ELECTION EN RD.CONGO.
Chères toutes et tous,
J’étais absente pendant 45 jours. Les activités de notre Association des Femmes Noires d’Origine Africaine, m’ont amené à Hong Kong, Mexique puis New York. Toutefois, la magie des nouvelles technologies de l’information, m’a permis de rester branché sur l’actualité de notre cher grand et beau pays ; du début de la campagne électorale a l’élection présidentielle et législative.
La presse internationale (écrite et audio-visuelle) a couvert la campagne électorale en RDCongo. Une chose est certaine: le soudain regain d’intérêt de la presse internationale -surtout occidentale- sur notre pays (après des années de disette et de quarantaine), laisse beaucoup des compatriotes dubitatifs, perplexes voir pantois. Avec un brin de schizophrénie, la suspicion s’installe et alimente une iconoclaste frénésie auprès de certains compatriotes ou l’invective rivalise avec l’anathème, l’épithète s’oppose à la démonstration, le dénigrement sectaire communie avec le négativisme partisan. Les résultats officieux qui pullulent (des le lundi 31 Juillet 06 : des chiffres a niveau et en pourcentage), jugés fantaisistes par les uns, authentiques par les autres –repris par certains medias étrangers- ne sortiront pas la suspicion envers la presse occidentale (selon le camp ou on se trouve) de sa chrysalide cotonneuse.
Trois précisions de taille. D’abord, la presse internationale occidentale, écrite et audio-visuelle est dominée par cinq grands groupes ethniques (Anglo-saxon, Latin, Slave, Scandinave et Germanique) a dominance blanche. Cette presse reflète la sensibilité et surtout les intérêts politico-économiques et géostratégiques de ces différents groupes. Elle se livre une guerre atroce, se réconcilie et souvent se coalise au gré des enjeux en cours. Pour le moment la presse Anglo-saxonne (sous la fêlure des Etats-Unis), est le leader mondial incontestable, parce qu’elle garde le monopole de l’innovation et a su s’installer sur un créneau triplement porteur : l’articulation du téléviseur, de l’ordinateur et du téléphone crée une nouvelle machine a communiquer, interactive, fondée sur les performances du traitement numérique (ce qui facilite la collecte de l’information, son traitement et la mise en format haute définition). Pendant que dans beaucoup des pays, on s’accroche encore à la télévision analogique, les américains sont depuis une décennie à la télévision numérique interactive, format haute-definition (1000 chaînes par foyer en moyenne). Cette concentration des informations par un seul groupe ethnique, fait de la presse Anglo-saxonne un véritable quatrième pouvoir mondial. Elle peut faire et défaire des présidents (le président Richard Nixon en a fait l’amère expérience sans oublier le très populaire président Bill Clinton qui a échappé de justesse a « l’impeachment » avec l’affaire Monika).
Ensuite, la presse internationale a toujours et continuera de « voter » chez elle mais aussi chez les « autres ». S’en offusquer aujourd’hui comme si c’est un phénomène nouveau, relève de la mauvaise foi, de la gageure et de l’imposture. Il suffit de se rappeler de la haine que la presse européenne avait voué à Georges Bush (qualifié de crétin et d’andouille) lors des élections de 2004. En phase avec l’opinion publique, la presse européenne (ordinaire et spécialisée) avait massivement voté John Kerry. Enfin la presse internationale est une maîtresse frivole, changeante et opportuniste. Elle exulte aujourd’hui et assassine demain (le président Robert Mugabe en prend tous les jours pour son grade, lui qui fut la coqueluche de cette même presse durant la décennie 80).
