MEMORANDUM ADRESSE AUX INSTITUTIONS DE LA RDC SUR LA SITUATION DES POPULATIONS AUTOCHTONES PYGMEES
L’Organisation Non Gouvernementale ESPOIR POUR TOUS,
Considérant que les principes de liberté et d’égalité des hommes en droits et en dignité constituent le socle des Droits Universels de l’Homme proclamés dans la Déclaration Universelle des droits de l’Homme,
Considérant que les Pygmées, Peuples Autochtones vivant en République Démocratique du Congo, sont des citoyens à part entière et qu’ils aspirent à la jouissance des Droits Humains reconnus à tous les congolais ;
Considérant que les Gouvernements du Monde entier, de manière volontaire, ont pris conscience du caractère inadmissible de la situation de discrimination enragée dans laquelle croupissaient les peuples autochtones et ont décidé de mettre en place une instance Permanente Chargée des questions autochtones au niveau des Nations Unies ;
Relevant le fait que la République démocratique du Congo en se constituant l’un des initiateurs de la résolution créant l’Instance Permanente Chargée des Questions autochtones, avait pris aux yeux du monde entier et devant l’Histoire l’engagement de promouvoir les Droits des ces populations,
Considérant qu’aux termes de l’enquête menée par ESPOIR POUR TOUS, il apparaît que les populations autochtones Pygmées de la RDC, en général et de Mambassa, en particulier, vivent une situation dramatique et déplorable de discrimination, des graves violations de Droits Humains, du fait de leur origine ;
Considérant qu’un grand nombre d’entre eux se trouvent dans une situation d’esclavage où ils appartiennent à des familles congolaises, et que dans cette situation ils sont une propriété de ceux à qui ils appartiennent de père en fils et de mère en fille ;
Considérant que de manière générale, ils ne sont représentés à aucun niveau politique, qu’ils n’ont pas accès aux études ni aux services sociaux de base, qu’ils n’ont pas un logement décent et pas d’accès aux soins de santé ;
Considérant qu’ils ne se sentent aucunement protégés par les lois de la République, et que les violeurs de leurs droits ne sont aucunement inquiétés ;
Vu que cette situation constitue une violation grave des Droits Humains et des Peuples ;
Considérant qu’à travers le monde, la question des autochtones est une question différenciée de la question des minorités et qu’il sied de garder cette distinction évidente ;
Prenant en compte les aspirations des peuples autochtones Pygmées qui désirent être reconnus comme citoyens à part entière, participer à la vie politique, au développement de leur milieu et être protégés par l’appareil judiciaire de leur Etat,
Considérant que ces aspirations sont légitimes, totalement particulières, fondées et qu’il sied de leur réserver une attention particulière, de les canaliser vers de meilleurs dispositions de faisabilité ;
Notant que la république Démocratique du Congo s’est lancée sur la voie de sa restauration et la promotion des valeurs de ses populations dans l’égalité devant la loi ;
A ces considérants,
Espoir Pour Tous adresse le Mémorandum, dont les termes suivent, aux Institutions de la République Démocratique du Congo, comme une contribution à l’effort de la réhabilitation des Populations autochtones Pygmées en République Démocratique du Congo et en Afrique,
- Que le Gouvernement, en particulier les Ministères qui ont cette question dans leur charge et le Parlement prennent des mesures suivantes :
1. De manière prioritaire
a. Nommer une commission chargée d'enquêter sur la situation des autochtones pygmées sur l’ensemble du territoire national qui sera chargée de faire rapport et recommandations;
b. Voter une loi qui érige en infraction les différentes discriminations, les comportements discriminatoires.
2. Dans le domaine de la Protection des pygmées, réhabilitation de leurs libertés et droits fondamentaux et promotion de leurs droits
a. Voter une loi qui définisse de manière claire le statut des Pygmées comme population autochtone de la RDC.
Cela n’est possible que si dans sa démarche le Parlement prend en compte les aspects suivants :
- Indentification des peuples pygmées, les différents noms qu’ils portent et leur localisation précises ;
- Délimitation des espaces pouvant être considérés comme espaces occupés pour la survie des autochtones Pygmées ;
- En cette matière une enquête préliminaire actualisée sur l’état de la question sur l’ensemble du territoire est souhaitable.
