cours de cette période et les «dates de capture» correspondantes.

La Cour constate que les Parties sont toutefois largement en désaccord sur la question de savoir si, comme l’affirme la RDC, certaines villes ont été prises après le 10 juillet 1999. La Cour rappelle que, à cette date, les Parties avaient conclu un cessez-le-feu et approuvé l’ensemble des autres dispositions de l’accord de Lusaka. La Cour ne tire aucune conclusion quant à la responsabilité de chacune des Parties pour toute violation de l’accord de Lusaka, se contentant d’indiquer que les éléments de preuve produits ne l’ont pas convaincue de la présence des forces ougandaises dans les localités dont la RDC prétend qu’elles ont été prises après le 10 juillet 1999.

 Les accords de Lusaka, Kampala et Harare constituaient-ils un consentement de la RDC à la présence de troupes ougandaises ? (par. 92-105)
La Cour aborde ensuite la question de savoir si l’accord de Lusaka, les plans de désengagement de Kampala et de Harare et l’accord de Luanda valaient consentement à la présence de troupes ougandaises sur le territoire de la RDC.
La Cour constate que rien dans les dispositions de l’accord de Lusaka ne peut être interprété comme une reconnaissance de ce que la protection des intérêts de l’Ouganda en matière de sécurité avait, dès septembre 1998, rendu nécessaire la présence de ses forces en territoire congolais. Selon elle, l’accord de Lusaka établissait simplement, pour les parties, un modus operandi fixant un cadre pour le retrait ordonné de toutes les forces étrangères de RDC. En acceptant ce modus operandi, la RDC ne donnait pas son «consentement» à la présence de troupes ougandaises. Les revisions du calendrier auxquelles il a fallu procéder ne modifient en rien cette conclusion.

Après un examen attentif des plans de désengagement de Kampala et de Harare, ainsi que de l’accord de Luanda, la Cour conclut que les divers traités visant à l’organisation et au maintien d’un cessez-le-feu, au retrait des forces étrangères et à la stabilisation des relations entre la RDC et l’Ouganda n’emportaient pas (hormis l’exception limitée relative à la région frontalière des monts Ruwenzori contenue dans l’accord de Luanda) un consentement de la RDC à la présence de troupes ougandaises sur son territoire à compter du mois de juillet 1999, qui aurait validé cette présence en droit.

 La légitime défense au regard des faits établis (par. 106-147)
La Cour indique que la nature des activités menées par l’Ouganda à Aru, Beni, Bunia et Watsa en août 1998 différait de celle des opérations antérieures entreprises le long de la frontière commune. Elle estime que ces actions vont bien au-delà de tout arrangement intervenu entre les Parties au sujet de la présence de l’Ouganda en territoire congolais à proximité de la frontière. De telles activités ne pourraient dès lors se justifier, à supposer que cela fût possible, qu’en tant qu’actions menées en état de légitime défense. Or, la Cour observe que l’Ouganda n’a jamais cherché à les justifier sur cette base. L’opération connue sous le nom d’opération «Safe Haven», à savoir les actions militaires menées par l’Ouganda sur le territoire congolais après le 7 août 1998, était, au contraire, clairement fondée sur la revendication par l’Ouganda d’un droit de «préserver [ses] intérêts légitimes … en matière de sécurité», et, selon la Cour, les personnes le plus étroitement impliquées dans l’exécution de cette opération considéraient les actions militaires menées tout au long du mois d’août 1998 comme s’inscrivant déjà dans le cadre de celle-ci.
La Cour note que les objectifs de l’opération «Safe Haven» énoncés dans un document du haut commandement ougandais publié le 11 septembre 1998 ne relèvent pas de la légitime défense au sens où l’entend le droit international. L’Ouganda soutient que l’opération avait été lancée en raison de la «multiplication des attaques transfrontalières dirigées contre l’Ouganda par les FDA [Forces démocratiques alliées], réapprovisionnées en armes et en munitions par le Soudan et par le Gouvernement de la RDC». Il affirme qu’à cette fin, la RDC, les FDA et le Soudan avaient formé une conspiration tripartite. Après un examen attentif des éléments de preuve soumis par l’Ouganda, la Cour relève qu’elle ne peut s’appuyer sur lesdits éléments pour établir qu’il existait un accord entre la RDC et le Soudan en vue de participer à une opération militaire contre l’Ouganda ou de soutenir pareille opération; ou que quelque autre action du Soudan aurait, de par sa nature, pu justifier la thèse de l’Ouganda selon laquelle il a agi en état de légitime défense.

