Discours du Président Joseph Kabila lors de la promulgation de la Constitution de la Troisième République

Discours de Kabila à la promulgation de la Constitution

Mes Chers Compatriotes,

Avant tout propos, je voudrais saluer, parmi nous, la présence de mes collègues Chefs d'Etat.

J'ai cité :
Le Président Denis SASSOU NGUESSOU, Président de la République du Congo et Président en exercice de l'Union Africaine ;
Le Président THABO MBEKI de la République d'Afrique du Sud ;

Je relève également la présence de :

Monsieur Joaö Bernando de MIRANDA, Ministre des Relations Extérieures de la République d'Angola

Monsieur Louis MICHEL, Commissaire Européen au développement ;

Monsieur KETUMILE MASIRE, Ancien Président de la République du Botswana et Facilitateur du Dialogue Intercongolais ;

Monsieur le Premier Ministre MOUSTAFA NYASSE, ancien envoyé spécial du Secrétaire Général de l'ONU pour le processus de paix en République Démocratique du Congo ;

Monsieur Aldo AJELLO, envoyé spécial de l'Union Européenne pour la Région des Grands Lacs.

Leur présence à cette cérémonie témoigne de l'amitié et de la solidarité de la communauté internationale à l'égard du peuple congolais. En votre nom et au mien propre, je leur dis merci.

Chers Compatriotes,

Il y a exactement deux ans, dix mois, et quinze jours, j'ai promulgué la Constitution de la transition, en ce lieu historique où fut proclamée, le 30 juin 1960, l'indépendance de notre pays.

Le destin a voulu que je signe et promulgue, en ce même lieu, la nouvelle Constitution de la République Démocratique du Congo.

Mais avant d'expliquer la procédure de son élaboration et son contenu, il m'a paru utile de rappeler quelques faits majeurs afin de mieux saisir le sens, la signification et la portée à la fois historique, politique et juridique de l'événement que nous vivons ce jour.

Après avoir trouvé solution à l'agression dont a été victime le pays, les parties congolaises à la crise et la société civile ont négocié un Accord politique permettant le rétablissement de la paix et la gestion consensuelle du pouvoir pendant la transition, en attendant que le Peuple souverain choisisse librement ses dirigeants.

Les Institutions issues de l'Accord Global et de la Constitution de la Transition ont œuvré ensemble pour réaliser les objectifs principaux de la Transition, en vue de l'organisation d'élections libres, démocratiques et transparentes.

C'est dans ce cadre qu'a été organisé, le 18 et le 19 décembre 2005 le référendum constitutionnel dont les résultats définitifs ont été rendus publics par la Cour Suprême de Justice. Ces résultats démontrent, sans équivoque, l'adhésion massive de notre Peuple à la nouvelle Constitution.

Chers compatriotes

Ce choix du Peuple ne peut être interprété comme la victoire d'un camp sur un autre. C'est plutôt la victoire du Peuple congolais dans son ensemble, qui a toujours demandé la fin de cette longue et pénible Transition qui a commencé depuis avril 1990.

La Constitution que je viens de promulguer concerne tous les Congolais. Elle est la Loi suprême qui encadre le pouvoir politique en déterminant la manière dont il s'établit, s'exerce et se transmet dans l'Etat, sans omettre la protection des droits fondamentaux.

Même si l'ambition de toute Constitution est de demeurer le plus longtemps possible en vigueur, il s'agit d'une œuvre humaine, et donc, par définition, perfectible.

C'est pourquoi, la Constitution elle-même prévoit la procédure de révision qui ne peut cependant remettre en cause la forme républicaine de l'Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical.

Chers Compatriotes,

Par cette Constitution qui est le fruit des efforts conjugués et consensuels de l'ensemble des forces politiques et sociales de la Nation, le Peuple congolais proclame sa foi en l'avenir et prend l'engagement d'ériger, au cœur de l'Afrique, un Etat de droit, uni et indivisible, social et démocratique.

