OMCT-Genève: Intervention de l'Organisation Mondiale Contre la Torture auprès de la CADHP à Banjul Gambie

Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

Organisation Mondiale Contre la Torture
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ORGANISATION MONDIALE CONTRE LA TORTURE (OMCT)

Intervention devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), dans le cadre de la 47ème session ordinaire, Banjul, Gambie, 12 -26 mai 2010

Point 4: La situation des droits de l’Homme en Afrique

Merci Madame la Présidente,

Madame la Présidente, Mesdames/ Messieurs les Commissaires, délégués et participants, en tant que principale coalition internationale d’organisations non gouvernementales luttant contre la torture, l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) souhaite partager ses préoccupations quant à la pratique de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique.

Ces 12 derniers mois, l’OMCT n’a cessé de documenter des cas de torture et autres formes de mauvais traitements, ainsi que des cas de disparitions forcées et de détentions arbitraires et/ou au secret, dans divers pays du continent, y compris en Egypte, Guinée Equatoriale, République Démocratique du Congo (RDC), Tunisie et au Zimbabwe.

Lors d’une mission réalisée par l’OMCT en RDC, plus particulièrement à l’est du pays, en février 2010, elle a pu constater que la situation des droits de l’Homme dans le pays ne s’est pas améliorée et reste grave. Des violations systématiques des droits de l’Homme, y compris des actes de torture, dont des viols, et autres mauvais traitements commis par des membres des forces armées, de la police, des services de renseignement et de groupes armés, sont quotidiennement rapportées. La pratique de la torture est non seulement commune dans des cas de détention et d’arrestation arbitraires, mais également dans des cas de détention régulière. Par ailleurs, les conditions de détention dans les prisons ou autres lieux de privation de liberté sont souvent assimilables à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. A cet égard, l’OMCT est particulièrement préoccupée par la situation dans les centres de détention de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) et de la Garde présidentielle dont l’accès est limité, voir interdit.

Les violations dénoncées perdurent, entre autres, du fait d’une impunité entretenue par les autorités de RDC. L’absence apparente de volonté politique d’arrêter ou de poursuivre certains suspects connus en est un exemple. A cela s’ajoute, l’extrême faiblesse du système judiciaire que ce soit en terme de garantie des standards minimaux en matière de justice équitable que de moyens alloués. Face à ce constat, l’OMCT regrette d’autant plus les reports répétés de l’examen du rapport étatique de la RDC devant la Commission du fait de l’absence de la délégation et appelle la Commission à examiner sans délai ce rapport.

En Tunisie[1], malgré les discours du Gouvernement, la torture et les mauvais traitements continuent d’être utilisés par les agents de police et l’administration pénitentiaire que ce soit contre des personnes critiquant la politique gouvernementale ou accusées de terrorisme ou d’extrémisme religieux ou bien dans le cadre d’affaires pénales de droit commun. Les élections présidentielle et législatives d’octobre 2009 ont laissé place à une répression plus forte qu’avant le début de la campagne, caractérisée par un renforcement de l’utilisation des mauvais traitements et le harcèlement à l’encontre de toute voix mettant en question la ligne politique gouvernementale.

L’impunité des responsables d’actes de torture et de mauvais traitements contribuent à renforcer ce phénomène. En effet, les plaintes et allégations de torture et mauvais traitements par des agents publics font très rarement l’objet d’une instruction par un juge ou sont souvent classées sans suite ou pour des motifs fallacieux. Dans certains cas, les plaintes ne sont même pas enregistrées ou bien aucune décision n’est prise quant à leur suivi par la justice.

A cet égard, l’OMCT souhaite souligner que le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, qui à la suite de l’examen du rapport périodique de la Tunisie en mars 2008 avait demandé des informations complémentaires, a jugé insuffisantes les informations fournies par la Tunisie et portant notamment sur la torture et les mauvais traitements[2].