Le dimanche 30 Juillet 2006 restera une date historique et mémorable dans les annales du pays. Toute la presse internationale était au rendez-vous, dont quelques poids lourds : CNN international, BBC, ABC, TV5 Monde, la très conservatrice Fox news et la très élitiste chaîne américaine « thirteen ». La presse écrite et audio (les incontournables BBC et RFI) étaient aussi de la partie. Images chocs et témoignages poignants. BBC a fait fort. Elle promène ses cameras a l’Est du pays. Des jeunes, des personnes de troisième age, des adultes, des hommes et des femmes (plus nombreuses). BBC ne donne pas le taux de participation mais elle insiste : l’engouement est total et l’affluence est inespérée dépassant les attentes initiales. On montre une femme de troisième age, 90 ans. Presque aveugle, canne a la main, l’épine dorsale courbe, elle marche a pas de tortue. Elle a marché pendant deux jours. Un autre homme de troisième age, 80 ans, a marché pendant deux jours et demi. BBC rappelle aussi que les élections ont coûtés $458 million financés par les contribuables occidentaux. Comme BBC, toutes les autres télévisions saluent avec beaucoup d’admiration le civisme, la maturité et la dignité du peuple RDCongolais.
Ce dimanche 30 Juillet 2006 consacre une triple Victoire pour le peuple RDCongolais. Victoire sur la peur. N’oublions pas qu’une bonne partie de notre territoire n’est pas encore sécurisée. Différentes milices armées y pullulent et continuent de semer la mort et la désolation. Les congolais ont bravés la peur et sont allés votés massivement. Victoire sur l’adversité corporelle et intellectuelle. Des « seniors » diminués par le poids de l’age, des malvoyants, handicapés et autres malades affaiblit par la santé, des illettrés limités par l’écriture, sont allés voter massivement. Victoire, enfin, sur l’intimidation et appel aux boycotts. C’est aussi un démenti cinglant aux cassandre de malheur qui ont mis une croix sur la RDCongo, pays de morts-vivants, anesthésié par des partis politiques cacochymes aux réflexes arthritiques. C’est à un formidable exercice collectif de défoulement et d’exorcisme que s’est livré le pays. La détermination du peuple, qui s’est levé comme un seul homme, pour aller voter, ne peut pas être réduit à un caprice passager, ni comparé à une baudruche qui se dégonflera une fois les élections passées. Ce peuple debout, qui a envoyé un message très fort, demandera désormais des comptes, sanctionnera s’il le faut.
Comme à son habitude, en Afrique comme partout ailleurs, la presse occidentale s’est invitée lors des élections en RDCongo et a voté. Tout d’abord, elle donne une satisfaction globalement positive au déroulement des élections. Les irrégularités et fraudes avérées ou supposées sont minimisées, relativisées, sinon carrément balayées d’un revers de la main. Toutes les chaînes Anglo-saxonnes –stylos en mains comptabilisent le nombre très limité des routes bitumées, la grandeur du pays, la destruction systématique dans laquelle l’avait plongé des décennies de prédation et de deux guerres. Font remarquer que ce sont les premières élections démocratiques et pluralistes depuis 40 ans. Elles font aussi comprendre a des millions des téléspectateurs que même aux Etats-Unis, le pays le plus puissant, le plus riche du monde, a la pointe de la technologie, connaît régulièrement des irrégularités lors des élections. La Floride (élection : George Bush et Al Gore) est citée en exemple. Les candidats à la présidence et à la députation, qui s’apprêtent d’introduire des recours – pour fraudes et irrégularités - apprécieront.
La presse occidentale « vote » et annonce ses « élus » RDCongolais. Ils sont quatre. Le président Joseph Kabila Kabange (JKK) qui bénéficie de la prime du sortant (voir texte en bas, section : les « élus » de la presse internationale). Le vice-président Jean-Pierre Gombo Bemba (JPGB) dont la remontée dans ce hit parade select, est d’autant plus spectaculaire qu’inattendue. L’ex-ministre des finances et gouverneur de la banque centrale Pierre Pay- Pay (P3) gratifié au passage d’une promotion par ses nombreux partisans au grade de P4 (Président Pierre Pay-Pay), chouchou adulé et respecté des institutions multilatérales (Banque Mondiale et Fonds Monétaire Internationale). Last but not least, Oscar Kashala qui nous est venu de la Cote-Est des Etats-Unis, pépinière des prestigieuses universités « Ivy League ». La stratégie de ces quatre « élus » est a la fois simple et complexe : ratisser le plus largement possible et gagner des le premier tour ou a défaut être présent au deuxième tour en ballottage extrêmement favorable. La presse internationale jauge ces candidats par rapport à cette stratégie.