Signe d'espoir et symbole du renouveau, la nouvelle Constitution se distingue de celles qui l'ont précédée non seulement par son contenu, mais aussi et surtout par la procédure de son élaboration.

En effet, en 1960, bien que s'inspirant des résolutions de la table ronde, la loi fondamentale a été formellement l'œuvre du parlement belge.

Alors qu'une procédure avait été prévue dans la loi fondamentale pour l'élaboration de la Constitution du Congo, la Constitution du 1er août 1964 a été rédigée par une commission constitutionnelle non
prévue par la loi fondamentale et proposée à la censure populaire par le Gouvernement qui avait lui-même organisé le référendum.

Quant à la Constitution du 24 juin 1967, elle a été proposée au référendum par le Gouvernement et ce, sans aucune intervention de l'Assemblée Nationale et du Sénat.

Chers Compatriotes,

En ce qui concerne la nouvelle Constitution, la procédure prévue par l'Accord Global et la Constitution de la Transition a été respectée.

Initiée par le Sénat sous forme d'avant-projet et adoptée par l'Assemblée Nationale sous forme de projet, elle a été soumise à l'approbation du Peuple par la Commission Electorale Indépendante, sans intervention du Gouvernement. Les résultats définitifs du référendum ont été vérifiés et proclamés par la Cour Suprême de Justice.

S'agissant de son contenu, la Constitution réalise une synthèse conciliatrice entre les tendances unitaristes et les tendances fédéralistes, en instituant un Etat fortement décentralisé, composé de la ville de Kinshasa et de vingt cinq provinces dotées de la personnalité juridique, jouissant de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques.

Le découpage territorial et administratif opéré par la Constitution en faisant passer le nombre de provinces de onze à vingt cinq vise à concrétiser la politique de proximité tant souhaitée par le Peuple congolais.

Et pour permettre de corriger les déséquilibres de développement entre les provinces, la Constitution a créé une Caisse nationale de péréquation, qui marque, de façon visible, la solidarité nationale.

Quant au régime politique, la Constitution établit un régime mixte et reconnaît comme institutions de la République, le Président de la République, élu au suffrage universel direct, le Parlement, composé de l'Assemblée Nationale et du Sénat, le Gouvernement, dirigé par un Premier Ministre, et responsable devant l'Assemblée Nationale.

Les membres du pouvoir judiciaire sont gérés par le Conseil Supérieur de la Magistrature désormais composé des seuls magistrats.
La Constitution a éclaté la Cour Suprême de Justice en trois juridictions distinctes : la Cour de cassation, le Conseil d'Etat et la Cour constitutionnelle.

Enfin, il importe de signaler, comme innovations constitutionnelles, le principe de la parité homme-femme dans les institutions nationales, provinciales et locales et le Conseil Economique et Social, la reconnaissance de l'autorité coutumière qui est dévolue conformément à la coutume locale.

Chers Compatriotes,

Cette Constitution est une des dernières étapes dans le processus de Transition initié par l'Accord Global.

A mon sens, à l'exception des élections qui seront bientôt organisées, les objectifs assignés à la Transition ont été atteints globalement et de manière satisfaisante sur le plan politique.

Après la promulgation de la Constitution, il appartient à l'Assemblée Nationale et au Sénat d'adopter la loi électorale et à la Commission Electorale Indépendante d'établir le calendrier pour organiser les élections à tous les niveaux.

Chers Compatriotes

La République Démocratique du Congo vient de franchir une étape déterminante dans sa marche vers la normalisation et la résolution de l'éternel problème de la légitimité des gouvernants. A partir de cet instant, plus rien ne pourra retarder l'organisation des élections qui s'annoncent à l'horizon. J'invite, d'ores et déjà, tous les acteurs politiques, par respect pour notre Peuple, à se soumettre au verdict des urnes.

