L’Asadho s’inquiète de la recrudescence de l’insécurité en Rdc
L'Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) est vivement préoccupée par la résurgence inquiétante de l’insécurité et les atteintes graves et inadmissibles aux droits civils et politiques en République démocratique du Congo.
En effet, depuis le début de l’année 2003, l’Asadho n’a cessé d’enregistrer des cas d’enlèvements, d’arrestations arbitraires et exécutions sommaires et extrajudiciaires, plus particulièrement dans les communes périphériques de Kinshasa. Quelques cas ci-dessous illustrent éloquemment l’ampleur de la situation.
Le 15 février 2003 vers 10 heures au village de Kiloso, non loin du fleuve Congo dans le territoire de Kasangulu, les corps de MM. Claude Nkembi alias Gourba, Aimédo Ngongi et deux autres personnes non autrement identifiées sont découverts sur le fleuve, visiblement abattus dans la nuit du 14 février par des militaires des Fac en vagabondage. Les victimes s’apprêtaient à traverser le fleuve par le beach de Kasangulu pour se rendre à Brazzaville, un endroit censé être gardé par une multitude de services de sécurité : l’Agence nationale des renseignements (Anr), les Forces armées congolaises (Fac), la Police nationale congolaise (Pnc), la Détection militaires des actions anti-patrie (Demiap)....
Le lundi 10 février à 21 heures, M. Michel Vulutour, chef du village Masaba en voyage à Kinshasa, est abattu derrière les bâtiments de l’Efobank par des militaires des Fac qui l’ont dépouillé de tout ses biens. Le même jour, Frère Antole Makengo Suala de la congrégation des frères de Saint Joseph de Kisantu en route pour Kinshasa, est tué par des militaires au niveau du centre de formation militaire de Kibomango.
Le jeudi 6 février à Manzanza dans la commune de la N’sele, M. Pierre Ndombi, fermier à la concession des sœurs de Virgo Fidelis de Kisantu, est enlevé par quatre militaires à bord de sa voiture Mazda immatriculée Kn 4657 Bc de couleur rouge avant d’être abattu plus loin. Ces militaires lui ont reproché son refus de leur verser la somme exigée.
Le mercredi 5 février au niveau de Manzanza, M. Jean Claude Mbemo, sentinelle de son état, résidant à N’djili Kilambu, est abattu dans la concession du feu Président Kasa-Vubu par des militaires agissant sur ordre du commandant Daniel non autrement identifié qui l’accuse d’avoir couché avec son épouse.
Le mercredi 29 janvier vers 23 heures au niveau de Mpasa 1, une jeep Land cruiser et un véhicule de marque Jeefang des Fac pénètrent dans le cimetière, transportant deux cadavres emballés dans des sacs, visiblement abattus dans la journée. A bord de la jeep se trouvaient des éléments des Fac portant des bandes rouges autour de la tête. Les deux corps ont été enterrés dans une fosse commune. Le même scénario s’est également déroulé la veille avec l’entrée d’un véhicule de marque Jeefang des Fac qui transportait quatre cadavres, visiblement abattus non loin de là.
Dans la nuit de mardi 28 au mercredi 29 janvier vers 20 heures 30', des éléments des Fac en patrouille à bord de quatre jeeps s’arrêtent devant une dame nommée Angèle Lukionga, maîtresse de son état qui revenait de Kinkole à pied pour se rendre à son domicile situé à Mikonga. Après l’avoir entourée, ces éléments des Fac l’ont brutalisée avant de l’entraîner derrière les bâtiments de l’Efobank où ils l’ont violée, tabassée et dépouillée de tous ses biens. La victime avait tout de même reconnu un élément des Fac du nom de Moze Mushari Apala habitant le camp aéroporté de Ceta, qui, malheureusement, n’a jamais été traduit en justice.
Des cas d’atteintes aux libertés de cultes et autres libertés civiles et politiques ont été observés ces derniers temps comme l’attestent les arrestations en cascade des membres de l’église Bundu dia Kongo et des militants de l’Udps, un parti d’opposition.
Le 10 février vers 10 heures à Kasangulu, Ne Mavakala Mpanzu du village Luila, Ne Mukoko Mawoka de Kasangulu, Ne Mbongo Tati de Sona Bata et Ne Luzolo Zola Konga, fermier résidant à Kasangulu, tous adeptes de l’église Bundu dia Kongo, sont arrêtés, torturés par des éléments de la Police nationale congolaise qui les ont conduits à Kikonga, village situé à plus de 120 Km où ils ont été détenus. Arrêtés en plein culte à Kasangulu, ces adeptes de Bundu dia Kongo ont été transférés le mercredi 12 février au cachot du parquet de Grande Instance de Kisantu, où ils ont été écroués sans être entendus alors qu’aucun motif de leur arrestation n’est avancé.
A Kinshasa, une cinquantaine de militants de l’Udps ont été arrêtés lors d’une marche pacifique organisée par leur parti le vendredi 14 février avec comme objectif de soutenir la mise en œuvre de l’Accord de Pretoria. Bien que la plupart ont été relâchés quelques jours après, M. Badibanga Alphonse, secrétaire fédéral de l’Udps/Funa, est toujours détenu à la direction des services spéciaux de la police, y compris les 30 mamans de l’Udps/N’djili écrouées dans les cachots de N’djili et de Masina. Le même jour, Norbert Luyeye, secrétaire national de l’Udps, est porté disparu jusqu’à ce jour.
L’Asadho qualifie ces actes de meurtres barbares et inadmissibles commis par les militaires des Fac qui exécutent sommairement des paisibles citoyens sans qu’aucun motif, ni aucune procédure judiciaire ne soit entamé. Ces actes constituent des pires violations graves des droits fondamentaux des citoyens, singulièrement les droits sacrés à la vie et à la liberté individuelle garantis par les instruments juridiques internationaux auxquels la République démocratique du Congo est partie.
L’Asadho note aussi la volonté délibérée du gouvernement de Kinshasa, d’étouffer la démocratie et les activités des partis politiques d’opposition à la veille de l’endossement de l’accord politique global et inclusif négocié à Pretoria, Ce qui constitue une menace sérieuse à la réconciliation nationale et surtout un obstacle délibérément dressé contre l’application effective de cet accord.
Enfin, l’Asadho exige la libération des adeptes de l’église Bundu dia Kongo et des militants de l’Udps dont certains sont illégalement détenus à l’Inspection provinciale de Kinshasa (ex-Circo) et à la Cour d’ordre militaire, et qui ne sont jamais transférés devant aucune juridiction compétente.
Fait à Kinshasa, le 18 février 2003
