« La Cour pénale internationale n’a nullement l’ambition de se substituer aux juridictions nationales », soutient Désiré Isra
« La Cour pénale internationale n’a nullement l’ambition de se substituer aux juridictions nationales », soutient Désiré Israël Kazadi
Q. L’opinion voudrait connaître, en quelques mots, à quand remonte la création de la CPI ?
Je n’aimerais remonter au 19è siècle, très précisément en 1872, avec Gustave Moynier qui eut de l’effroi au sujet des crimes nés de la guerre franco-prusse. Cet homme, un des co-fondateurs du Comité international de la Croix-rouge, touché dans sa chair, proposa la création d’une cour permanente. De fil en aiguille, plus près de nous, à la suite de la guerre en Bosnie-Herzégovine (1993), en Croatie et au Rwanda (1994), un projet final du Statut de Rome de la CPI a été présenté par la Commission du droit international des Nations unies à l’assemblée générale des Nations Unies. Cette Assemblée a, à son tour, convoquer la Conférence dite diplomatique des plénipotentiaires des nations unies pour l’établissement de la CPI. Schématiquement, le 17 juillet 1998, le Statut fut adopté par 120 pays. Cette journée est célébrée comme celle dédiée à la justice internationale. Nous l’avions, au niveau de notre Ong, célébrée à la lumière du message du secrétariat de la CCPI qui nous a été transmis.
Q. Sur quels types de crimes, la Cour est elle compétente ?
Sur trois types de crimes : Crime de guerre, crime contre l’humanité et le génocide. Est entendu comme crime de guerre, c’est celui commis dans un contexte de conflit armé. Sont considérés comme crimes de guerre, l’homicide volontaire, la torture ou les traitements inhumains, dégradants et cruels, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique, etc. Le crime contre l’humanité, est celui commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. Le manuel édité par la Coalition nationale pour la CPI-RDC est explicite là-dessus. Ce crime inclut le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou transfert forcé de population. La liste est bien longue. C’est le cas de torture, de prostitution forcée, de stérilisation forcée etc. Enfin, le génocide, ce terme parait nouveau pour le commun de Congolais qui ne l’a connu qu’au lendemain de la tragédie rwandaise. Le génocide est généralement certifié quand les actes commis visent l’intention manifeste de détruire, en tout ou en partie, un groupe du fait de son appartenance religieuse, ethnique, raciale, etc. Voici, grosso modo, les différents types de crimes qui intéressent la CPI. Le crime d’agression, qui serait le quatrième crime, n’a, jusqu’à ce jour, pas été clairement défini pour être inséré dans la nomenclature de la justice universelle.
Q. Une certaine opinion congolaise estime que la Cour pénale internationale veut se substituer aux tribunaux nationaux. Qu’en est il ?
Non, la CPI ne remplace pas les tribunaux nationaux. Bien au contraire. La CPI vient en complémentarité à la justice nationale, et congolaise pour le cas qui est le nôtre. La CPI n’intervient que si les magistrats de l’Etat font leur travail avec complaisance ou ne le font pas du tout. Il peut y avoir division du travail et la CPI facilitera alors le travail des tribunaux nationaux en prenant les affaires les importantes et les plus sensibles. Naturellement celles qui relèvent de sa compétence. La question que vous m’avez posée, nécessite d’autres détails. Prenons l’exemple d’une enquête menée par un Etat tiers sur une affaire. A ce stade, la Cour ne peut nullement ouvrir une enquête si l’Etat concerné l’a déjà commencée et est à l’étape des poursuites ou même si l’Etat a enquêté et s’est résolu de ne pas poursuivre les personnes impliquées. Cependant, la Cour a le pouvoir, à l’aune du Statut de Rome qui l’organise, de poursuivre si l’Etat s’est montré incapable de mener une enquête et d’engager des poursuites.
Q Dégagez une différence qui existe, entre d’une part, la CPI et la Cour internationale de Justice, et d’autre part, la CPI et le tribunal pénal international.
C’est simple. La CPI connaît des actions criminelles des personnes, alors que la Cour internationale de Justice, qui est aussi une Cour mondiale au même titre que la CPI, s’occupe des différends entre Etats. Il faut aussi noter que la CIJ est un organe de Nations Unies régie par la Charte de l’Onu, tandis que la CPI est indépendante de l’organisation internationale et fonctionne au regard du Traité de Rome. Cependant, les deux Cour collaborent à travers un protocole d’accord qui les engage depuis septembre 2004. S’agissant du Tribunal pénal international, il y a lieu de noter que comme la CIJ, le TPI est une juridiction créée par les Nations unies. Ses pouvoirs sont limités aux événements dans un Etat particulier durant un délai particulier, comme les cas aujourd’hui pour le Rwanda et l’ex Yougoslavie. Les deux juridictions ad hoc sont donc provisoires et traitent chacun d’un conflit précis. Elles sont une création à posteriori de la tragédie et à l’initiative du Conseil de sécurité. C’est le cas, par exemple, du génocide rwandais survenu en 1994. Le TPIR est né après ce drame. Ce qui n’est pas le cas pour la après le 1er juillet 2002, date de l’entrée en vigueur du statut de Rome. Donc elle est une création à priori par rapport au fait.
Q. Dans vos interviews précédentes dans les médias, vous parliez abondamment de la loi de la mise en œuvre. Une brève explication à ce sujet.