Le premier challenger qui séduit la presse occidentale est incontestablement P4. Il est suivit par la presse Anglo-saxonne et latine. On montre ses meetings et ses interviews. Les discours de P4 sont bien formatés et bien chorégraphiés, recouvrent des messages gratifiants, des repères solides, des symboles forts, des clins d’œil aux investisseurs potentiels pour la reconstruction du pays. On le montre détendu (ses gestuelles sont étudiées), simplement habillé comme monsieur-tout-le-monde. Pendant une semaine, P4 tient le pavé haut. La presse occidentale croit à une confrontation JKK-P4 au deuxième tour. Un duel « soft landing », genre gant de velours, bon chic bon genre.
Puis la presse occidentale ne fait plus des meetings de P4 ses choux gras (effet Mbusa Nyamwisi, signes extérieurs de l’essoufflement de la campagne ?). Elle «largue» P4 au profit d’un autre qui lui ressemble comme un jumeau (parce qu’il chasse sur le même terrain que lui, celui de la finance internationale et bénéficie de la même bienveillance auprès des institutions financières multilatérales) : Oscar kashala. Exit le « soft landing » et vive le « accommodating landing ». Mais OKA connaîtra le même sort (rattrapé par son statut de revenant et virginité politique ?) que son jumeau P4 à cause de la « résurrection » du vice-président sortant JPGB. Qu’il vient de loin JPGB. On avait beaucoup jasé sur l’insondable désespérance de JPGB : la profondeur du vide ou l’avait plongé l’éloignement des amis, la désertion des camarades de lutte, la disparition des flatteurs, la fuite des courtisans.
Des le 22 Juillet CNN International annonce un documentaire sur les élections en RDCongo. CNN renseigne que ce documentaire sera planétaire. Elle donne des fuseaux- horaires pour permettre à qui voulait de le capter et suivre. Le 29 Juillet, la fameuse émission est la. Comme à son habitude CNN fait un « background » de notre pays, pour familiariser les non-RDCongolais. Puis vint les «héros ». Ils sont deux : JKK et JPGB. Bien que le président sortant JKK garde son statut de grand favori, le vice-président sortant JPGB est présenté comme le seul des 32 candidats qui ira au deuxième tour, si deuxième tour il y a. On se retrouve brutalement devant la version « hard landing ». Mais CNN ne pense pas que la confrontation JKK-JPGB précipitera le pays dans la guerre civile. Jeff Koinange, correspondant de CNN pose la question directement au challenger : « Would you concede defeat ? », JPGB répond calmement, sans passion, sans irritation : "I believe so. But on certain conditions. As far as the election is democratic, transparent and fair. Elections need to be absolutely transparent". L’interview de CNN était entièrement en Anglais et nos deux « finalistes » se sont bien défendus.
Le Lundi 31 Juillet, le correspondant de la télévision belge, va au quartier « Matonge » à Kinshasa. Des jeunes exhibent des résultats officieux (fabriqués selon le correspondant) de l’élection présidentielle favorable au vice-président sortant JPGB et préviennent qu’ils n’accepteront pas un candidat imposé de l’extérieur. Le lendemain TV5 Monde promène ses cameras a Goma. Des jeunes annoncent qu’ils ont voté massivement pour le président sortant JKK. Ils crient : Kabila 100 pour cent Congolais. Cette image (contraste Goma-Matonge) sera reprise par CNN international et fera le tour du monde.
La presse internationale est unanime. En cas de deuxième tour entre JKK et JPGB, il y aura trois faiseurs des rois : P4, Kashala et….Gizenga. Belle revanche pour le patriarche Gizenga que la presse internationale avait sous-estimé.
L’argent est le nerf de la guerre dit-on. Il est aussi le nerf des campagnes électorales. Dépourvus des moyens financiers, logistiques et matériels, les candidats « pauvres » furent réduits a faire du porte-à-porte (voir la section : La campagne électorale : une aubaine pour les candidats «riches»). Parmi eux les femmes candidates. Si dans l’ensemble la campagne électorale a été jugé globalement positive, il y eu un coté sale, pernicieux et sulfureux (voir ci-bas). Décryptage du regard de la presse occidentale sur les élections –que d’aucuns définissent a juste titre comme historiques- et qui ont tenu la République en haleine…...
