Mémorandum du COJESKI au Président de la RDCongo : Procès Pascal KABUNGULU
Kinshasa, le 17 Août 2006
N / Réf: 912/ COJESKI/ECN /06/lm
A l’Attention de son Excellence Monsieur Joseph KABILA
Président de la République Démocratique du Congo à
Kinshasa – Gombe.
Concerne :
Procès relatif à l’assassinat le 31 Juillet 2005 à Bukavu / Sud-Kivu du Défenseur des Droits de l’homme Monsieur Pascal KABUNGULU KIBEMBI, Secrétaire Exécutif de Héritiers de la Justice : MANIPULATIONS POLITIQUES, NOYAUTAGE DE LA JUSTICE ET EFFACEMENT DES TRACES.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Nous avons l’honneur de vous présenter nos compliments et vous adresser le présent Mémorandum dont l’objet repris en marge et vous en souhaitons bonne réception.
Pour rappel, Nous sommes un Réseau National de 340 Organisations des jeunes, de droit congolais oeuvrant sur toute l’étendue de la République Démocratique du Congo depuis octobre 1995, doté de la personnalité juridique, jouissant du statut d’observateur auprès de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples / Union Africaine et du Statut Consultatif spécial auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies ( ECOSOC ) , membre du Réseau National des ONGs des droits de l’homme de la République Démocratique du Congo (RENADHOC) , membre du Conseil National de la Jeunesse (CNJ / RDC), membre du Bureau International de Paix / International Peace Bureau ( IPB ), et membre du Conseil de coordination du Forum Mondial de la Société Civile / World Civil Society Forum ( WCSF ).
En effet, Le Présent mémorandum fait suite à notre lettre ouverte portant référence 692/ COJESKI/ ECN/ 05/ hl vous adressée en date du 16 août 2005 et restée sans suite une année durant. Excellence Monsieur le Président de la République, Nous vous prions de bien vouloir user de vos prérogatives constitutionnelles en votre double qualité de garant de la Constitution et Commandant Suprême des Forces Armées de la République Démocratique du Congo pour que les auteurs et commanditaires de l’assassinat de notre Collègue Pascal KABUNGULU répondent de leurs ignominieux actes de brigandage.
Pour ce qui est des faits de cet assassinat, il y a lieu de retenir ce qui suit :
a). Dans la nuit du Samedi 30 au Dimanche 31 Juillet 2005 vers 03 heures 30 du matin, Monsieur Pascal KABUNGULU KIBEMBI Secrétaire Exécutif de l’Association de Défense des Droits de l’Homme, « HERITIERS DE LA JUSTICE » est froidement abattu dans sa maison par un Commando d’au moins trois hommes armés de fusils et de baïonnettes qui à bout portant lui ont logé trois balles dans l’abdomen.
b) Le Jeudi 04 Août 2005 à 13 heures alors que l’Auditorat Militaire de Garnison de Bukavu venait une heure avant de mettre en Prison Centrale de Bukavu en détention préventive les présumés assassins de M. Pascal KABUNGULU, dont le Capitaine Gaston S2 105ième Brigade et du Lieutenant BASCO des Forces Armées de la RDC à Bukavu (Tous non autrement identifiés). L’insolite s’est aussitôt produit. En effet, celui-là même qui avait en charge la sécurité de la ville de Bukavu, le Colonel Thierry ILUNGA, Commandant de la 105ième Brigade des Forces Armées Nationale de la RDC à Bukavu qu’accompagnait le Colonel RAMA non autrement identifié et le Major Jacques non autrement identifié, tous Officiers des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, ont fait irruption dans la Prison Centrale de Bukavu armes aux poings, imposant respect aux gardiens de la prison et obstruant la Justice, libéré de force les deux premiers suspects vers une destination inconnue. Cet acte a frappé de stupeur et a freiné net toutes les initiatives d’enquêtes diligentées par l’Auditorat Militaire de Bukavu ;
c) Le procès qui a commencé depuis le lundi 28 novembre 2005 par le Tribunal militaire de garnison de Bukavu siégeant en matières répressives au premier degré, est à ce jour interrompu. Il fait l’objet de plusieurs ménaces d’obstruction et de manipulations politiques de nature à dissiper la vérité sur cet assassinat et à favoriser la fuite de tous les auteurs présumés contrairement à la décision du Tribunal qui stipulait que : « les témoins ne doivent pas quitter la ville de Bukavu ni se retrouver aux frontières, au port ou à l'aéroport jusqu'au prononcé du jugement ».