La Cour observe ensuite que l’Ouganda n’a pas porté à la connaissance du Conseil de sécurité les événements qui, à ses yeux, lui avaient imposé d’exercer son droit de légitime défense. Elle ajoute que l’Ouganda n’a jamais soutenu avoir été l’objet d’une agression de la part des forces armées de la RDC. L’«agression armée» à laquelle il a été fait référence était plutôt le fait des FDA. En outre, il n’existait pas de preuve satisfaisante d’une implication directe ou indirecte du Gouvernement de la RDC dans ces attaques.
La Cour conclut que les conditions de droit et de fait justifiant l’exercice d’un droit de légitime défense par l’Ouganda à l’encontre de la RDC n’étaient pas réunies.

 Appréciation en droit quant à l’interdiction de l’emploi de la force (par. 148-165)
S’agissant de l’allégation de la RDC selon laquelle, à partir de septembre 1998, l’Ouganda aurait créé et placé sous son contrôle le groupe rebelle du Mouvement de libération du Congo (MLC) dirigé par M. Bemba, la Cour conclut qu’il n’existe aucun élément de preuve crédible au soutien de cette allégation. Elle fait toutefois observer que l’entraînement dispensé à l’ALC, l’aile militaire du MLC, ainsi que le soutien qui lui a été fourni n’emportent pas moins violation de certaines obligations de droit international.
S’agissant du premier chef de conclusions finales de la RDC, la Cour conclut que l’Ouganda a violé la souveraineté ainsi que l’intégrité territoriale de la RDC. Elle précise que les actes de l’Ouganda ont également constitué une ingérence dans les affaires intérieures de la RDC et dans la guerre civile qui y faisait rage. L’intervention militaire illicite de l’Ouganda a été d’une ampleur et d’une durée telles que la Cour la considère comme une violation grave de l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies.
Question de l’occupation de guerre (par. 166-180)
Avant d’en venir au deuxième et au troisième chefs de conclusions de la RDC, la Cour examine la question de savoir si l’Ouganda était ou non une puissance occupante dans les parties du territoire congolais où ses troupes étaient présentes à l’époque pertinente.
Elle observe que, selon le droit international coutumier tel que reflété à l’article 42 du règlement de La Haye de 1907, un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie, et que l’occupation ne s’étend qu’au territoire où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer.
La Cour indique qu’il n’est pas contesté par les Parties que le général Kazini, commandant des forces ougandaises en RDC, a créé la nouvelle province de «Kibali-Ituri» en juin 1999. De l’avis de la Cour, que le général Kazini, commandant des forces ougandaises en RDC, ait ou non agi en violation des ordres qui étaient les siens et ait ou non été puni en conséquence de ses agissements, son comportement constitue une preuve manifeste de ce que l’Ouganda avait établi et exerçait son autorité en Ituri en tant que puissance occupante. Elle constate toutefois que la RDC ne fournit aucune preuve spécifique de ce que les forces armées ougandaises auraient exercé leur autorité dans d’autres régions que le district de l’Ituri.
Ayant conclu que l’Ouganda était une puissance occupante en Ituri à l’époque pertinente, la Cour indique qu’en tant que tel, il se trouvait dans l’obligation, énoncée à l’article 43 du règlement de La Haye de 1907, de prendre toutes les mesures qui dépendaient de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il était possible, l’ordre public et la sécurité dans le territoire occupé en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur en RDC. Cette obligation comprend le devoir de veiller au respect des règles applicables du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire, de protéger les habitants du territoire occupé contre les actes de violence et de ne pas tolérer de tels actes de la part d’une quelconque tierce partie.
La Cour conclut que la responsabilité de l’Ouganda est engagée à raison à la fois de tout acte de ses forces armées contraire à ses obligations internationales et du défaut de la vigilance requise pour prévenir les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par d’autres acteurs présents sur le territoire occupé, en ce compris les groupes rebelles agissant pour leur propre compte. La Cour relève que l’Ouganda est responsable de l’ensemble des actes et omissions de ses forces armées sur le territoire de la RDC, qui violent les obligations lui incombant en vertu des règles, pertinentes et applicables à la situation de l’espèce, du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire.