- Ratifier la convention 169 de l’OIT sur les peuples et tribus indigènes
b. En matière d’égalité des Pygmées avec les autres Congolais :
- S’inspirer des instruments internationaux existant pour légiférer sur la situation juridique des Pygmées, entre autres :
- La Déclaration Universelle des droits de l’Homme
- La Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1948
- Convention N°169 de l’OIT concernant les Peuples Indigènes et Tribaux, de Juin 1989
- Pacte International relatif aux droits économiques et sociaux
- Convention Supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, de 1956
- La Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981
- Le projet de Déclaration sur les Droits des Peuples autochtones de 1994
c. En matière d’éducation primaire, secondaire, professionnelle et de la participation au développement communautaire :
- Elaborer et Voter une loi sur l’Enseignement des autochtones Pygmées
- Mettre en place un programme adaptée à la psychologie et à la mentalité des pygmées en vue de leur éducation élémentaire
- Voter des lois qui exigent une prise en charge totale de l’enseignement primaire, secondaire et universitaire ; adapté aux enfants et femmes pygmées sur les 50 ans à venir par le Gouvernement central et Gouvernements provinciaux.
- Rendre l’éducation adaptée, primaire et professionnelle obligatoire pour Tous les Pygmées du pays
- Mettre en place des structures d’enseignement adaptées, entre autres des centres des formations professionnelles, des internats, des centres des technologies appropriées pour les femmes pygmées
- Mettre en place des pensionnats, des internats et des programmes d’amélioration de l’éducation des enfants pygmées en prenant soin d’améliorer les conditions de vie des élèves autochtones inscrits dans ces institutions. Il est souhaitable que ces institutions soient étudiées dans une vision de mixage des peuples
- Prévoir des mesures sanctionnant dans ces institutions les actes tels que la discrimination, le viol et les autres abus pouvant être commis envers les pygmées y étudiant ;
- Inscrire dans les programmes d’éducation civique au niveau national une vision qui valorise les pygmées, notamment les enfants. Tout le reste de la population congolaise doit apprendre que les Pygmées sont des congolais et nos frères ; qu’ils ont des droits comme tous les congolais et que violer leurs droits ,c’est violer les droits des congolais.
d. En matière d’habitat et de préservation de l’espace vital des Pygmées :
- Elaborer des lois qui octroient aux pygmées des espaces vitaux qui ne peuvent être concédés avant 200 ans
- Interdire la délocalisation des autochtones Pygmées pour cause d’exploitation forestière ou minière sans indemnités appropriées et adaptées
- Prévoir dans la loi sur les autochtones Pygmées les conditions admissibles des indemnisations lors de l’exploitation de leur forêt, ces conditions doivent considérer qu’aucune délocalisation même si les populations sont indemnisées ne peut se faire avant un délai de 5 ans.
- Eriger en infraction toute tendance à interdire aux pygmées l’acquisition des terres en milieux habités par les bantous
e. En matière d’accès aux soins de santé primaire :
- Rendre gratuit l’accès des pygmées aux soins de santé primaires pour les 30 années à venir
- Eriger en infraction tout refoulement des pygmées des centres de santé pour manque d’argent
- Inciter la construction des centres de santé dans les milieux des Pygmées
f. En matière d’identification, recensement et enregistrement auprès de l’état civil :
- Faire du recensement des autochtones pygmées une obligation des services de population et Etat civil, des chef des quartiers, chefs des groupements, etc..
- Mettre en place un mode de recensement adapté aux pygmées, notamment en mettant en place des recenseurs mobiles pouvant se déplacer vers les pygmées
g. En matière d’élimination de discriminations envers les femmes pygmées :
- Exiger l’application des toutes les dispositions des lois militants pour l’élimination de toutes les discriminations faites aux femmes pygmées, notamment dans le domaine de l’éducation et de formation professionnelle.
h. En matière d’économie, commerce et développement communautaire :
- Eriger en infractions tous les actes visant à priver les pygmées de commercer avec les bantous, notamment le refus d’acheter une marchandise du fait qu’elle appartient à un pygmée
- Favoriser l’accès des Pygmées aux techniques de développement communautaire, notamment par la création des coopératives autochtones, qui seraient subventionnées par le Gouvernement dans les 30 premières années
- Octroyer aux Pygmées des terres arables et des espaces agricoles
- Mettre en place des centres de développement communautaire dans lesquels les pygmées peuvent recevoir des capacités dans le domaine du développement communautaire.
- Faire une obligation, aux investisseurs dans les secteurs habités par les pygmées et ayant au moins 5 employés, quel que soit le domaine d’investissement, de former et d’engager au moins un Pygmées.
i. En matière juridique et recours aux instances judiciaires :
- La loi sur les autochtones pygmées doit prévoir un système homogène de protection juridique, qui prend en compte l’effectivité de l'identification, l’octroi de la citoyenneté congolaise aux Pygmées, les mécanismes d’assistance judiciaire gratuite pour les Pygmées voulant recourir aux instances judiciaires où assignés devant les instances judiciaires.
