Déclaration de ACCI sur l'institutionnalisation de l'Impunité en République Démocratique du Congo
Nous, organisations nationales et internationales des droits de l’homme, œuvrant pour mettre fin à l’impunité et aux violations massives, flagrantes et fréquentes des droits de l’homme en République Démocratique du Congo, réunies en synergie au sein de Actions Conjointes de lutte contre les Crimes Imprescriptibles en République Démocratique du Congo (ACCI–RDC) ;
Prenant acte du développement politico-sécuritaire à l’Est de la République Démocratique du Congo, développement qui pourrait occasionner la fin des hostilités et la fin des tragédies humanitaires dans les provinces orientale, Nord-Kivu et Sud-Kivu ;
Saluant l’arrestation au Rwanda du Général déchu Laurent Karumuna Kundabatware, chef de file du mouvement politico-militaire CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple);
Déplorant les violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire, tributaires du traque depuis le 20 Janvier 2009 des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR),
par les opérations conjointes des armées
Rwandaises et Congolaises ;
Déplorant avec regret que les opérations conjointes actuelles des armées Rwandaises et Congolaises dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont occasionné des graves violations des droits de l’homme à l’endroit des personnes autres que les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et Interhamwe, notamment à l’endroit :
- Des populations congolaises vivant dans les différentes zones opérationnelles.
- Des populations Hutu Congolais (populations civiles et sans défense) ;
- Des Réfugiés Hutu Rwandais (populations civiles et sans défense) ;
- Des Jeunes Réfugiés Hutu Rwandais (populations civiles et sans défense) qui étaient des enfants de deux à dix ans lors du génocide Rwandais de 1994 ;
Considérant l’intégration précipitée des éléments du mouvement politico-militaire CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo en lieu et place d’un brassage indispensable à tout processus de réforme et d’assainissement de l’Armée Congolaise ;
Considérant la présence au sein du CNDP des éléments recherchés par la Justice internationale partant du fait que ce mouvement politico-militaire a à sa charge plusieurs crimes imprescriptibles perpétrés en République Démocratique du Congo ;
Considérant le fait que la Cour Pénale Internationale (CPI) est dans l’incapacité temporelle de se saisir des dossiers des crimes imprescriptibles perpétrés en République Démocratique du Congo avant sa création le 1er Juillet 2002 ;
Vu l’opportunité et l’urgence, au regard de tout ce qui précède, les ONG nationales et internationales des droits de l’homme membres de Actions Conjointes de lutte contre les crimes imprescriptibles commis en République Démocratique du Congo (ACCI-RDC), invitent :
1. Le Gouvernement du Rwanda à l’ouverture politique dans le Pays à travers un Dialogue inter Rwandais en vue d’une paix durable au Rwanda et dans la région africaine des grands lacs ;
2. Le Gouvernement du Rwanda à procéder le plus rapidement possible à l’extradition en RDC du Général déchu Laurent Karumuna Nkundabatware pour qu’il y réponde de ses crimes perpetrés à Kisangani, à Bukavu et dans le Nord-Kivu ;
3. Les Gouvernements du Rwanda et de la RDC au strict respect des Conventions Internationales sur les Réfugiés dans la mise en œuvre des opérations DDRRR à l’endroit des ex-combattants de l’Armée Rwandaise (FDLR) ;
4. Le Gouvernement de la RDC à procéder le plus rapidement possible à l’arrestation et au transfert à la Cour Pénale Internationale de M. Bosco NTAGANDA, ancien Chef adjoint des forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) et actuel Chef d’Etat-major du CNDP, poursuivi par la justice internationale pour le recrutement des enfants au sein de sa milice armée en ITURI / Province Orientale ;
5. Le Gouvernement de la RDC, à s’engager résolument dans la lutte contre l’impunité en :
- Renforçant et en équipant le système judiciaire congolais pour qu’il soit à même d’amorcer
les poursuites pénales à l’endroit des milliers d’auteurs des crimes graves qui circulent
librement sur l’ensemble du territoire national ;
- Instituant une nouvelle Commission Nationale Vérité et Réconciliation, un mécanisme non Judicaire chargé d’établir la vérité sur l’histoire des violations massives des droits de l’homme en RDC et partant garantir la reconnaissance des responsabilités des crimes et autres ignominieux actes de brigandage commis sur le sol congolais ;
- Procédant aux profondes réformes institutionnelles en vue d’extirper et d’exfiltrer au sein de l’Armée, de la police et des services de sécurité, tous les présumés auteurs des crimes internationaux et autres graves violations des droits de l’homme ;
- Assurant les réparations matérielles, psychologiques, individuelles et collectives à l’endroit de tous les victimes des violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire en République Démocratique du Congo.
6. Le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) à diligenter ses enquêtes sur toute l’étendue de la RDC notamment au Sud-Kivu, au Nord-Kivu, au nord-Katanga, au Maniema, à Kinshasa, au Bas-Congo, en Equateur et dans le reste de la Province Orientale, pour que tous les auteurs des crimes imprescriptibles répondent de leurs actes ;
7. Soutien l’action du Procureur de la Cour Pénale Internationale dans la gestion des procès relatifs à M. Thomas Lubanga Dyilo de l’UPC et des FPLC, de Germain Katanga de la FRPI et de M. Mathieu Ngudjolo Chui du FNI et l’encourage à bien vouloir accélérer ses enquêtes pour que les criminels encore libres soient appréhendés et placés rapidement aux arrêts ;
8. La Communauté Internationale, à tout mettre en œuvre pour faciliter la tenue du dialogue inter Rwandais mais aussi pour instituer un Tribunal Pénal International pour la RDC et/ou pour l’instauration des juridictions à chambres mixtes susceptibles de répondre à la problématique de l’incapacité temporelle de la CPI et de la justice congolaise ainsi qu’ à la problématique de la discrimination des victimes des crimes internationaux perpétrés en RDC.
Fait à Kinshasa, Paris, Bruxelles, Washington,
le 18 février 2008
Pour ACCI-RDC,
Didier KAMUNDU B.
Coordonnateur National