Deuxième chef de conclusions de la RDC (par. 181-221)
 Violations du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire : thèses des Parties (par. 181-195)
La Cour rappelle l’allégation de la RDC selon laquelle les forces armées ougandaises auraient commis à grande échelle des violations des droits de l’homme sur le territoire congolais, en particulier dans la région de l’Ituri, et l’allégation de l’Ouganda selon laquelle la RDC aurait manqué de fournir des éléments de preuve crédibles au soutien de ses allégations.
 Recevabilité des demandes afférentes aux événements de Kisangani (par. 196-204)
La demande de la RDC concerne notamment les événements de Kisangani où ont eu lieu, en juin 2000, des combats entre troupes ougandaises et rwandaises. L’Ouganda soutient qu’en l’absence du Rwanda à l’instance, la demande de la RDC relative à la responsabilité de l’Ouganda du fait de ces événements est irrecevable.
La Cour souligne qu’elle eu à examiner des questions de même nature dans des affaires précédentes. Dans l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), la Cour a fait observer qu’il ne lui est pas interdit de statuer sur les prétentions qui lui sont soumises «dans un différend [où un Etat tiers a] un intérêt d’ordre juridique … en cause», «pour autant que les intérêts juridiques de l’Etat tiers éventuellement affectés ne constituent pas l’objet même de la décision sollicitée». La Cour estime que cette jurisprudence est applicable en la présente procédure, puisque en l’espèce, les intérêts du Rwanda ne constituent pas «l’objet même» de la décision qu’elle doit rendre. Il n’est dès lors pas nécessaire que le Rwanda soit partie à la présente
instance pour que la Cour puisse se prononcer sur la question de la responsabilité de l’Ouganda du fait de violations des obligations lui incombant en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire lors des combats de Kisangani.
 Violations du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire : appréciation de la Cour (par. 205-221)
Au vu du dossier, la Cour considère qu’il existe des éléments de preuve crédibles suffisants pour conclure que les troupes des UPDF ont commis des meurtres, des actes de torture et d’autres formes de traitement inhumain à l’encontre de la population civile, qu’elles ont détruit des villages et des bâtiments civils, qu’elles ont manqué d’établir une distinction entre cibles civiles et militaires et de protéger la population civile lors d’affrontements avec d’autres combattants, qu’elles ont incité au conflit ethnique et ont manqué de prendre des mesures visant à mettre un terme à celui-ci, qu’elles ont été impliquées dans l’entraînement d’enfants-soldats et qu’elles n’ont pris aucune mesure visant à assurer le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire en Ituri.
La Cour n’estime toutefois pas que la prétention de la RDC selon laquelle l’Ouganda a mené une politique délibérée de terreur ait été prouvée.
En arrivant à la question de savoir si les actes et omissions des UPDF, de leurs officiers et de leurs soldats sont attribuables à l’Ouganda, la Cour indique que le comportement des UPDF est dans son ensemble clairement attribuable à l’Ouganda, puisqu’il s’agit du comportement d’un organe de l’Etat. Le comportement individuel des soldats et officiers des UPDF doit être considéré comme un comportement d’un organe d’Etat. De l’avis de la Cour, en vertu du statut et de la fonction militaire des soldats ougandais en RDC, le comportement de ces derniers est attribuable à l’Ouganda. Est en outre dépourvue de pertinence, pour l’attribution du comportement des UPDF à l’Ouganda, la question de savoir si les membres des UPDF ont ou non agi d’une manière contraire aux instructions données ou ont outrepassé leur mandat. D’après une règle bien établie, de caractère coutumier, énoncée à l’article 3 de la quatrième convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 ainsi qu’à l’article 91 du protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949, une partie à un conflit armé est responsable de tous les actes des personnes qui font partie de ses forces armées.