- Assurer la protection et la promotion des savoirs traditionnels des autochtones notamment les savoirs culturel, sur la biodiversité ; le savoir endogène, les connaissances médicinales, leur histoire, etc.. dans l’objectif de respecter, préserver et maintenir les connaissances, les innovations et les richesses de la tradition autochtone.
j. En matière de politique, suivi et application de la loi sur les autochtones :
- Mettre en place un Ministère (une délégation), un secrétariat général ou tout au moins des services chargé des questions des autochtones Pygmées à tous les niveaux de l’administration. L’hypothèse de mise en place des services dans les ministères ou dans les Entités Administratives décentralisées devraient être incorporés dans les différents Ministères proches des questions des bases des autochtones (Droits Humains et Affaires Humanitaires, Intérieur, Affaires Sociales, Agriculture, etc…)
- Elaborer des lois qui garantissent la participation et la représentation politique, libre et réelle des Pygmées aux différents niveaux en assurant leur participation effective aux élections.
- Mettre en place des circonscriptions électorales autochtones qui garantissent une participation politique démocratique des Pygmées dans leur représentation politique au niveau des parlements provinciaux et du Parlement National.
- Elaborer des programmes d’éducation civique intensifs au bénéfice des Pygmées
- Mettre en place dans les 10 années à venir, une chambre de représentation des autochtones qui regrouperait les délégués pygmées de toutes les provinces en vu de discuter des projets de développement de leurs milieux, d’échanger sur le processus de promotion de leurs droits et de faire des recommandations attitrées au Gouvernement sur leur situation. Les décisions de cette chambre, ne seront pas contraignantes pour le pouvoir central, mais cette chambre sera un sérail de développement démocratique des peuples autochtones pygmées et une instance d’auto-évaluation permanente des pygmées par eux-mêmes. Cette chambre jouerait en fait le rôle d’un parlement consultatif, chargée de faire de recommandations aux Parlement National, provinciaux et aux Gouvernements.
3. En matière des programmes d’urgence et des interventions humanitaires :
- Appuyer, inciter et promouvoir les interventions à court, moyens et long terme.
a. Les interventions d’urgence avec impact immédiat :
Ces interventions doivent rester dans le cadre humanitaire d’urgence et concerner notamment les domaines suivants ;
- L’appui à la réinstallation des Pygmées ayant fui les guerres et dont une majorité se trouve encore dans des milieux inaccessibles,
- L’aide alimentaire,
- L’aide médicale d’urgence,
- L’accès aux biens de première nécessité,
- L’habitat, la construction des tentes et des campements,
- L’assainissement et la construction des latrines,
- La mobilisation intense pour obtenir des décideurs la prise en compte des Droits des Pygmées et l’abolition de l’esclavage et des toutes les formes de discrimination des pygmées sur l’ensemble du pays,
- Vulgarisation des principes universels des Droits de l’Homme et de citoyens
b. Les interventions de développement avec résultats à court terme :
- L’appui dans les activités d’auto prise en charge, notamment les activités agricoles
- Les activités de transfert des capacités, formation professionnelle dans différents domaines de développement agricole,
- Vulgarisation des principes universels des Droits de l’Homme et de citoyens
- Mise en place des structures d’encadrement (centre de formation, équipement, etc…)
- La scolarisation des enfants pygmées (prise en charge des frais scolaires, des fournitures, appui aux élèves pygmées scolarisés pour éviter le fort taux de déperdition scolaire)
- L’appui à l’émergence d’une classe artisanale chez les pygmées
- L’habitat, huttes modernes,
- Assainissement (construction des latrines, des puits d’eau, etc.,
- Infrastructures, construction d’école chez les pygmées, des centres de santé, des pharmacies,
- Infrastructures sportives et culturelles,
c. Les Interventions visant des résultats à Moyen et à long terme
- Stratégie de développement des ressources humaines autochtones à moyen et long terme
- Mise en place des Coopératives des pygmées (agricoles, commerce, etc)
- Appui à l’Insertion des Pygmées dans l’économie du marché
- Construction des infrastructures scolaires, infrastructures de santé, routes,
- Appui au transfert des capacités dans différents domaines
- Construction des écoles et des pensionnats mixtes dans les milieux des pygmées
- Vulgarisation des principes universels des Droits de l’Homme et de citoyens, des différentes conventions sur les populations autochtones
Fait à Kinshasa, le 16.08.2007
POUR ESPOIR POUR TOUS
LUC LUTALA
PRESIDENT DU CA