A la lumière de l’évolution du procès de notre collègue Pascal KABUNGULU KIBEMBI, il s’observe les tentatives de noyautage de la justice militaire de la province du Sud-kivu par les éléments suivants :
1. Le procès qui cherchait à établir la vérité sur l’assassinat du Défenseur des Droits de l’Homme, Monsieur Pascal KABUNGULU KIMBEMBI intervenu le 31 juillet 2005 aux environs de 4h30’, devrait poursuivre son cours normal en vue de dire le droit et d’appliquer la loi, c'est-à-dire à la fois rendre justice et rompre avec le spiral de l’impunité, de la banalisation de la vie humaine et de la sacralisation des crimes politiques en République Démocratique du Congo ;
2. Le COJESKI–RDC constate avec regret les mutations de service savamment organisées par une certaine classe politique et militaire de la R.D.Congo aux fins de dissiper et d’obscurcir à volonté les pistes d’enquêtes dores et déjà à l’actif de l’Auditorat Militaire de Garnison de Bukavu ;
3. Contrairement aux attentes de la population en général et des Défenseurs des Droits de l’Homme de notre pays en particulier, nous venons de constater, cet avant midi du 15 Août 2006, l’exercice surprenant et précipité d’une remise–reprise qui remplace l’Auditeur Supérieur de Garnison de Bukavu le Lieutenant-Colonel MAJALIWA MULINDWA en charge du dossier au profit du Colonel MATAMBOY aux fonctions d’Auditeur Supérieur. Le premier est muté au service de la documentation de l’Auditorat Général à Kinshasa ;
4. Le nommé Major MANANGA, Chargé des renseignements de la 10ème Région militaire serait aussi muté au Bas–Congo aux fins de l’éloigner du procès qui pourrait se poursuivre à tout moment ;
5. Le principal présumé auteur et/ou commanditaire de l’assassinat de notre Collègue Pascal KABUNGULU, le Commandant de la 105è Brigade à Bukavu le Colonel Thierry ILUNGA (Mis sous inculpation pour assassinat et association de malfaiteurs, a été conduit le 13 décembre 2005 à la Prison Centrale de Bukavu d’où il a été extrait le même jour dans la nuit aux environs de 2h30’ par les autorités militaires et administratives de la province du Sud-kivu à la suite des pressions politiques) a été quant à lui promu commandant de Brigade intégrée basée à Goma dans la province du Nord – Kivu où il séjourne actuellement ;
6. A ce protectionnisme désobligeant et détracteur des Droits Humains, s’ajoute l’évasion dûment orchestré de plusieurs autres présumés assassins et / ou complices qui étaient en détention dans la prison centrale de Bukavu ;
7. Aussi, faut – il dénoncer que tous les Magistrats Militaires qui participent au procès Pascal KABUNGULU sont à leur tour menacés de mutations injustifiées ;
8. Encore faut-il ajouter, qu’il s’observe la « disparition dans la circulation» des personnes impliquées dans le procès tel que Monsieur WANDJO (Agent de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) et témoin inculpé lors de l’audience du jeudi 08 décembre 2005 dans le procès Pascal Kabungulu au motif des préventions de faux témoignage et de dénonciations calomnieuses) ainsi que l’invasion de la prison centrale de Bukavu de Monsieur Jean-Marie Vianney KATULA NFUNDIKO (Etudiant de son état en décembre 2005 à l’ISP/Bukavu, né à Bukavu, le 24 octobre 1964, ressortissant du Sud-Kivu et ancien enseignant des Mathématiques au Groupe Scolaire de Kigeme, en préfecture de Gikongoro au Rwanda );
9. Le Capitaine Gaston SANGBA et le Lieutenant Basco LABANA, le 1er sergent LIAMA MAFOLO Patrick (Militaire qui aurait tiré sur Pascal KABUNGULU), le 1er sergent ISSA BALIMUACHA et le sous lieutenant NGABOYEKA Jérémie (Tous avec pour préventions retenues à leurs charge : assassinat, association des malfaiteurs, dissipation des munitions de guerre et vol à main armée), risquent également d’évader de la prison et/ou disparaître totalement avant que le jugement ne soit rendu ;
10. Le Colonel dit RAMA compagnon du Colonel Thierry ILUNGA, serait aussi en mutation dans la province du Nord-Kivu pour des raisons injustifiées ;
11. Les autres témoins de près ou de loin dans cette affaire ne cessent de disparaître de la circulation et d’autres subissent ponctuellement des menaces précises et poursuites extrajudiciaires.
