Des alliances pour sauver la RD Congo de la partition Est-Ouest
Des alliances pour sauver le Congo de la partition
Est-Ouest.
Au regard des élections qui viennent de se dérouler
dans notre pays, il me semble que tous les ingrédients
sont à présent réunis pour donner la mort à l’Etat
Congo en tant que nation. En effet, pour ceux et
celles d’entre nous qui restent encore lucides, la
proclamation tant attendue des résultats des élections
sera la dernière goutte qui débordera et qui fera que
ce pays éclate en plusieurs petits états par la
volonté de ceux qui ont décidé de nous accompagner à
parfaire un processus chaotique.
Hier, au moment de l’indépendance, les historiens nous
disent que le débat a tourné autour du caractère vaste
de ce pays qu’il fallait scinder en plusieurs états
indépendants pour le bien des différentes ethnies
incapables de vivre ensemble et surtout pour le
bonheur des nations étrangères qui ne concevaient ce
pays que comme un no man’s land que tous et chacun
pouvaient exploiter.
Hier, récent, à la fin du régime Mobutu, la question
de la partition du Congo revient à l’ordre du jour. Le
Congo ne doit son salut qu’à la volonté des Congolais
et des amis du Congo de sauvegarder l’intégrité
territoriale du Congo. Mobutu, consciemment ou pas, a
créé une nation de par les échanges et mariages
interethniques intervenus durant ses années de règne.
A cette époque, ceux qui, sur le plan international et
régional, ne juraient que par la partition du Congo,
ont dû déchanter.
A cette époque, les puissances régionales complices
des puissances occidentales qui ne réfléchissent qu’en
terme de dualité ont voulu faire croire aux Congolais
et à l’humanité que la guerre du Congo opposait deux
ethnies fictives: une minorité Tutsi, nilotique et une
majorité bantoue.
C’est sans doute ce qui a coûté la mort à Kabila père
avec la complicité des Congolais et autres étrangers
devenus Congolais le temps d’une révolution.
Aujourd’hui, toujours dans la création de conditions
qui justifieront la partition future et la fin du
Congo-Etat, les élections de façade seront un outil
fatal pour régler cette question. En effet,
aujourd’hui, le pays, notre pays se réveille après les
élections en blocs Est-Ouest. Par la bêtise de
certains Congolais, par la complicité de certains
responsables politiques à nationalité douteuse et
surtout par la volonté de certains lobbies régionaux
et internationaux, le pays, notre patrie se découvre
divisé superficiellement en deux camps entre les
«lingalaphones » et les « swahiliphones ».
Les limites géographiques subtilement établies dans
les cartes de la MONUC entre les forces de la Monuc
installées à l’Est et à l’Ouest du pays (pour notre
information, les limites partent de la frontière entre
la province orientale, les deux Kivus, le Maniema et
le Katanga) s’ajoutent à la division linguistique.
A ces deux éléments s’ajoutent, aujourd’hui, la
déception prochaine causée par la proclamation des
résultats des élections de façade. Furieux, chauffé à
blanc par une CEI visiblement dépassée par l’ampleur
du travail à réaliser (il suffit, à ce sujet, de voir
l’état chaotique du travail qui se déroule dans le
centre de compilation), ce peuple victime d’un rapt
électoral qui se profile à l’horizon, se trompera
d’ennemi et s’entretuera donnant ainsi aux
commanditaires de la partition du Congo les raisons de
mettre fin à l’Etat Congo ! Ne l’oublions pas, l’URSS
a cessé d’exister pour céder la place à la Russie par
la volonté des maîtres actuels du monde. Le Congo,
dans ses limites géographiques actuelles, n’est pas
éternel !
Je ne veux pas être un prophète de malheur. Mais je
pense qu’il est de mon devoir de tirer la sonnette
d’alarme afin qu’ensemble on réfléchisse sur ce que
pourrait donner cette fausse couche électorale (pour
paraphraser un homme politique de ce pays). Il ne faut
pas se voiler la face. S’il y a un second tour, il
affectera certainement les alliances à venir qui se
focaliseront autour du thème central : « sauvons le
Congo de la partition Est-Ouest ».
1. De la proclamation des résultats La surchauffe que
l’on remarque autour de la proclamation des résultats
ne rassure personne d’autant plus que la CEI n’inspire
pas confiance à l’électorat congolais. C’est ce qui
explique sans doute ces précautions qui cachent mal la
peur d’une CEI qui gère ce processus par procuration,
pratiquant, malgré elle, une rétention régulière des
informations. C’est ce qui explique les nombreux
rappels à l’ordre du CIAT qui soudain se rend compte
que l’édifice peut s’écrouler parce que bâtie sur du
sable. C’est enfin ce qui explique la constitution
précipitée d’un comité de sages au rôle nébuleux, mais
qui, vraisemblablement va s’efforcer, dans les jours
qui viennent, à organiser les concertations jadis
refusées afin de faire avaler la pilule amère des
résultats qui risquent de ne pas refléter la volonté
des électeurs et électrices congolais. C’est aussi ce
qui explique les déclarations musclées du commandement
des Forces de l’Union Européenne qui vantent déjà leur
puissance de feu afin de décourager tout refus des
résultats proclamés par la communauté internationale
via CEI.
Cet ensemble de dispositifs ne doit pas distraire les
Congolais et Congolaises car la question de
l’intégrité territoriale de notre pays dépendra de la
proclamation responsable des résultats des élections.
Dans le cas contraire, le théâtre est déjà planté pour
que les animateurs du projet de la partition du Congo
au sommet de l’Etat et ailleurs dans le pays comme à
l’étranger creusent le fossé qu’ils ont astucieusement
et patiemment favorisé entre l’Est et l’Ouest pour
asséner le coup fatal au Congo.
Toujours dans le cadre de ce théâtre, les Congolaises
et Congolais poussés au désespoir commencent déjà à
adopter le discours de cette division Est-Ouest. On
commence déjà à entendre ces phrases de la division
qui consacreront, dans un demain récent, la fin du
Congo :« puisque nos frères et sœurs de l’Est
affirment que Joseph Kabila a été massivement voté à
l’Est ; qu’ils le prennent pour gérer cette partie du
pays et que l’Ouest soit géré par celui qui a gagné
les élections à l’Ouest, entendez Jean Pierre Bemba !
»
Les animateurs du projet de partition du Congo doivent
déjà se frotter les mains. Leur rêve est en voie de
réalisation par la volonté des Congolaises et
Congolais. Il sera juste question de s’assurer que
personne ne débordera les frontières déjà établies par
la carte physique de la MONUC entre l’Est et l’Ouest
(voir carte de la répartition des troupes : ¾ à l’Est
et ¼ à l’Ouest renforcées par 2000 hommes de l’EUFOR).
Mais, à ce niveau de notre réflexion, il est impérieux
de soulever quelques questions fondamentales quant à
l’existence de ces nouveaux États ainsi créés :
• Quelle chance aura l’Etat de l’Est dans sa
configuration géographique avec pour centre de
décision le Katanga, terre présumée d’origine du chef
d’Etat élu à l’Est ?
• Quelle sera l’attitude des deux Kivus, des régions
qui seront sous l’emprise du Rwanda comme jamais avant
? Les réclamations actuelles du RCD concernant la
crédibilité des élections dans cette partie du pays ne
concernent pas seulement les élections présidentielles
mais aussi la représentation des membres de la
communauté du Vice Président Ruberwa au sein du
nouveau Parlement !
• Qui contrôlera demain la Province Orientale et
particulièrement l’Ituri tant convoitée pour son sous
sol ou encore les régions de Beni et Butembo ? Le
gouvernement de l’Est dont la capitale serait à
Lubumbashi ou l’Ouganda dont l’influence sera
désormais manifeste dans cette région ? Des combats en
perspective entre l’Ouganda et le Rwanda dans cette
région sous le regard complice des lobbies pétroliers
et miniers francophones et anglophones et devant
l’impuissance du régime de Lubumbashi sans armée
régulière?
• Qui peut assurer que les Katangais du «Katanga
utile», pour utiliser une expression en vogue au
Katanga, vont continuer à rester dans ce bloc de l’Est
pour faire l’objet de continuels pillages et
expropriations sur la terre de leurs ancêtres ?
• Quel sera le rôle de la Tanzanie dans ce nouvel
Etat, elle qui, jusqu’ici, joue sa partition en toute
discrétion, par hommes d’affaires et militaires
interposés ? Des conflits en perspectives avec le
Rwanda ?
Dans cette perspective, on pourrait se poser les mêmes
questions sur ce qui pourrait se passer à l’Ouest.
Thierry Nlandu Mayamba, Professeur à la
Faculté des Lettres Université de Kinshasa.

