GRANDS LACS AFRICAINS :UNE ANNEE QUI COMMENCE DANS LE SANG ET LE FEU

GRANDS LACS AFRICAINS
Une année qui s'achève et une autre qui commence dans le feu et le sang

Comme les années précédentes, c'est toujours la RDC qui ouvre le bal avec les conflits armés dans l'est du pays. Le mois dernier, la grande offensive décrétée par Joseph Kabila et ses alliés de la MONUC s'est soldée par une déroute sanglante des forces gouvernementales : selon Colette Braeckman et d'autres sources bien informées dans la région, les FARDC auraient perdu 3.000 hommes, 42 blindés et plus de 30 dépôts de munitions et d'armes au cours des combats entourant la reprise de Mushake, Karuba et autres localités par les troupes du général "déchu" Laurent Nkunda.

Avant même que l'année 2007 ne se termine, le Kenya a rejoint le Congo-Kinshasa dans la marmite sanguinaire des démocratures africaines. En effet, suite aux élections qui s'étaient bien déroulées dans les bureaux de scrutins selon les observateurs de la communauté internationale, et dont les résultats semblaient indiquer une victoire certaine du parti de la coalition orange (ODM) dirigé par Raila Odinga, le président sortant Mwai Kibaki a, contre toute attente, forcer la main de la commission électorale (ECK) pour se faire déclarer le vainqueur du scrutin. Kibaki prêta ensuite serment dans l'heure qui suivit dans l'enceinte de State House devant quelques fidèles.

Comme on pouvait s'y attendre les partisans de l'opposition n'ont pas tardé à montrer leur colère, parfois de manière excessive, à travers le pays en s'en prenant surtout aux membres de l'ethnie Kikuyu du président Kibaki, ainsi qu'à d'autres personnes jugées proches du régime. Les partisans de l'opposition ne sont pas les seuls impliqués dans les massacres inter-ethniques qui ont eu lieu à travers le pays, il faut aussi mentionner les disciples de la secte Mungiti (en majorité Kikuyu) qui sèment la pluie et le beau temps dans le bidonville géant de Kibera. Il ne faut pas non plus oublier les forces policières et en particulier la GSU (General Service Unit) qui n'ont pas hésité à tirer à balles réelles sur la foule des opposants. La répression exercée par les forces de l'ordre a été suffisamment efficace pour empêcher la manifestation monstre que tentait d'organiser l'ODM de Raila Odinga dans le parc Uhuru près du centre-ville de Nairobi.

La peur de massacres à grande échelle et des accusations mutuelles de "génocide" ont été lancées par les deux parties au conflit, mais il est clair que cela constitue une exagération de la réalité sur le terrain. Cependant, les émeutes déclenchées par les partisans de Raila Odinga ont souvent eu des relents de nettoyages ethniques, surtout dans la vallée du Rift et dans l'ouest du pays, où des groupes de Kikuyu ont dû se réfugier dans des commissariats de police et des églises pour échapper à la vindicte populaire. Le pire de ces massacres fut celui d'une cinquantaines de personnes brûlées vives dans une petite église d'Eldoret. Mais tout cela ressemble moins à un plan d'ensemble qu'à une flambée de violence spontanée, davantage reliée aux conditions de vie déplorables et au désespoir de gens au chômage depuis de trop longues années. Le vol de l'élection présidentielle par M. Mwai Kibaki, dans le contexte de corruption des élites kényanes et de pauvreté abjecte des masses populaires de ce pays, aura été l'étincelle responsable du coup de grisou qui afflige présentement le Kenya.

Si les médiateurs mis de l'avant par le Royaume-Uni ont été rejetés du revers de la main par les deux parties, l'archevêque sud-africain Desmond Tutu semble, lui, avoir eu davantage de succès auprès du président Kibaki et de l'opposant Raila Odinga. Le premier affirme en effet être maintenant prêt à dialoguer avec l'opposition, à condition que cessent les violences et Raila Odinga n'exige plus la démission du président avant d'entamer des discussions avec ce dernier.

De toute manière, 400 morts c'est déjà trop; et à juger par l'expression qu'on pouvait voir sur le visage de M. Odinga, lors de sa visite d'une des morgues de Nairobi devant les caméras de télévision, il est clair que l'homme a pris la mesure de l'ampleur du drame qui se joue déjà et qu'il entrevoit où tout ça peut mener...

L'Obsac croit que, contrairement aux élites politiques congolaises, les politiciens kenyans seront capables dans les jours qui viennent de retrouver leur sens et de reprendre en main la situation. Il est plus que probable que le grand perdant risque d'être le président Kibaki, mais il n'est pas certain que M. Raila Odinga puisse savourer une victoire totale.
Avant de conclure, revenont un peu sur la RDC, pour dire qu'il y a à Kinshasa une sorte d'atmosphère de fin de règne. À la suite de la défaite humiliante et sanglante des troupes gouvernementales dans le Nord-Kivu toute une série de rumeurs a circulé dans la capitale, selon lesquelles les jours du régime et du président Kabila lui-même étaient maintenant comptés. Des pasteurs charlatans, lui auraient même fourni la liste des généraux qui chercheraient à le liquider, comme ce fut le cas de son père. Et pour preuve, depuis un certain temps Kabila a annulé tous ses déplacements à l'extérieur du pays (Addis Abeba, Bangui, Rome, Lisbonne), parce qu'il craint justement pour sa vie.