La Cour conclut que les actes commis par les UPDF et des officiers et soldats des UPDF sont manifestement contraires aux obligations découlant des articles 25, 27, 28 et, s’agissant des obligations qui incombent à une puissance occupante, des articles 43, 46 et 47 du règlement de La Haye de 1907. Ces obligations, en tant qu’elles relèvent du droit international coutumier, s’imposent aux Parties. L’Ouganda a également violé les dispositions suivantes des instruments relatifs au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, auxquels l’Ouganda et la RDC sont tous deux parties :
 dans la quatrième convention de Genève, les articles 27 et 32 ainsi que l’article 53 s’agissant des obligations incombant à une puissance occupante;
 dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les articles 6, paragraphe 1, et 7;
 dans le premier protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, les articles 48, 51, 52, 57, 58 et 75, paragraphe 1 et 2;
 dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les articles 4 et 5;
 dans la convention relative aux droits de l’enfant, l’article 38, paragraphe 2 et 3;
 dans le protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant, les articles 1, 2, 3 paragraphe 3; 4, 5 et 6.
La Cour conclut dès lors que l’Ouganda est internationalement responsable des violations du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire qui ont été commises par les UPDF et leurs membres sur le territoire congolais, ainsi que de ses manquements aux obligations lui incombant en tant que puissance occupante de l’Ituri.
La Cour précise que, si elle s’est prononcée sur les violations du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par les forces militaires ougandaises sur le territoire congolais, les actes commis par les diverses parties à ce conflit complexe que connaît la RDC ont contribué aux immenses souffrances de la population congolaise. La Cour est profondément consciente que de nombreuses atrocités ont été commises au cours du conflit. L’ensemble des protagonistes de ce conflit ont tous le devoir de soutenir le processus de paix en RDC ainsi que d’autres plans de paix dans la région des Grands Lacs, afin que le respect des droits de l’homme y soit garanti.
Troisième chef de conclusions de la RDC (par. 222-250)
 Exploitation illégale de ressources naturelles (par. 222-236)
La Cour rappelle l’allégation de la RDC selon laquelle les soldats ougandais se sont systématiquement livrés au pillage et à l’exploitation de ses biens et de ses ressources naturelles et la prétention de l’Ouganda selon laquelle, la RDC n’a pas produit de preuves dignes de foi pour corroborer ses allégations.
 Actes d’exploitation illégale de ressources naturelles : appréciation de la Cour (par. 237-250)
Ayant examiné le dossier de l’affaire, la Cour conclut qu’elle ne dispose pas d’éléments de preuve crédibles permettant d’établir qu’existait une politique gouvernementale de l’Ouganda visant à l’exploitation de ressources naturelles de la RDC, ou que cet Etat ait entrepris son intervention militaire dans le dessein d’obtenir un accès aux ressources congolaises. La Cour estime cependant détenir des preuves abondantes et convaincantes pour conclure que des officiers et des soldats des UPDF, parmi lesquels les officiers les plus haut gradés, ont participé au pillage et à l’exploitation des ressources naturelles de la RDC et que les autorités militaires n’ont pris aucune mesure pour mettre un terme à ces activités.

Ainsi que la Cour l’a déjà indiqué, l’Ouganda est responsable tant du comportement des UPDF dans leur ensemble que du comportement individuel des soldats et officiers des UPDF en RDC. La Cour rappelle en outre que la question de savoir si ces officiers et soldats des UPDF ont agi à l’encontre des instructions données ou ont outrepassé leur mandat est dépourvue de pertinence aux fins d’attribuer leur comportement à l’Ouganda.
La Cour considère qu’elle ne peut retenir l’affirmation du demandeur selon laquelle l’Ouganda aurait violé le principe de la souveraineté de la RDC sur ses ressources naturelles. Tout en reconnaissant l’importance de ce principe, la Cour n’estime pas qu’il soit applicable au cas particulier du pillage et de l’exploitation de certaines ressources naturelles par des membres de l’armée d’un Etat intervenant militairement sur le territoire d’un autre Etat.
Ainsi que la Cour l’a déjà indiqué, les actes et omissions de certains membres des forces armées ougandaises en RDC engagent de toute manière la responsabilité internationale de l’Ouganda, que celui-ci ait ou non été une puissance occupante dans certaines régions. En conséquence, chaque fois que des membres des UPDF ont été impliqués dans le pillage et l’exploitation de ressources naturelles sur le territoire de la RDC, ils ont agi en violation du jus in bello, lequel interdit de tels actes à une armée étrangère sur le territoire où elle est présente. La Cour rappelle à cet égard que l’article 47 du règlement de La Haye de 1907 et l’article 33 de la quatrième convention de Genève de 1949 interdisent tous deux le pillage.