L'élégance en politique, et particulièrement en matière électorale, exige que les règles du jeu soient respectées, aussi bien en amont qu'en aval, car seul le Peuple est souverain.

Le pays vient de rompre avec le provisoire qui le régissait depuis 1990. Les jalons sont posés, le chemin est totalement balisé. il appartient maintenant aux acteurs politiques de démontrer leur génie pour que les souhaits du Peuple se transforment en réalité. Le temps du partage équitable et équilibré du pouvoir fait, désormais, partie du passé. Tout se fera en fonction des choix que le Peuple lui-même
aura opérés.

Chers compatriotes

Je ne voudrais pas terminer mon propos, sans d'abord rendre grâce à Dieu qui nous a comblé de ses bénédictions et qui a permis au processus de transition de se poursuivre jusqu'à ce stade ; et ensuite de féliciter le Peuple congolais qui a su prouver, malgré les multiples difficultés, que la patience et la détermination peuvent tout vaincre et redonner à un Peuple son identité et les moyens de faire face aux défis de tous genres.
C'est aussi pour moi l'occasion indiquée pour remercier les acteurs politiques congolais qui, face à l'intérêt général, ont su taire leurs dissensions et ambitions afin de préserver l'unité et la cohésion nationales.

J'adresse mes félicitations aux honorables Députés et Sénateurs qui se sont donné corps et âme pour mettre, à la disposition de la Nation, l'instrument qui organise les relations entre les différents pouvoirs constitués.

Je félicite également les Institutions d'Appui à la Démocratie, spécialement la Commission Electorale Indépendante qui, malgré l'étendue du pays, a pu se surpasser pour que les opérations d'identification et d'enrôlement des électeurs, ainsi que celles du référendum constitutionnel se déroulent conformément à la Loi et en toute transparence.

Avec l'expérience acquise par la Commission Electorale Indépendante et la maîtrise de l'environnement, nous pouvons affirmer que les élections proprement dites se passeront dans les meilleures conditions.

Je voudrais rendre hommage aux jeunes, aux femmes, aux hommes et spécialement aux éléments des forces armées et de la police nationale ainsi que des services de sécurité qui ont servi la Nation jusqu'au sacrifice suprême.

Enfin, comment ne pas remercier l'Organisation des Nations Unies, l'Union Africaine, l'Union Européenne, les pays amis et tous les hommes et femmes de bonne volonté qui ont fait de la question congolaise leur préoccupation quotidienne.

Chers Compatriotes,

L'objectif poursuivi par notre peuple depuis l'indépendance est de doter le pays des institutions stables, évoluant dans la paix, afin de consolider la démocratie et d'amorcer la reconstruction du pays.

La Constitution promulguée ce jour rencontre cette préoccupation et inaugure une ère nouvelle pour notre pays. Mais en définitive, l'évolution du processus politique et la stabilité des institutions dépendront non seulement de l'usage que les Congolais feront de cette Constitution mais surtout de la culture et de la pratique inhérentes au respect des textes des lois et des engagements souscrits.

Mes Chers Compatriotes,

J'ai dressé un bref bilan du processus politique de la transition en vous affirmant que l'essentiel a été accompli pour conduire le pays vers un nouvel ordre politique basé sur le respect de la volonté du peuple.

J'ai relevé l'importance que revêt l'organisation des élections en appelant tous les acteurs politiques à la loyauté et à la tolérance.

J'invite enfin le Peuple, face aux échéances électorales, à préserver la paix, la cohésion et l'unité nationales.

Dans le même ordre d'idée, j'en appelle aux acteurs politiques pour qu'ils évitent tout discours de haine et tout populisme en réanimant les clivages fondés sur les religions, les clans, les tribus et les régions.

Quant à moi, conformément à mes prérogatives constitutionnelles, je respecterai et ferai respecter, par tous, l'esprit et la lettre de la Constitution ainsi que les lois de la République.

Puisse Dieu bénir la République Démocratique du Congo.

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie