CONSOLIDATION DE LA PAIX EN RDC : PESSIMISME ET SEVERE REQUISITOIRE DES NATIONS UNIES.

Le Secrétaire Général des Nations Unies a exprimé la semaine dernière son pessimisme par rapport à la consolidation post-conflit de la paix en RDC. Dans un mémorandum adressé aux membres du Conseil de Sécurité, Ban Ki-moon soulignait sans ambages qu’il ne voyait pas des perspectives crédibles du retour de la paix et stabilité dans le pays, malgré les dernières opérations militaires menées conjointement par les FARDC et l’Armée rwandaise, expliquant son pessimisme par le manque d’engagement politique de la part du Gouvernement congolais et des ressources financières adéquates, ainsi que l’absence des capacités militaires effectives.

D’aucuns se souviendraient du tableau humanitaire et socioéconomique catastrophique que présentent depuis plus d’une décennie les deux provinces du Nord et Sud Kivu consécutivement à la survivance des groupes armés étrangers et certaines milices locales réfractaires à la paix qui y perpètrent pillages, viols, enlèvements, tueries et massacres des citoyens congolais. C’est certainement le souci de mettre fin à cet imbroglio sécuritaire qui dut justifier la décision du Chef de l’Etat congolais de solliciter les autorités rwandaises pour lancer en janvier dernier des opérations militaires impliquant conjointement l’Armée congolaise et des troupes rwandaises dans la traque des rebelles Hutus rwandais du Front Démocratique pour la Libération du Rwanda, en sigle FDLR.

Mais hélas, une triste réalité en ce jour est que les rebelles du FDLR et de la LRA continuent encore à narguer les FARDC et les contingents de la MONUC en s’adonnant aux mêmes exactions dans le chef des populations civiles locales, comme le souligne le Secrétaire Général des Nations Unies dans son rapport, une situation qui inspire moult interrogations par rapport aux résultats de ces opérations conjointes FARDC -Armée rwandaise dont le succès avait été tant vanté et qui ont suscité tant d’espoir de retour de la paix dans le Kivu.

En effet, serait-il exact d’affirmer en ce jour que ces opérations ont permis un démantèlement irréversible des structures militaires des FDLR ? S’il en est ainsi, qu’est-ce qui expliquerait alors les inquiétudes actuelles du Secrétaire Général des Nations Unies ? S’il s’avérait que cette action militaire combinée des FARDC et de l’Armée rwandaise contre les rebelles Hutus rwandais n’a pas atteint ses objectifs, a qu’est-ce qui justifierait cette contre-performance ? Quelles seraient les pistes d’une solution structurelle à cette complexe question de la neutralisation des forces négatives en survivance à l’Est de la RDC, laquelle constitue l’épine dorsale de toute la problématique actuelle de la consolidation post-conflit de la paix et du retour de la stabilité en RDC et dans toute la sous-région des Grands Lacs ?

A propos du démantèlement irréversible des structures militaires des FDLR, certains observateurs avertis sont plutôt enclins à répondre par la négative au regard de la façon dont ces opérations extrêmement complexes et délicates avaient été conçues et mises en œuvre.
En effet, sans être stratèges militaires, nos chasseurs aux villages savent réaliser qu’il faut d’abord bien encercler à l’aide des filets le repère des antilopes avant de lâcher les chiens et de effectuer la bâtie. Il s’agit simplement d’éviter que les animaux alertés ne détalent et s’échappent dans la nature.

L’action militaire menée par les forces coalisées contre les sanctuaires des FDLR ayant essentiellement consisté à des attaques frontales qui n’étaient pas suffisamment précédées par des déploiements de dispositifs de coupe-retraite, elle occasionna de simples délocalisations temporaires de l’ennemi que les gens interprétèrent abusivement comme des victoires militaires décisives.

C’est ainsi qu’au même moment où les communiqués en provenance du front annonçaient la destruction de la quasi totalité des bases opérationnelles des FDLR, ces derniers se manifestaient constamment dans des zones forestières excentrées du théâtre des opérations.

A titre illustratif, au plus fort des opérations, il fut rapporté l’arrivée dans le Sud-kivu des éléments FDLR enjoignant par une correspondance au Gouverneur de la Province de procéder à l’évacuation de la population civile en perspectives des combats qu’ils comptaient livrer contre des forces coalisées. Il est apparu à posteriori qu’au lieu d’avoir porté essentiellement sur des manœuvres d’encerclement et d’attaques par surprise susceptibles de permettre une destruction effective du potentiel humain des FDLR, les combats ont plutôt consisté en une campagne de démantèlement des infrastructures logistiques abandonnée par l’ennemi en fuite suite à un certain déficit de planification stratégique et opérationnelle qui devrait découler de l’insuffisance des renseignements fiables sur les localisations de ses sanctuaires et ses possibles itinéraires de repli .

En effet, il est de notoriété publique que les rebelles appliquent par définition la stratégie maoïste consistant à reculer chaque fois que les forces régulières avancent, et à attendre des circonstances favorables pour reprendre du terrain. La valeur stratégique de ces opérations militaires conjointes a été rendue plus que marginale pour la simple raison qu’il avait été laissé aux FDLR la possibilité de préserver le gros des ressources humaines qui devraient leur permettre à court ou moyen terme de reprendre du terrain perdu au détriment de la sécurité des populations congolaises locales et de la consolidation de la paix dans cette partie du pays.

Il est vraiment regrettable que la dernière implication personnelle du Chef de l’Etat, à la fois politiquement très courageuse et périlleuse, n’ait pas trouvé comme toujours au niveau de l’Armée du répondant requis en termes de planification stratégique et mise en œuvre opérationnelle. C’est dans le même ordre d’idées que, s’inscrivant en faux contre l’actuel optimisme de la rhétorique officielle, le mémorandum du Secrétaire Général des Nations Unies adressé au Conseil de Sécurité souligne sans détours que les espoirs du retour de la paix et de la stabilité en RDC s’effriteront encore davantage, même si les actuels affrontements armés au Kivu et dans le Haut-Uélé prenaient fin, aussi longtemps qu’il n’y aura pas « une transformation profonde de l’Armée et de la Police, et une sélection rigoureuse du personnel des services de sécurité ».

En établissant un diagnostic aussi net sur la question de la requalification des forces de défense et services de sécurité de la RDC, le diplomate Nord-coréen accuse une appréhension très juste de la complexe et délicate problématique de la consolidation de la paix et du retour de la stabilité dans l’ex-Zaïre. Le Congo est malade de l’absence d’une armée et des services de sécurité qu’elle mérite. Cette dernière considération nous ramène tout droit à la sempiternelle question du sous-emploi de l’énorme potentiel humain en matière de défense et sécurité dont dispose notre pays, et dont le gros est tenu à l’écart de la gestion des affaires de l’Etat pour des raisons purement subjectives, alors que l’Etat congolais a grandement de toutes ces intelligence et énergies injustement marginalisées pour sortir du bourbier actuel.

A ce propos, nous voudrions relever le fait que, depuis la fin des années 70, le Gouvernement des Etats-Unis ne daignaient plus dépêcher au Zaïre des conseillers et instructeurs militaires ou des spécialistes des renseignements. Les Américains estimaient tout simplement qu’ils avaient suffisamment formé dans leurs académies et grandes écoles des cadres congolais de grande valeur dont la présence rendait parfaitement superflu une importation du personnel expatrié. C’est pour cette raison que le Zaïre se retrouva à dépêcher des corps expéditionnaires au Nigeria, en Angola, au Tchad, au Rwanda, au Burundi etc., et à accueillir dans ses écoles et centres de formation militaire des stagiaires togolais, tchadiens, rwandais, burundais, ivoiriens, maliens, gabonais etc.

Des paras-commandos belges en formation à Marche des Dames devaient de temps à autre visiter le Centre d’Instruction de Kota Koli pour parfaire certains aspects de leur instruction, alors que le Centre Supérieur Militaire de Kinshasa/Mbinza accueillait régulièrement des officiers de l’Armée américaine qui y venaient suivre une formation en techniques d’Etat-Major. En matière d’intelligence et de sécurité militaire, l’ « Ecole zaïroise » avait acquis ses lettres de noblesse et suscité le respect de la CIA et du Mossad par sa substantielle contribution dans la dynamique de l’OTAN visant à contrer l’expansion du communisme en Afrique Centrale.

Tout ceci étant dit, une question intéressante pour les élites de ce pays serait de savoir ce qui aura entre temps changé pour que la RDC en soit aujourd’hui réduite à envoyer ses cadres militaires en formation dans certains pays africains qui ne sont pas des références en la matière, à recourir aux troupes des pays voisins pour se débarrasser de minables groupes armés étrangers et à mener des opération militaires sans disposer suffisamment des renseignements fiables sur l’ennemi? Pas grand-chose. Les mêmes hommes sont-là. Le problème se situe au niveau de la culture d’exclusion ayant élu domicile depuis belle lurette dans le pays.

C’est ainsi que nous ne nous lasserons pas de souligner que la clé d’une solution structurelle à la très complexe problématique de la consolidation post-conflit de la paix en RDC passe impérativement par une réconciliation nationale sincère et un démantèlement de l’actuelle culture d’exclusion qui devraient permettre un emploi judicieux de précieuses ressources humaines en matière de défense et sécurité dont dispose le pays. Les appuis militaires de la communauté internationale et des pays voisins ne peuvent jamais être plus que de simples apports conjoncturels.

Or, le langage de la force étant prédominant dans les relations internationales, comme le souligne si bien Paul Claval, il est clair qu’un pays qui ne dispose pas d’une stature militaire respectable s’expose constamment aussi bien à des mouvances insurrectionnelles internes qu’à des écornages externes de sa souveraineté nationale au détriment de la paix et du processus de développement. Seule une remise sur pieds des forces nationales de défense et de police devrait permettrait une prise en charge structurelle de la principale entrave à la consolidation de la paix dans le pays que constitue la survivance des groupes armés étrangers dans la partie orientale du pays. C’est bien-là le passage obligé vers une résolution structurelle de l’actuel imbroglio sécuritaire congolais, ce qui ne relève aucunement d’un miracle, mais plutôt du domaine de l’humainement réalisable.

Faustin Lokasola N’Koy Bosenge
- Coordonnateur du Centre d’Etudes Stratégiques
de la Chaire UNESCO pour l’Afrique Centrale
et les Pays de la SADC ;
- Membres des réseaux SADSEM, FOPRISA et ASSN.
- Email: npdacong2003@yahoo.fr,
- Tel. :( 243) 0998866498 / (243) 0817872393.