PERSISTANCE DE L’INSECURITE AU KIVU : MALHEURS AUX VAINCUS DISAIENT LES ROMAINS.

Coutant de nombreuses vies humaines et entrainant d’incommensurables souffrances physiques et morales pour des populations civiles locales, la question de la persistance de l’insécurité à l’Est de la RDC ne cessera jamais de préoccuper des personnes morales et physiques éprises du retour d’une paix durable et de la sécurité humaine dans le pays. Après avoir suscité beaucoup d’espoirs, l’Opération « Umejo Wetu »autrefois menée tambour battant par une coalition de troupes congolaises et rwandaises n’avaient pas permis la neutralisation des FDLR telle qu’escomptée; ce qui a justifié d’autres actions militaires dont les résultats ne sont pas probants jusqu’à ce jour.

Pis encore, l’Armée nationale continue à accuser une scandaleuse désorganisation avec des militaires impayés et obligés de survivre en pratiquant constamment des exactions sur de misérables paysans dont les FDLR continuent sans désemparer à perpétrer des massacres. Comme si ce tableau déjà très sombre ne suffisait pas, les éléments des FARDC stationnés dans le Kivu s’en sont allés jusqu’à pendre en partie des casques bleus des Nations Unies, le 27 juin 2009, à Pinga dans le territoire de Walikale.

Entre temps, il est de plus en plus question de bruits de bottes dans le Kivu au moment où le remaniement ministériel qui était sensé permettre la finalisation du très précaire arrangement politique contracté entre les autorités de Kinshasa et la direction politique du CDNP tarde toujours à venir.

A en croire le Chef coutumier Willy Mishiki de Walikale cité par le quotidien « Le Phare » paraissant à Kinshasa, la population civile du Kivu est abandonnée à son triste sort face à des FDLR qui continuent à opérer tranquillement sur des territoires pourtant sous contrôle des FARDC. Le compatriote Willy Mishiki devrait comprendre qu’un peuple qui perd ses capacités de se défendre militairement contre l’ennemi perd également sa liberté et sa dignité. Malheurs aux vaincus, disaient les Romains. Philippe Delmas affirme, nous citons :
« … L’organisation des relations entre les puissances se ramène à l‘organisation des guerres ...Au fil du temps, les nations ont inventé « l‘ordre » ; ce n’est pas l’harmonie, mais le bornage de l’inacceptable. L’ordre ne fut jamais la paix, mais une définition des raisons de faire la guerre : souveraineté, frontières, intérêts vitaux et autres équilibres toujours fragiles. La mesure de la puissance d’un pays est de pouvoir jouer un rôle dans la définition de l’ordre pour que ses intérêts soient pris en compte, c’est-à-dire reconnus comme importants par les autres. L’organisation ainsi convenue assurait la stabilité plutôt que la paix. Car, le privilège des puissances était de contenir la guerre chez les autres. Elle ne survenait entre elles uniquement que lorsque l’ordre était violé ou qu’une puissance nouvelle avait grandi à laquelle l’ordre en cours ne faisait pas une place suffisante. » (Delmas, Philippe, Le Bel Avenir de la Guerre, Gallimard, Paris, 1995, pp. 3-5.). Fin de citation.

Dans le même ordre d’idées, le Professeur Paul Claval souligne que le langage de la force est le plus usité dans les relations internationales, et que la paix n’est que la conséquence logique de la dissuasion que l’armée d’un pays exercent sur ses ennemis potentiels (http://fig-st-die.education.fr/; 2008).

Il y a lieu de retenir que c’est le fameux credo de « nouvel ordre mondial » autrefois très prisé par le Président Georges Bush senior qui conduisit à la Guerre du Golf dont les conflits actuels en Irak, en Afghanistan, au Liban et à Gaza ne sont que des suites logiques.

Avcele temps, il est devenu clair aujourd’hui que le projet du Grand Moyen Orient du Président Georges Bush junior n’était qu’une version voilée du nouvel ordre mondial dont la motivation fondamentale fut un remodelage de l’échiquier géostratégique moyen-oriental basé sur la réduction de puissance militaire de l’Irak de Saddam Hussein au profit des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Etat d’Israël et l’Egypte.

Le plus intéressant ici est de constater l’habileté avec laquelle le Président Georges Bush junior a réussi à présenter une approche stratégique bien préméditée du néo-conservatisme américain, à la faveur du 11 septembre 2001, comme une toute nouvelle dynamique visant à contrer l’expansion du terrorisme dans le Proche et Moyen-Orient. C’est exactement ce qui se passa dans l’ex-Zaïre avec la croisade internationale contre le régime Mobutu de 1997.

Pour le commun des mortels, l’Insurrection kabiliste de 1997 était une guerre destinée à libérer le peuple congolais de la dictature de Mobutu. Or, la triste réalité était vraiment aux antipodes de cette vision très naïve des choses. Les vraies motivations de cette croisade rwando-ougandaise contre le Zaire de Mobutu n’avaient rien à avoir avec les intérêts supérieurs du peuple congolais comme le constatera bien que très tardivement le Président Laurent Désiré Kabila. Cette guerre n’était qu’un prétexte utilisé par certaines capitales occidentales pour se débarrasser d’un géant dont la stature militaire gênait certains projets dans la sous-région.

Tout le monde sachant bien qu’un Mobutu très affaibli par la maladie n’allait plus tenir longtemps sur la scène politique, il n’y avait pas de raisons objectives de provoquer un conflit armé dans un sous-continent pour le faire partir des affaires. Le véritable mobile de la croisade rwando-ougandaise de 1997 contre le régime Mobutu se situait ailleurs.

Ayant subi pendant des décennies le diktat militaire de Mobutu dans la sous-région, certains pays voisins du Zaïre avaient tout à gagner en démantelant une puissance militaire qui inquiétait, ce qui procédait d’une approche tout à fait classique des relations internationales. Commencé depuis la fin des années 80, le laborieux processus parrainé par l’Occident pour la « démobutisation » de l’Afrique Centrale au profit des nouveaux pouvoirs en place à Kampala et Kigali avait fini par porter ses fruits le 17 mai 1997.

Philippe Delmas dirait que la prétendue « Guerre de Libération » de 1997 n’était qu’une habile manœuvre visant une redéfinition de l’ordre en Afrique Centrale. Un problème réel pour l’Occident était que le Zaïre de Mobutu était devenu moins stratégiquement utile, et par conséquent, devait céder sa position dominante au profit de l’un de ses deux voisins de l’Est de plus en plus performants, et surtout proches du monde anglo-saxon. Il s’agissait tout simplement de redéfinir l’ « ordre » en Afrique Centrale en faveur du Rwanda et de l’Ouganda.

Or, l’histoire de l’humanité nous apprend qu’un peuple qui perd la guerre, perd aussi la paix. Ayant perdu la guerre face aux troupes rwandaises commandées par l’actuel Général James Kabarhebe le 17 mai 1997, les Congolais ne s’étaient pas rendus compte qu’ils venaient aussi de perdre leur liberté et dignité.

En effet, autant il est vrai que le peuple zaïrois a longtemps souffert de la gouvernance autoritariste de la Deuxième République, autant il était inimaginable sous le règne du Maréchal Mobutu que des citoyens congolais soient pillés, violés et tués en toute impunité et sur le sol de leurs ancêtres par des étrangers, que la forêt, le sol et sous-sol congolais soient saignés à blanc par des prédateurs de tous bord et que de centaines de mères congolaises et leurs filles soient collectivement humiliées dans leur intimité féminine sous prétexte qu’elles sont fouillées pour la recherche des diamants comme c’était le cas récemment en Angola.

En revenant sur la situation en Irak, il y a lieu de constater que les élites de ce pays ont très vite compris le jeu des étrangers et rapidement aplani leurs divergences entre Chiites et Sunnites pour se réconcilier et constituer un front commun pour le salut national. C’est ainsi que la situation sécuritaire en Irak s’est sensiblement améliorée au point d’amener les Etats-Unis à accepter le principe du retrait de leurs troupes du territoire irakien pour laisser la place à la seule Armée irakienne.

Le plus intéressant ici est de constater que la majorité Chiite au pouvoir a consenti de confier le gros du Commandement de cette nouvelle Armée irakienne à des anciens de l’Armée de Saddam Hussein qui sont plutôt de la minorité Sunnite, privilégiant ainsi la compétence au détriment des considérations géopolitiques, et les résultats n’ont pas attendu pour suivre.

Une bonne médication part toujours d’un bon diagnostic. Ce ne sont pas des hommes valables qui manquent dans les FARDC et les services de sécurité de la RDC.

Or, dans un memo adressé en avril 2009 au Conseil de Sécurité, le Secrétaire Général de Nations Unies, un des hommes les mieux renseignés sur le dossier congolais dans le monde, soulignait qu’il ne voyait pas de perspectives crédibles de retour de la paix en RDC même si les opérations militaires en cours à l’Est du pays en arrivaient à prendre fin, aussi longtemps que ne seront pas effectués des choix judicieux des personnes dans l’Armée et les services de sécurité du pays.

Tout observateur averti de la question congolaise se rendrait bien compte que ce complot international pour l’annihilation de la redoutable stature militaire sous-régionale du Zaïre aurait déjà été depuis lors démantelé, comme ce fut le cas en Irak, si le pouvoir en place n’avait pas jusqu’à ce jour persisté dans son choix politique effectué depuis le 17 mai 1997 : celui de pratiquer une politique d’exclusion et de tolérer la médiocratie pour des mobiles liés aux considération ethniques et géopolitiques au détriment du respect des critères de compétence dans la désignation de hauts cadres militaires.

En suivant le défilé militaire organisé le 14 juillet 2009 à Paris à l’occasion de la Fête nationale française, nous avions personnellement été frappé de constater que ce ne sont pas des généraux, ce sont plutôt des colonels qui commandent pratiquement toutes les grandes de l’Armée française. Cette observation nous a quelque peu rappelé le fait que ce sont des sous-officiers (Non-commissionner officers) qui constituent les servomoteurs de l’Armée des Etats-Unis.

S’agissant des FARDC, comment voulez-vous gagner des guerres lorsque des nominations et affectations ne tiennent aucunement compte du profil des hommes ?

En effet, les FARDC sont la seule armée au monde où le premier venu peut être nommé général et se voir confier un commandement stratégique. C’est la seule armée au monde où peuvent se créer une dizaine de brigades d’infanterie en quelque mois. C’est la seule armée au monde où des gendarmes se retrouvent à la tête de grandes unités de combat et des officers d’administration en train de s’occuper des opérations spéciales au moment où des commandos et spécialistes de la lutte anti-terroriste bien formés et aguerris sont affectés dans la circulation routière dans la capitale. La RDC disposant d’énormes ressources humaines de haute facture dont la majorité est marginalisée et en déshérence, c’est simplement une question de volonté politique et d’organisation. On ne peut pas faire des miracles face aux FDLR lorsque tout est à l’envers.
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Or, ayant déjà fait de lui-même un diagnostic courageux sur son entourage au sommet de l’Etat, le Président de la République devrait normalement en tirer des conclusions qui s’imposent notamment au niveau de l’Armée et des services de sécurité.

En tant que le premier garant constitutionnel de la sécurité des biens et des personnes, ainsi que de l’intégrité territoriale du Congo, c’est bien à lui tout seul que revient la responsabilité morale et politique de faire bouger les choses à l’image de ce que font présentement ses collègues, en l’occurrence l’Américain Barack Obama et le Français Nicolas Sarkozy, deux chefs d’Etats réformateurs et hyperactifs qui n’hésitent pas à aller dénicher des oiseaux rares bien en dehors de leur propre famille politique pour le seul bénéfice des résultats.

En effet, pour les électeurs Congolais en général et les populations de l’Est du pays en particulier, le bilan de l’actuelle traque des FDLR pourrait peser dans la balance en 2011 de loin plus que la construction des hôpitaux, des routes et des aéroports.

LOKASOLA N’KOY BOSENGE
Doctorant
Coordonateur du Centre d’Etudes Stratégiques
Chaire UNESCO / Université de Kinshasa
Membres de CESA, SADSEM, FOPRISA et ASSN.
Tel. + 243 998866498 et + 243 817872393
E-mail : npdacong2003@yahoo.fr,
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