Les Etats parties au Statut de Rome, pourvus des juridictions internes, ont l’obligation internationale de revoir et d’amender leurs législations nationales pour y incorporer les crimes relevant de la CPI. Il revient de noter qu’il s’agit, par exemple, d’évacuer tout obstacle à la poursuite de ces crimes et de garantir aux personnes accusées, et aux victimes, un procès équitable. C’est justement l’un des objectifs poursuivis par la Coalition nationale pour la CPI à laquelle JPDH fait partie.
Q. Vous êtes une ONG, quel est votre rôle dans le fonctionnement de la Cour ?
Les organisations non gouvernementales jouent un rôle important avant, pendant et après une enquête. Elles informent le public et les médias du rôle même de la CPI. C’est le rôle que nous jouons aujourd’hui qui constitue l’une de nos actions stratégiques au-delà du monitoring quotidien et l’observation sur des atteintes aux droits de la personne. Nous recourons à beaucoup de supports : radio, prospectus, affiches, conférences et autres journées d’échange. Pour la plupart des fois, JPDH a été associé à des rencontres initiées par la CN CPI. Du 13 au 14 juillet de cette année, par exemple, sous les auspices de la coalition nationale pour la CPI/RD Congo avec l’appui de l’Ambassade de Suède à Kinshasa et de la CCPI, il s’est tenu une session d’information au bénéfice des journalistes sur la CPI. Les journalistes membres de JPDH, chacun représentant son organe de presse, et ceux regroupés au sein du Réseau des journalistes chroniqueurs judiciaires de la RD Congo (RJCJ/RD Congo) avaient pris part à ces travaux dont ils avaient salué l’opportunité et la pertinence. Au niveau des médias, l’information été relayée. J’ouvre une parenthèse pour vous rappeler que lors des échanges à l’occasion de cette session, les officiers de la CPI avaient félicité JPDH pour sa contribution à la vulgarisation du travail de la CPI. Il s’agit donc là de la première étape. Les ONG peuvent, en ce qui concerne la deuxième étape, informer le Bureau du procureur des crimes commis, d’une affaire spécifique, du contexte historique des violations des droits de l’homme ou de la capacité d’un Etat à enquêter ou à poursuivre des crimes. Une telle information peut être utile pour le procureur à décider s’il y a lieu ou non d’ouvrir une enquête. Enfin, souvent proches des victimes et des témoins, les ONG peuvent accompagner les victimes et les témoins tout au long du processus et en apportant des preuves au Bureau du Procureur.
Q. La Cour peut elle s’opposer à une mesure d’amnistie prise en faveur d’une personne au regard des lois internes d’un pays pour un crime qui relève de sa compétence ?
Tout ce que nous savons au niveau de JPDH est qu’aucun Etat ne peut, à la lumière du Traité de Rome, justifier son refus d’accéder à une demande d’arrestation ou de remise d’une personne quelle qu’elle soit en évoquant des lois d’amnistie ou des immunités diplomatiques et ou nationales.
Q. Une certaine opinion congolaise estime que la Cour pénale internationale veut se substituer aux tribunaux nationaux. Qu’en est il ?
Non, la CPI ne remplace pas les tribunaux nationaux. Bien au contraire, la CPI vient en complémentarité à la justice nationale, et congolaise pour le cas qui est le nôtre. La CPI n’intervient que si les magistrats de l’Etat font leur travail avec complaisance ou ne le font pas du tout. Il peut y avoir division du travail et la CPI facilitera alors le travail des tribunaux nationaux en prenant les affaires les importantes et les plus sensibles. Naturellement celles qui relèvent de sa compétence. La question que vous m’avez posée, nécessite d’autres détails. Prenons l’exemple d’une enquête menée par un Etat tiers sur une affaire. A ce stade, la Cour ne peut nullement ouvrir une enquête si l’Etat concerné l’a déjà commencée et est à l’étape des poursuites ou même si l’Etat a enquêté et s’est résolu de ne pas poursuivre les personnes impliquées. Cependant, la Cour a le pouvoir, à l’aune du Statut de Rome qui l’organise, de poursuivre si l’Etat s’est montré incapable de mener une enquête et d’engager des poursuites.
Q. Dans vos interviews précédentes dans les médias, vous parliez abondamment de la loi de la mise en œuvre. Une brève explication à ce sujet.
Les Etats parties au Statut de Rome, pourvus des juridictions internes, ont l’obligation internationale de revoir et d’amender leurs législations nationales pour y incorporer les crimes relevant de la CPI. Il revient de noter qu’il s’agit, par exemple, d’évacuer tout obstacle à la poursuite de ces crimes et de garantir aux personnes accusées, et aux victimes, un procès équitable. C’est justement l’un des objectifs poursuivis par la Coalition nationale pour la CPI à laquelle JPDH fait partie.
Q. L’on sait pertinemment bien que les victimes et les témoins bénéficient de la protection de la Cour, qu’en est il des responsables des Ong des droits de l’homme menacés, arrêtés ou en danger parce qu’ils ont fourni des informations à la Cour ?
Ça veut dire que nous sommes exposés. Les ong ne doivent attendre de protection de la part de la Cour. C’est vrai que la Cour prendra toutes les mesures possibles pour garantir la sécurité de ceux qui lui viennent en aide mais elle ne sera pas capable de protéger toutes les personnes lui communiquent des informations. Les militants des droits de l’homme doivent, par conséquent, mettre en place leur propre mécanisme de protection et compter nécessairement sur l’aide de la Cour. Cependant, il sera tout de même nécessaire d’informer la Cour de toute agression contre les défenseurs des droits de l’homme résultant de leur contribution à l’information à la Cour.