La situation dans la République de Djibouti préoccupe également vivement l’OMCT suite à plusieurs informations crédibles concernant des exactions commises, y compris des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture et mauvais traitements, par l’armée, en particulier au Nord et dans les régions frontalières (Margoïta, Hilu, Siyaru et Mablas), ces derniers mois.

Enfin, l’OMCT souligne qu’à travers l’Afrique, les violations des droits économiques, sociaux et culturels sont très souvent la cause profonde de la torture et autres formes de violence. Les pauvres et les marginalisés sont les plus vulnérables. Très souvent les expulsions forcées sont accompagnées de violence abusive et disproportionnée de la part des forces de l’ordre qui usent de leur autorité également à l’encontre des habitants des quartiers défavorisés, comme l’OMCT l’a récemment dénoncé avec des partenaires dans un cas en Angola, plus précisément à Lubango (voir l’intervention conjointe Christian Aid, COHRE et OMCT diffusée le 25 mars 2010).

Madame la Présidente,

L’OMCT rappelle que la pratique de la torture et autres formes de mauvais traitements ne peut être justifiée sous aucune circonstance; aucun argument politique, économique, idéologique ou sécuritaire ne peut légitimer cette pratique.

Les Etats ont pour responsabilité en droit international de criminaliser effectivement la torture et autres formes de traitements, cruels, inhumains ou dégradants, de prévenir leur occurrence, de traduire en justice et sanctionner les auteurs présumés de ces actes et de garantir une réparation adéquate aux victimes.

Il est important de souligner que la crédibilité de la prévention de la torture et des mauvais traitements est mise à mal chaque fois que des agents publics responsables de telles violations ne sont pas dûment sanctionnés.

Or, trop souvent, l’impunité persiste uniquement du fait de l’absence d’une volonté politique d’enquêter exhaustivement sur les allégations de torture et autres mauvais traitements et de traduire les auteurs présumés en justice.

L’impunité prive les victimes et leurs familles au droit à ce que la vérité soit établie, le droit à la justice et le droit à la réparation. Afin de mettre un terme à l’impunité, les responsables, directs ou indirects, d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent être identifiés, traduits en justice et sanctionnés et, afin d’assurer la justice, les victimes de torture et autres formes de mauvais traitements doivent avoir accès à une réparation adéquate, y compris une compensation et une réhabilitation.

En conclusion, l’OMCT appelle les Etats membres qui ne l’ont pas déjà fait à ratifier et mettre pleinement en œuvre la Convention des Nations unies contre la torture et son protocole additionnel qui, entre autres, demande aux Etats parties de créer ou désigner des mécanismes nationaux de prévention (MNP), et plus généralement l`OMCT appelle les Etats membres, les institutions nationales et la Commission à poursuivre les efforts afin d’assurer le respect par les Etats de leurs obligations découlant des instruments internationaux et régionaux en ce qui concerne l’interdiction de la torture et autres formes de mauvais traitements et de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que le droit à ne pas être soumis à la torture et autres formes de mauvais traitements, en tant que droit absolu et non dérogeable, soit garanti de manière effective pour toutes les femmes et tous les hommes, y compris les enfants, quel que soit leur statut civil, politique, économique, social ou culturel.

Merci, Madame la Présidente.

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[1] Voir la Note sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations du Comité des Droits de l’Homme par la Tunisie, août 2009, disponible sur le site de l’OMCT www.omct.org.

[2] Voir la lettre du Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales du Comité des droits de l'Homme, 30 juillet 2009. Suite à l'examen du rapport périodique de la Tunisie en mars 2008, le comité avait en effet demandé des informations complémentaires sur quatre recommandations formulées portant sur la peine capitale, la torture, la protection des activités des défenseurs des droits humains ainsi que l'examen spécifique des demandes et des refus d'enregistrement des associations de défense des droits de l'Homme (paragraphes 11, 14, 20 et 21 des observations finales). Les réponses ont été adressées par le gouvernement tunisien le 11 mars 2009.


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