La campagne électorale : une aubaine pour les candidats « riches »
Tous les candidats à la présidentielle, ne sont pas logés à la même enseigne. Les plus «riches » font une campagne a l’américaine : déplacements en avion, distribution des tee-shirts, portraits en grande nature et haut en couleur, s’achètent des spots télévisés, réalisent des clips vidéo et DVD numérisés et en format haute définition et enfin mise a contribution de la presse écrite et audio-visuelle, nationale comme étrangère. Les gourous du « marketing électorale » souvent importés de l’extérieur veuillent au grain. On présente et peaufine l’image du candidat pour avoir le meilleur look. A coté de la photo, On colle la formule magique (elle ne doit pas être longue et bien visible) susceptible d’hypnotiser l’électeur. Les candidats « riches »ne lésinent pas sur les moyens.
Coté festive et mondain, les orchestres sont mis en contribution. Une chanson à la gloire du candidat inonde la foule. Les danseuses et danseurs exécutent des pas de danse. Ils se déhanchent, la chorégraphie est belle mais a la limite du suggestif. La foule «envoûtée» par le spectacle ne voit pas passer le temps. Certains ont du attendre 10 heures durant pour –enfin- voir leur …..candidat.
Coté spirituel. Avant que le candidat s’adresse à la foule, on prie. Question de préparer le mental du candidat et de l’équipe de campagne qui l’accompagne. Les trois grandes confessions religieuses qui nous sont venues de loin, de l’étranger, du lointain Moyen-Orient sont présentes : le Christianisme, l’Islam et le Judaïsme.
Pour le christianisme, prêtes, pasteurs et prédicateurs des églises de réveil invoquent Dieu, les musulmans implorent Allah et les juifs s’adressent à Jéhovah. Mais pour avoir accès à Dieu-Le-Tout-Puissant, il faut passer par ses Fils. Bible a la main, les chrétiens lisent des versets et demandent à Jésus et Simon Kimbangu d’intercéder auprès du Père-Céleste, de protéger leur candidat mais surtout de lui donner la Victoire éclatante, totale, spectaculaire et foudroyante. Comme celle de Jésus sur la mort, comme celle de Simon Kimbangu sur le colonialisme mental et spirituel.
Les musulmans ne sont pas en reste. Coran a la main et pointant le regard vers la Mecque (ils ont un sens aigu des quatre points cardinaux), ils consultent les sourates et envoient un urgent message à Mahomet pour qu’il intercède auprès d’Allah en faveur de leur candidat. Au passage les sunnites et les chiites font la paix et communient pour une même cause. Car ne l’oublions pas, le chiisme est considéré par le sunnisme dominant comme une hérésie –voir une idiosyncrasie persane.
Les juifs congolais (on peut être juif, comme ressortissant du peuple Hébreu ou être juif de confession, tout comme le catholique congolais a comme pays la RDC mais a une foi chrétienne qui le met en communion avec des chrétiens d’autres pays), hésitent. Ils ne reconnaissent pas Jésus comme le Fils de Dieu et le Messie, encore moins Mahomet. Dans leur livre saint, la Torah ou pentateuque pour les chrétiens (les cinq premiers livres de la Bible), Yahvé a fait des miracles a travers des prophètes et des rois. Mais lequel convient dans le contexte des élections ? Ils demandent a Abraham d’implorer Yahvé pour que leur candidat réalise les mêmes exploits que Moise : battre un puisant et sortir le peuple Hébreu de l’esclavage. Moise avait (les mains nues) vaincu l’armée égyptienne -la plus puissante de la région- et le tout puissant pharaon qui dominait la plus grande partie du Proche-Orient d’aujourd’hui.