La Cour observe par ailleurs que tant la RDC que l’Ouganda sont parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, du 27 juin 1981, dont le paragraphe 2 de l’article 21 dispose : «En cas de spoliation, le peuple spolié a droit à la légitime récupération de ses biens ainsi qu’à une indemnisation adéquate.»
La Cour conclut qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve étayant l’affirmation de la RDC selon laquelle l’Ouganda a manqué à son devoir de vigilance en ne prenant pas les mesures adéquates pour s’assurer que ses forces armées ne se livreraient pas au pillage et à l’exploitation des ressources naturelles de la RDC. Il en résulte qu’en manquant ainsi d’agir l’Ouganda a violé ses obligations internationales, engageant par là sa responsabilité internationale. En tout état de cause, quelles qu’aient été les mesures prises par ses autorités, la responsabilité de l’Ouganda était engagée dès lors que les actes illicites étaient commis par ses forces armées.
Quant à l’argument selon lequel l’Ouganda n’aurait pas non plus prévenu les actes de pillage et d’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC par des groupes rebelles, la Cour a déjà établi que ces derniers n’étaient pas sous le contrôle de l’Ouganda. Aussi, s’agissant des activités illégales de tels groupes en dehors de l’Ituri, la Cour ne peut conclure que l’Ouganda a manqué à son devoir de vigilance.
La Cour observe en outre que, du fait qu’il était la puissance occupante dans le district de l’Ituri, l’Ouganda était tenu de prendre des mesures appropriées pour prévenir le pillage et l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire occupé, non seulement par des membres de ses forces armées, mais également par les personnes privées présentes dans ce district.
La Cour conclut qu’elle dispose de suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour considérer que l’Ouganda a engagé sa responsabilité internationale à raison des actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles de la RDC commis par des membres des UPDF sur le territoire de la RDC, de la violation de son devoir de vigilance s’agissant de ces actes et du manquement aux obligations lui incombant en tant que puissance occupante en Ituri, en vertu de l’article 43 du règlement de La Haye de 1907, quant à l’ensemble des actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles commis dans le territoire occupé.
Quatrième chef de conclusions de la RDC (par. 251-261)
 Conséquences juridiques de la violation par l’Ouganda de ses obligations internationales
La RDC prie la Cour de dire et juger que l’Ouganda est tenu de cesser immédiatement tout fait internationalement illicite ayant un caractère continu.
La Cour relève qu’il n’y a dans le dossier de l’affaire aucune preuve susceptible d’étayer l’allégation de la RDC selon laquelle l’Ouganda soutient actuellement des forces irrégulières opérant en RDC et continue de participer à l’exploitation des ressources naturelles congolaises. Dès lors, la Cour n’estime pas établi que l’Ouganda, après le retrait de ses soldats du territoire de la RDC en juin 2003, continue à commettre les faits internationalement illicites évoqués par la RDC. La Cour conclut donc qu’il ne peut être fait droit à la demande de la RDC.
La RDC prie en outre la Cour de dire que l’Ouganda est tenu de fournir des garanties et assurances spécifiques de non-répétition des faits illicites dénoncés. La Cour a pris acte à cet égard de l’accord tripartite relatif à la sécurité dans la région des Grands Lacs, signé le 26 octobre 2004 par la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Dans le préambule de cet accord, les parties soulignent «la nécessité de garantir que les principes de bon voisinage, de respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, ainsi que de non-ingérence dans les affaires intérieures d’Etats souverains soient respectés, notamment dans la région» [traduction du Greffe]. De l’avis de la Cour, les engagements pris par l’Ouganda en vertu de l’accord tripartite satisfont à la demande de la RDC tendant à obtenir des garanties et assurances de non-répétition spécifiques. La Cour attend et exige des Parties qu’elles se conforment aux obligations qui leur incombent en vertu de cet accord et du droit international général.
