RD Congo : Les Organisations professionnelles des médias congolais décident de réactiver le « tribunal des pairs »
A l’initiative de l’Organisation indépendante de défense et de promotion de la liberté de la presse en RD Congo, Journaliste en danger (JED), les Organisations professionnelles des médias congolais dont les noms suivent :l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC) ; l’Observatoire des médias congolais (OMEC) ; l’Association nationale des Entreprises de l’audiovisuel privé (ANEAP) ;l’Association nationale des Editeurs du Congo (ANECO) ; l’association des Radios communautaires (ARCO), auxquelles se sont joints le Président de la Haute Autorité des médias (HAM) ainsi que quelques responsables des chaînes privées de télévisions, se sont réunies, mardi 29 août 2006, dans la salle de réunion de l’agence Syfia Internationale à Kinshasa/Ngaliema. Cette réunion de concertation, sous le thème « Médias et enjeux de l’heure », faisait suite à des incidents graves ayant conduit à des affrontements armés à Kinshasa, du 20 au 22 août 2006, entre des éléments de la garde présidentielle et ceux commis à la garde du Vice président de la république Jean Pierre bemba, après la proclamation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Pour rappel, à la suite des ces événements sanglants, au moins trois stations de radiotélévision, à savoir Canal Congo Télévision (CCTV), Canal Kin télévision (CKTV), Radio Liberté Kinshasa (RALIK), toutes appartenant à Monsieur Jean Pierre Bemba, ainsi que la Chaîne Molière Télévision, ont été réduites au silence par une coupure méchante de leur signal, au motif non officiel d’avoir contribué à mettre de l’huile sur le feu par la diffusion des émissions et des images incitant à la haine et à la violence. Les échanges des organisations professionnelles des médias ont alors tourné autour des points suivants :
1. L’analyse des événements qui ont conduit à la coupure du signal des chaînes de télévisions précitées, et à l’imposition de la signature d’un Acte d’engagement proposé par la Haute Autorité des Médias ;
2. L’autocritique de la pratique professionnelles et de l’action des structures chargées de l’autorégulation de la profession, notamment l’OMEC, la Commission de discipline de l’UNPC , et la Commission de la Carte ;
3. La recherche des voies et moyens d’un meilleur exercice de la liberté de la presse en cette période électorale.
Après avoir fait le constat que les événements sanglants de Kinshasa étaient prévisibles du fait d’une guerre des nerfs qui a longtemps prévalu sur les médias, et d’une trop forte instrumentalisation politique des certains médias privés, et même de la chaîne publique de télévision, la RTNC, les participants ont dénoncé la coupure intempestives, et sans aucun respect de la procédure, du signal des chaînes CCTV, CKTV et Molière TV, et exigé que ce signal soit rétabli sans délai et sans conditions.
Tout en partageant le souci de la Haute Autorité des médias de parvenir à un apaisement social en initiant un Acte d’engagement des médias à respecter la Loi du 22 juin 1996 portant modalités de l’exercice de la liberté de la presse, ainsi que le Code d’éthique et de déontologie du journaliste, les Organisations professionnelle ont néanmoins fustigé le fait que la signature de cet Acte qui engage les médias face à leur Code d’éthique et de déontologie se soit déroulée devant des diplomates membres du comité international d’accompagnement de la transition (CIAT), et non devant la Corporation des journalistes seule à même de connaître des manquements des professionnels des médias face à leur Code d’honneur. Concernant la manière dont les médias se comportent ou doivent se comporter en cette période particulièrement sensible, les participants à la concertation, tout en reconnaissant que certains médias ont effectivement quitté la sphère de l’information pour s’investir dans celle de la pure propagande au service d’un parti ou d’un candidat considèrent qu’il serait injuste de rejeter sur les médias la pleine responsabilité de tous les dérapages enregistrés. Les participants ont encouragé leurs confrères qui sont responsables des chaînes appartenant à des hommes politique de résister à toutes les injonctions ou ordres venant des politiques qui ne cadrent pas avec les normes et les principes éthiques et déontologiques de métier d’informer. Face à des nombreux manquements à l’éthique et à la déontologie constatés dans certains médias, surtout pendant la période de la campagne électorale, et qui sont le fait soit d’un manque criant de professionnalisme, soit d’une politisation à outrance des journalistes, les participants à la concertation ont déploré la léthargie des structures chargées d’assurer l’autorégulation de la profession, à savoir l’Observatoire des médias (OMEC) ainsi que la Commission de discipline de l’UNPC. En conséquence, les Organisations professionnelles des médias ont convenu de réactiver et de renforcer l’OMEC et la Commission de discipline, avec l’appui des partenaires traditionnels que sont le GRET et l’Institut Panos Paris, pour qu’ils jouent effectivement leur rôle de « Tribunal des pairs ». Compte tenu des enjeux de l’heure et de l’urgence de doter la profession de cette autorité morale qui lui fait tant défaut, il a été convenu que cette structure transversale souple devant jouer le rôle de « Tribunal des pairs » accueillerait aussi en son sein quelques professionnels des médias ayant une longue expérience professionnelle et jouissant d’une notoriété certaine dans la profession.
Ce « Tribunal des pairs » sera chargé d’examiner périodiquement les rapports d’observation des médias produits, notamment par l’OMEC, ainsi que les plaintes des tiers, et de rendre régulièrement public, sous forme de communiqués de presse, les conclusions de ses délibérations. L’OMEC et l’UNPC ont été invités à fixer rapidement les modalités de sa composition et de son fonctionnement.
