RDC : Une enquête sur la justice et la paix à l'Est du pays
Enquête sur la justice et la paix au Congo
Le Centre international pour la justice transitionnelle (Ictj) a rendu publics les résultats d’une enquête sur la paix, la justice et la reconstruction sociale dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Les résultats ont été publiés le 06 octobre dernier à Kinshasa par Mirna Adjami, chef de mission- pays de l’Ictj en RD Congo.
Sous le titre « « Entre Paix et Justice : la Voix des Opprimés de la RDC », cette étude relève l’étendue des violations des droits de l’homme dont sont victimes les populations de la partie orientale du pays.
Imprimée sur 71 pages, l’enquête « Vivre dans la peur », a été présentée aux responsables des ONG de Kinshasa et des provinces. Il en ressort que la population de l’Est de la RDC perçoit la paix (51% des répondants) et la sécurité (34%) non seulement comme ses propres priorités, mais également comme les deux priorités que le gouvernement congolais devrait viser. 80% des citoyens sur 2.620 individus interrogés croient qu’il est possible de rendre justice aux victimes.
51% des sondés entendent par justice « l’établissement de la vérité »; 48% des enquêtés la définissent comme « l’application de la loi », 48% l’expliquent comme « le fait d’être juste ou équitable ». 51% des sondés estiment que les tribunaux nationaux sont à même de garantir la justice contre 26% qui ont admis que le Cour pénale internationale (CPI) peut bien le faire. Les uns (15%) ont proposé les tribunaux militaires tandis d’autres (15%) ont opté pour des mécanismes traditionnels/coutumiers.
Me Mirna a précisé que l’étude poursuit un certain nombre d’objectifs. Il s’agit, notamment, d’évaluer l’exposition générale à la violence des citoyens de l’Est du Congo en temps de guerre; de comprendre les priorités et besoins des civils affectés par le conflit; de saisir les attitudes des citoyens face à la paix; de documenter les attitudes et les opinions de la population face aux mécanismes de justice transitionnelle et, enfin, de mettre au clair les différentes opinions sur la relation entre la paix, la justice et la reconstruction sociale.
Tout en reconnaissant que l’étendue de la violence reste à déterminer de façon complète et documentée, l’étude a pu révéler que la majorité des personnes interrogées, soit 60%, ont vécu la disparition d’un ou plusieurs membres de famille. « 55% ont dit avoir été persécutées par des groupes armés, 53% forcées à l’esclavage, 46% battues ou menacées de mort, et 34% enlevées pendant au moins une semaine ».
61% de personnes interrogées ont dit avoir vécu la mort violente d’un membre de leur famille ou d’une amie contre 42% qui ont témoigné avoir perdu un membre de leur ménage.
La CPI appelée à mieux communiquer
Cette étude a porté sur un échantillon de 2.620 individus, dans le district de l ’Ituri, les provinces du Nord Sud-Kivu, ainsi qu’auprès de 1.133 individus à Kinshasa et Kisangani. Selon l’enquête, 65% des personnes interrogées à Kinshasa (capitale) et 61% à Kisangani (chef-lieu de la Province Orientale, Nord-Est) se sont identifiées comme faisant partie des victimes des conflits « bien qu’elles soient moins nombreuses que les répondants de l’Est, admis à 80% ».
Le directeur Programme Afrique/Ictj, Suliman Baldo, a formulé un certain nombre de recommandations au gouvernement. Il s’agit, entre autres, d’entreprendre une réforme efficace du secteur de la sécurité, d’initier un dialogue intercommunautaire pour aborder les différends sociaux; d’élaborer un plan de reconstruction à grande échelle, de s’engager à ouvrir un dialogue national avec l’ensemble de la population du pays pour évaluer différents mécanismes de justice transitionnelle.
L’Ictj entend plaider pour la réforme des juridictions militaires et civiles pour garantir l’indépendance, l’application régulière de la loi; la poursuite en priorité des criminels de guerre et assurer une complémentarité entre ces poursuites nationales et les travaux de la CPI, en adoptant un cadre réglementaire efficace permettant à l’Etat de poursuivre les auteurs des crimes de guerre. Le projet de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la CPI a été déposé au parlement pour examen et adoption. En RDC, au stade actuel, seules les juridictions militaires sont compétentes pour connaître des crimes de la compétence de la CPI.
L’étude demande à la CPI d’améliorer la campagne d’information et les activités de diffusion entourant les procès qui auront lieu, en tirant partie de la radio en tant que mode diffusion des informations; d’envisager la possibilité de tenir ses procès dans les pays où les crimes ont été commis, et enfin, de continuer et d’élargir l’enquête et les poursuites des présumés criminels de guerre.
Par Désiré-Israël Kazadi
Directeur de JPDH & Coordonnateur du Réseau des journalistes et communicateurs pour la justice transitionnelle (RJJT)