La RDC prie enfin la Cour de dire et juger que l’Ouganda est à son égard tenu à réparation pour tout préjudice causé du fait de la violation par l’Ouganda des obligations qui lui incombent en vertu du droit international. La Cour fait observer qu’il est bien établi en droit international général que l’Etat responsable d’un fait internationalement illicite a l’obligation de réparer en totalité le préjudice causé par ce fait. Après examen du dossier de l’affaire et compte tenu de la nature des faits internationalement illicites dont l’Ouganda a été reconnu responsable, la Cour considère que ces faits ont entraîné un préjudice pour la RDC, ainsi que pour des personnes présentes sur son territoire. Ayant établi que ce préjudice a été causé à la RDC par l’Ouganda, la Cour déclare que ce dernier est tenu de réparer ledit préjudice en conséquence.
La Cour juge par ailleurs appropriée la demande de la RDC tendant à ce que la nature, les formes et le montant de la réparation qui lui est due soient, à défaut d’accord entre les Parties, déterminés par la Cour dans une phase ultérieure de la procédure.
Cinquième chef de conclusions de la RDC (par. 262-265)
 Respect de l’ordonnance de la Cour en indication de mesures conservatoires
La Cour examine ensuite la question de savoir si l’Ouganda s’est conformé à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires qu’elle a rendue le 1er juillet 2000. Ayant observé que ses «ordonnances indiquant des mesures conservatoires au titre de l’article 41 [du Statut] ont un caractère obligatoire», la Cour déclare que la RDC ne présente aucun élément de preuve précis démontrant que l’Ouganda aurait, après juillet 2000, commis des actes en violation de chacune des trois mesures conservatoires indiquées. Elle fait toutefois observer que, dans son arrêt, elle a conclu que l’Ouganda était responsable d’actes commis en violation du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire. Les éléments de preuve disponibles montrent que de telles violations ont été commises tout au long de la période durant laquelle les troupes ougandaises étaient présentes en RDC, y compris celle allant du 1er juillet 2000 jusqu’à, pratiquement, leur retrait définitif le 2 juin 2003. La Cour conclut donc que l’Ouganda ne s’est pas conformé à l’ordonnance.
La Cour relève en outre que les mesures conservatoires indiquées dans l’ordonnance du 1er juillet 2000 s’adressaient aux deux Parties. La conclusion de la Cour est sans préjudice de la question de savoir si la RDC a manqué également de se conformer aux mesures conservatoires par elle indiquées.
Demandes reconventionnelles (par. 266-344)
 Recevabilité des exceptions (par. 266-275)
La RDC soutient que la jonction à l’instance des première et deuxième demandes reconventionnelles de l’Ouganda consécutive à l’ordonnance du 29 novembre 2001, dans laquelle la Cour a jugé que ces deux demandes reconventionnelles étaient recevables comme telles, n’implique pas que des exceptions préliminaires ne puissent être soulevées contre elles. L’Ouganda prétend quant à lui que la RDC n’est plus fondée, à ce stade de la procédure, à plaider

l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles, au motif que l’ordonnance rendue par la Cour vaudrait décision définitive sur les demandes reconventionnelles en vertu de l’article 80 du Règlement de la Cour.
La Cour note que, dans l’affaire des Plates-formes pétrolières, elle a été appelée à trancher la même question et qu’elle avait conclu que l’Iran était en droit de contester de manière générale la recevabilité de la demande reconventionnelle des Etats-Unis, alors même que cette demande avait auparavant été jugée recevable au regard de l’article 80 du Règlement. La Cour relève également que l’article 79 du Règlement ne s’applique pas à une exception à des demandes reconventionnelles qui ont été jointes à l’instance originelle. Elle conclut donc que la RDC est en droit de contester la recevabilité des demandes reconventionnelles de l’Ouganda.
 Première demande reconventionnelle (par. 276-305)
Dans sa première demande reconventionnelle, l’Ouganda affirme que, depuis 1994, il a été la cible d’opérations militaires et d’autres activités déstabilisatrices menées par des groupes armés hostiles basés en RDC, et qui étaient soit soutenus soit tolérés par les Gouvernements congolais successifs.
Pour réfuter la première demande reconventionnelle de l’Ouganda, la RDC scinde en trois la période couverte par celle-ci : a) la période antérieure à l’arrivée au pouvoir du président Laurent-Désiré Kabila; b) la période comprise entre l’arrivée au pouvoir du président Kabila et le 2 août 1998, date du début de l’attaque militaire ougandaise; et c) la période postérieure au 2 août 1998. La RDC soutient que, en ce qui concerne sa prétendue implication dans les attaques armées contre l’Ouganda durant la première période, la demande ougandaise est irrecevable au motif que l’Ouganda a renoncé à son droit d’invoquer la responsabilité internationale de la RDC (qui était à l’époque le Zaïre) à propos des actes qui remontent à cette période, et, subsidiairement, qu’elle est non fondée. Elle soutient par ailleurs que, s’agissant de la deuxième période, la demande n’est pas fondée en fait et que, concernant la troisième, elle ne l’est ni en fait, ni en droit.