Excellence Monsieur le Président de la République, au regard de tout ce qui précèdent et vue l’émergence de l’impunité due à l’existence à Bukavu et à Goma des Officiers militaires dits « intouchables » et qui s’interfèrent dans l’administration de la justice ;
Nous vous prions instamment :
I.De bien vouloir vous saisir d’office dudit dossier pour que les présumés auteurs déjà identifiés par l’Auditorat Militaire de Garnison de Bukavu et les présumés commanditaires, répondent rapidement de leurs actes ;
II.De promulguer le plus rapidement qu’il vous sera possible une loi portant promotion et protection des Défenseurs des Droits de l’Homme en République Démocratique Congo comme mécanisme de mise en œuvre dans notre pays de la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme ;
III.De bien vouloir nommer en urgence deux Colonels Magistrats Militaires de carrière au grade de Généraux pour permettre à la Haute Cour Militaire qui ne dispose à ce jour que d’un seul Général magistrat de carrière, de commencer à siéger valablement pour des cas et infractions concernant les officiers Généraux des FARDC qui seraient impliqués dans les graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire; et ce, conformément à l’article 10 alinéa 2 du code de Justice Militaire ;
IV.De tout mettre en œuvre pour suspendre immédiatement toutes les mutations de service en cours et qui concernent au plus haut point les magistrats, les témoins et les présumés auteurs de l’assassinat du Défenseur des droits de l’homme Pascal KABUNGULU KIBEMBI ;
V.De tout mettre en œuvre pour la délocalisation de Bukavu à Kinshasa du procès Pascal KABUNGULU, ce qui permettra son bon déroulement ainsi qui son aboutissement harmonieux ;
VI.De bien vouloir donner priorité au traitement de ce dossier faute de quoi le COJESKI-RDC en communion avec toute la communauté congolaise des défenseurs des droits de l’homme, se trouvera fort malheureusement obligé et de plein droit, de transférer ce dossier auprès des instances régionales et internationales compétentes pour que la République Démocratique du Congo arrive à répondre de ses obligations internationales en matière de l’administration de la justice et de la protection des droits de l’homme.
Dans l’espoir d’une suite satisfaisante émanant de votre compétence, Nous vous prions d’agréer Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments patriotiques de très haute considération et de remerciements anticipés.
En tout dévouement pour la cause des droits de l’homme.
Pour le COJESKI-RDC,
Henry LUKULA
Secrétaire Général
Fernandez MURHOLA
Coordonnateur National
Transmis copie pour information à :
- Son Excellence Monsieur KOFI ANAN
Secrétaire Général des Nations Unies à New-York
- Me Frederic TITINGA PACERE
Expert Indépendant de l’ONU sur la situation des
Droits de l’homme en
RDC.
- Madame HINA JILANI
Représentante Spéciale du Secrétaire Général de l’ONU
sur la situation des Défenseurs des Droits de l’Homme
à Genève/ Suisse.
- Monsieur Philip ALSTON
Rapporteur Spécial de l’ONU sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires à Genève/
Suisse.
- Monsieur Leandro DESPOUY, Rapporteur Spécial de l’ONU
sur l’indépendance des Juges et des Avocats à Genève/
Suisse ;
- A Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire
Général de l’ONU en RDC ;
- A Monsieur le Chef d’Etat Major Général des FARDC à
Kinshasa ;
- A Monsieur le Procureur Général de la République à
Kinshasa ;
- A Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême de
Justice à Kinshasa ;
- A Monsieur le Président de la Haute Cour Militaire à
Kinshasa-Gombe ;
- A Monsieur l’Auditeur Général des Forces Armées de la
RDC à Kinshasa.