Toutefois, ils s’empressent de préciser que leur candidat doit faire plus fort que Moise. Pas question de libérer le peuple de l’esclavage et ne pas arriver à la Terre Promise. Car Moise mourut dans la région de Moab à l’orée de Canaan (l’actuelle Palestine), à deux doigts de la Terre Promise. En parfaite harmonie avec les autres confessions, ils veulent que leur candidat réalise les deux objectifs sacrés : gagner les élections haut la main (condition nécessaire) et amener le RDCongolais à la renaissance et au bonheur (condition suffisante). Une fois élu, le nouveau président brisera les chaînes de l’esclavage dans lequel se trouve le peuple depuis 1885 et amènera enfin la Renaissance tant attendue, tant espérée, tant rêvée, tant fantasmée, tant promise mais jamais réalisée.
Seuls Bouddha, Zoroastre et Confucius manquaient au rendez-vous. Même s’il est vrai que dans les quartiers huppés et villas climatisées de la jet-society Rdcongolaise (en provinces comme dans la capitale), une bonne partie de l’élite politico-intellectuelle s’adonne allégrement au Yoga et à la méditation transcendantale (venu de la lointaine Asie). Cela fait très tendance, très glamour et moderne de nos jours.
Mais la campagne a aussi eu un coté sale et pernicieux. Des spécialistes en phrases assassines et loufoques avaient comme tache de distribuer des piques et flèches au camp adverse. Question de déstabiliser l’adversaire. Les spécialistes en affabulation et intox étaient aussi très actifs : « fabriquer »une histoire de toute pièce, le temps que la partie adverse s’aperçoive de la méprise et de l’imposture, il est déjà trop tard, le mal est déjà fait. Les rumeurs les plus folles se répandent comme une traînée de poudre, grandement amplifiées par « radio trottoir », car a chaque étape la rumeur grossit, s’épaissit, prend un tout un autre relief, des proportions cauchemardesques, on y ajoute ce qu’on veut pour anéantir l’adversaire : tel candidat vient de désister, tel autre a craqué, tel autre a distribué des dollars pour acheter les consciences, tel autre a envoyé sa famille (femme et enfants) a l’étranger et prépare la fuite……..
Gourmands, les candidats « riches » ne se limitent pas seulement aux megameetings a la fois spectaculaires et efficaces, ils font aussi une campagne de proximité, presque citoyenne: rencontre en petits groupes avec des électeurs potentiels, compartimentés en catégorie socioprofessionnels (car les intérêts corporatifs sont a géométrie variables). Les candidats promettent de résoudre le problème une fois élu. L’objectif est clair : ratisser le plus largement possible pour remporter les élections des le premier tour. A défaut, figurer au deuxième tour mais en ballottage très favorable.
Devant une telle déferlante des moyens, les candidats « pauvres » ne savent plus a quel saint se vouer. Dans un pays ou toutes les infrastructures (routes, ponts et chaussées) sont détruites, la seule façon de battre campagne dans les provinces de ce pays sous-continent, est de recourir à ……l’avion. L’écueil se situe à ce point et il est terrible et ardu. Ou trouver de l’argent ? Beaucoup des candidats découvrent a leurs dépends que l’argent est le nerf de la guerre. De la campagne électorale aussi.
Par manque des moyens beaucoup d’entre-eux sont contraints de rester a Kinshasa et réduits à faire du porte-à-porte, seul moyen de se familiariser avec les électeurs potentiels. Ils n’ont pas les moyens de « recruter » des spécialistes pour constituer une équipe de campagne chevronnée et expérimentée. Dans beaucoup des cas, leur équipe de campagne est constituée des bénévoles souvent démotivés et amateurs. Ils n’ont pas des moyens n’ont plus pour passer des clips et spots publicitaires aux différentes chaînes de télévision privées. Le candidat commence sa journée de campagne par le recueillement. Ici rien de spectaculaire. La petite équipe de campagne prie et implore le Très-Haut pour la protection et la réussite de son champion.
Apres tout la foi est plus importante que l’argent. La randonnée commence, souvent a pied (véritable parcours du combattant) parcelle après parcelle. Mais très vite et a ses dépends, le candidat s’aperçoit que l’argent s’invite aussi lors de la rencontre avec les électeurs. Ces derniers déposent une liste des complaintes : le loyer n’a pas été payé depuis trois mois, depuis deux jours on ne mange pas par manque des sous, un fils est en train de mourir, parce que privé des soins, etc. Souvent le candidat « pauvre »est débordé, il n’a pas assez d’argent pour répondre à toutes ces sollicitations. Dans les petites réunions en groupe il faut donner à boire. Maigre consolation : il a une idée exacte de la souffrance du peuple. Mais faut-il être candidat à la présidence où à la députation pour « découvrir » que le peuple congolais est clochardisé et animalisé? Cela ne date pas d’aujourd’hui.