La Cour ne voit pas d’obstacle à ce que la première demande reconventionnelle de l’Ouganda soit examinée en fonction de ces trois périodes et, pour des raisons pratiques, juge utile de procéder de la sorte.
S’agissant de la question de la recevabilité du premier volet de la demande reconventionnelle, la Cour observe que rien dans le comportement de l’Ouganda durant la période postérieure à mai 1997 ne peut être considéré comme impliquant une renonciation sans équivoque par celui-ci à son droit de présenter une demande reconventionnelle pour ce qui concerne les événements intervenus durant le régime Mobutu. Elle ajoute que la longue période écoulée entre les événements intervenus durant le régime Mobutu et le dépôt des demandes reconventionnelles de l’Ouganda n’a pas rendu irrecevable la première demande reconventionnelle de celui-ci pour ce qui concerne la période antérieure à mai 1997. Par conséquent, l’exception soulevée par la RDC à la recevabilité ne peut être retenue.
En ce qui concerne le fond de la demande reconventionnelle pour la première période, la Cour estime que l’Ouganda n’a pas produit de preuves suffisantes attestant que le Zaïre aurait apporté un soutien politique et militaire à des groupes rebelles antiougandais opérant sur son territoire sous le régime Mobutu.
S’agissant de la deuxième période, la Cour estime que l’Ouganda n’a pas fourni de preuves convaincantes d’un réel soutien de la RDC aux groupes rebelles antiougandais. La Cour note que la RDC agissait alors, de conserve avec l’Ouganda, contre les rebelles et non en leur faveur.
En ce qui concerne la troisième période, et ayant conclu que l’Ouganda avait mené une opération militaire illicite contre la RDC, la Cour estime qu’aucune action militaire entreprise par la RDC contre l’Ouganda au cours de cette période ne pourrait être considérée comme illicite, dès lors qu’elle serait justifiée au titre de la légitime défense en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies. En outre, la Cour a déjà conclu que la participation alléguée des troupes régulières de la RDC à des attaques menées par des rebelles antiougandais contre les UPDF ainsi que le soutien que la RDC aurait apporté à des insurgés antiougandais ne sauraient être considérés comme établis.
La première demande reconventionnelle doit donc être rejetée dans son intégralité.
 Deuxième demande reconventionnelle (306-344)
Dans sa deuxième demande reconventionnelle, l’Ouganda soutient que les forces armées congolaises ont attaqué les locaux de son ambassade; qu’elles ont confisqué des biens appartenant au gouvernement, au personnel diplomatique et à des ressortissants ougandais; et qu’elles ont infligé des mauvais traitements au personnel diplomatique et à d’autres ressortissants ougandais présents dans les locaux de la mission ainsi qu’à l’aéroport international de Ndjili.
Pour réfuter la deuxième demande reconventionnelle de l’Ouganda, la RDC soutient qu’elle est partiellement irrecevable au motif que ce dernier a invoqué de nouveaux fondements juridiques dans sa duplique pour établir la responsabilité de la RDC, en formulant des demandes fondées sur la violation de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. D’après la RDC, l’Ouganda rompt ainsi le lien de connexité avec la demande principale. La RDC affirme également que cette modification de l’objet de cette partie du différend est manifestement incompatible avec l’ordonnance de la Cour en date du 29 novembre 2001.
La RDC soutient en outre que la demande fondée sur le traitement inhumain de ressortissants ougandais n’est pas recevable, au motif que les conditions de recevabilité d’une demande au titre de la protection diplomatique ne sont pas remplies.
S’agissant du fond de la deuxième demande reconventionnelle, la RDC fait valoir que l’Ouganda n’a jamais été en mesure d’établir le bien-fondé en droit et en fait de ses réclamations.