Les congolaises candidates à la présidence et à la députation sont à mettre dans la catégorie des candidats « pauvres ». Décidément dans la RDCongo minée par le machisme ambiant, les élections continueront à se conjuguer au masculin pendant encore longtemps. Rien que pour une campagne électorale pour les législatives, une candidate (mêmement pour un candidat) doit dépenser au minimum trois mille dollars américains par jour !! Résultat, beaucoup des congolaises candidates se sont incorporées dans des plates-formes des partis politiques, assorties de l’espoir qu’elles seront élues. Les plus audacieuses (téméraires ?) qui ont faits campagne comme candidates indépendantes risquent de ne pas être élue. La dynamique démographique donne l’avantage aux femmes candidates car il y a beaucoup plus d’électrices que d’électeurs. Mais cet avantage est anéantit par des pesanteurs socio-économiques et psychologiques. Par l’argent aussi, encore et toujours.
Les « élus » de la presse internationale
La presse occidentale s’invite aux élections chez elle ou à l’extérieur. Aux Etats-Unis par exemple les candidats sont toujours fiers d’annoncer « I am glad and honored to be endorsed by Washington Post and CNN » (je suis fier et honore d’être soutenu par Washington Post et CNN). Lors des élections présidentielles aux Etats-Unis de 2004 (Georges Bush et John Kerry), c’est à une exécution publique de Bush que la presse européenne, asiatique et une partie de la presse africaine appelait. Bush en avait vu de toutes les couleurs. On le brocardait comme andouille, crétin, incapable d’articuler une phrase en bon anglais. Incapable de décortiquer des concepts abstraits et surtout de comprendre des enjeux. On prédit que Bush amènera le monde à une troisième guerre mondiale. On sortit ses notes scolaires en insistant qu’il fut un « straight D student » (c’est-à-dire un étudiant en dessous de la moyenne). La presse construisit un site web : le Bushiisme ou toutes les fautes de grammaire, les phrases incohérentes et les limitations de Bush étaient affichés. On pouvait aussi voir des video qui montraient ses mimiques et gestuelles. Jamais un président des Etats-Unis n’avait été aussi malmené.
La presse occidentale est une maîtresse infidèle, changeante et opportuniste. Elle exalte aujourd’hui et assassine demain. Elle porta dans ses bras le président Robert Mugabe du Zimbabwe, pendant la décennie 80. Avide de comparaison, Mugabe fut présenté comme le nouveau Churchill, version tropicale. Son discours du jour de l’indépendance (14 Avril 1980), fut le tour des pays Anglo-saxons. Mugabe s’engagea à construire un nouveau pays en respectant sa diversité raciale ou les noirs, les blancs et les mulâtres vivront en harmonie. Aujourd’hui le président Mugabe est devenu la bête noire de cette même presse. Beaucoup des présidents du Tiers-monde ont soufferts et furent chassés du pouvoir à cause de l’acharnement de la presse occidentale.
La presse internationale (surtout occidentale) a fait beaucoup de mal à la RDCongo, même si elle est revenue à des meilleurs sentiments tout récemment. Elle est co-responsable de l’assassinat de notre héros national Patrice Lumumba et de ses compagnons d’infortune Mpolo et Okito. C’est cette presse qui brocardait Lumumba comme un dangereux communiste susceptible d’amener le Congo dans le giron de l’URSS, modifiant ainsi dangereusement l’équilibre géostratégique (zones d’influences) en faveur de l’ennemi juré : l’ours soviétique. L’élimination de Lumumba consacra le meurtre de la démocratie naissante du pays. Pendant la guerre d’agression, elle ferma ses yeux et passa sous silence les nombrables crimes à l’Est du pays ou les femmes furent enterrées vivantes, violées, forcées de s’accoupler avec leurs fils. Le peuple RDCongolais portera pendant longtemps encore, dans sa chaire meurtrie, les stigmates d’une guerre qu’il n’a jamais provoqué, mais enduré parce que le pays manquait d’une armée républicaine et apolitique capable de le défendre.