S’agissant de la question de la recevabilité, la Cour conclut que son ordonnance du 29 novembre 2001 n’exclut pas l’invocation ultérieure de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, la formulation de cette décision étant suffisamment générale pour inclure des demandes fondées sur la convention. Elle observe en outre que l’objet du volet de la demande reconventionnelle relatif aux mauvais traitements infligés à d’autres personnes présentes dans les locaux de l’ambassade tombe sous le coup de l’article 22 de la convention et qu’il est recevable. Elle déclare en revanche que l’autre volet relatif aux mauvais traitements infligés à des personnes ne jouissant pas du statut diplomatique qui se trouvaient à l’aéroport international de Ndjili alors qu’elles tentaient de quitter le pays est fondé sur la protection diplomatique et que, faute d’éléments attestant la nationalité ougandaise de ces personnes, ce volet de la demande reconventionnelle est irrecevable.
Pour ce qui concerne le bien-fondé de la deuxième demande reconventionnelle de l’Ouganda, la Cour estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve attestant que des attaques ont eu lieu contre l’ambassade et que des mauvais traitements ont été infligés à des diplomates ougandais dans les locaux de l’ambassade et à l’aéroport international de Ndjili. La Cour conclut qu’en se livrant à ces actes, la RDC a manqué aux obligations lui incombant en vertu des articles 22 et 29 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Elle juge en outre que la disparition de biens et d’archives qui se trouvaient à l’ambassade ougandaise constitue une violation des règles du droit international sur les relations diplomatiques.
La Cour note que ce ne serait, à défaut d’accord entre les Parties, que lors d’une phase ultérieure de la procédure qu’il conviendrait d’apporter des éléments de preuve établissant les circonstances particulières de ces violations, les dommages précis subis par l’Ouganda et l’étendue de la réparation à laquelle il a droit.
Dispositif (par. 345)
Le texte intégral du dispositif se lit comme suit :
«Par ces motifs,
La Cour,
1) Par seize voix contre une,
Dit que la République de l’Ouganda, en se livrant à des actions militaires à l’encontre de la République démocratique du Congo sur le territoire de celle-ci, en occupant l’Ituri et en soutenant activement, sur les plans militaire, logistique, économique et financier, des forces irrégulières qui opéraient sur le territoire congolais, a violé le principe du non-recours à la force dans les relations internationales et le principe de non-intervention;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, Abraham, juges; M. Verhoeven, juge ad hoc;
CONTRE: M. Kateka, juge ad hoc;
2) A l’unanimité,
Déclare recevable la demande de la République démocratique du Congo selon laquelle la République de l’Ouganda a, au cours des hostilités entre les forces armées ougandaises et rwandaises à Kisangani, violé les obligations lui incombant en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire;
3) Par seize voix contre une,
Dit que, par le comportement de ses forces armées, qui ont commis des meurtres et des actes de torture et autres formes de traitement inhumain à l’encontre de la population civile congolaise, ont détruit des villages et des bâtiments civils, ont manqué d’établir une distinction entre cibles civiles et cibles militaires et de protéger la population civile lors d’affrontements avec d’autres combattants, ont entraîné des enfants-soldats, ont incité au conflit ethnique et ont manqué de prendre des mesures visant à y mettre un terme, et pour n’avoir pas, en tant que puissance occupante, pris de mesures visant à respecter et à faire respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire dans le district de l’Ituri, la République de l’Ouganda a violé les obligations lui incombant en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, Abraham, juges; M. Verhoeven, juge ad hoc;
CONTRE : M. Kateka, juge ad hoc;
4) Par seize voix contre une,
Dit que, par les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles congolaises commis par des membres des forces armées ougandaises sur le territoire de la République démocratique du Congo, et par son manquement aux obligations lui incombant, en tant que puissance occupante dans le district de l’Ituri, d’empêcher les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles congolaises, la République de l’Ouganda a violé les obligations qui sont les siennes, en vertu du droit international, envers la République démocratique du Congo;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, Abraham, juges; M. Verhoeven, juge ad hoc;
CONTRE : M. Kateka, juge ad hoc;
5) A l’unanimité,
Dit que la République de l’Ouganda a l’obligation, envers la République démocratique du Congo, de réparer le préjudice causé;
6) A l’unanimité,
Décide que, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet, la question de la réparation due à la République démocratique du Congo sera réglée par la Cour, et réserve à cet effet la suite de l


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