Malgré la persistance des événements tragiques (Israël, Liban, Hezbollah, Hamas) au Proche-Orient qui gardent la première place aux plateaux de télévision et stations de radio, La RDCongo tient toujours une place honorable. Mais le « breaking news » qui nous vient de Cuba, détrône momentanément la RDCongo. Fidel Castro –forcé par la maladie- vient de remettre provisoirement le pouvoir à son cadet Raul Castro Cruz. Miami tombe en ébullition, entre presque en transe. Les exilés cubains de la Floride, jubilent. Des klaxons fusent de partout. On sable le champagne. La rumeur circule : Castro est mort. Qui a dit que Les RDCongolais avaient l’apanage de « radio trottoir » ?
L’heure de la revanche a sonné. Fidel Castro aux commandes depuis la révolution de 1959, qui a résisté à la déstabilisation du puissant voisin et a vu défiler 10 présidents américains, abandonne enfin le pouvoir. Ils rentreront au Cuba, pour être les exécutants politiques et les thuriféraires économiques du néolibéralisme américain triomphant. Ils feront du Baptista (ancien dictateur cubain) revisité. Pour avoir conduit la délégation de notre Association, cinq fois au Cuba, je peux affirmer que le niveau élevé des cubaines au point de vue éducation formelle, professionnalisme et conscientisation politique, ferait pâlir de jalousie les exilées cubaines de cette Amérique blanche (a dominance Anglo-saxonne et protestante, le fameux WASP : White Anglo-saxon Protestant), riche, dynamique et innovatrice mais aussi très inégalitaire. Fidel Castro est une figure de proue, emblématique de la résistance, l’égérie de la lutte héroïque contre le puissant voisin, qu’inspire des dirigeants de la nouvelle génération, tels Hugo Chavez (la nouvelle bête noire de George Bush) et Evo Morales.
L’effet Castro s’estompe, la RDCongo revient en force. JKK est toujours le grand favori. Le président sortant JKK est porté par la fameuse « prime » de sortant. Pendant des élections présidentielles, partout dans le monde, la presse occidentale « épouse » le président sortant sauf si ce dernier est en disgrâce avec elle (Cas Bush et Mugabe). La rationalité est simple, quand un président est dopé par un bilan plus ou moins positif, vaut mieux continuer de travailler avec lui que d’essayer quelqu’un d’autre (minimisation de l’effet risque). Bien sur que des présidents sortants furent battus : Jimmy Carter et Bush père (Etats-Unis), Valery Giscard d’Estaing (France), Abdou Diouf (Sénégal) et Soglo (Bénin), pour ne prendre que ces quelques exemples. Ces exemples ne sont que « l’exception qui confirme la règle ». Mais cette prime a aussi des externalités négatives. Le candidat sortant qui cherche à rempiler est la cible « préférée » des prétendants qui veulent lui ravir son « trône ».
On part du postulat qu’il est difficile –sinon impossible- d’éliminer un président sortant des le premier tour, surtout quand il a une assise populaire. Il faut l’empêcher d’aller au deuxième tour en position de ballottage favorable. François Mitterrand avait appliqué cette stratégie. Le fait qu’il soit arriver de mettre De Gaule en ballottage, lui avait donné ses lettres de noblesse. Les adversaires de JKK ont peaufinés la même stratégie : etre présent au deuxième tour avec JKK et espérer constituer un front commun type TSK (Tout Sauf Kabila) pour gagner. A force de trop cibler et « taper » sur JKK, ils avaient oublié un fait de sélection naturelle : pour survivre au premier tour et affronter JKK au deuxième tour, il fallait « tuer » tous les autres candidats.
Patriotiquement votre,
Mme Mulegwa Kinja;
Représentante de l'ONG Human Rescue/RDC en Suisse/Géneve.
6 Août 2006
