10 ans déjà : OLPA toujours sur le front de la liberté des médias
Kinshasa, le 3 mai 2014. Depuis 1993, le monde célèbre chaque 3 mai, la journée internationale de la liberté de la presse. Cette année la journée est placée sous le thème : « la liberté des médias pour un avenir meilleur : contribuer au développement post-2015 »
En République démocratique du Congo, cette journée coïncide avec le dixième anniversaire d’existence de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), une organisation indépendante qui a fait de la défense et de la promotion de la liberté de la presse sa préoccupation quotidienne.
Pendant une décennie, des bénévoles de l’OLPA disséminés à travers l’immense territoire de la République démocratique du Congo surveillent chaque jour l’exercice de la liberté de presse à leurs risques et périls, bravant la peur, l’intimidation, la conjoncture économique difficile et le manque de financement institutionnel.
Le vœu émis par la communauté internationale de voir la liberté des médias favoriser un avenir meilleur, est partagé par tous les défenseurs de la liberté de la presse de la République démocratique du Congo, un pays caractérisé, à ce jour, par des atteintes graves à la liberté de la presse au cours de dix ans d’exercice de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique.
Plusieurs assassinats des journalistes congolais ont été enregistrés et les instances judiciaires qui s’en sont suivies ont laissé le goût d’inachevé, accentuant le sentiment d’insécurité dans le chef des professionnels de la presse travaillant en RDC.
Malgré l’engagement des autorités du pays à lutter contre l’impunité des auteurs des crimes, particulièrement les attaques contre les médias et les journalistes, il est curieux de constater que plusieurs bourreaux ou commanditaires d’attaques contre les journalistes vivent en toute liberté et aucune action judiciaire n’a été diligentée contre eux pour qu’ils répondent de leurs actes.
A ce jour, l’accès à la justice pour les journalistes et les médias demeurent également un casse-tête au regard des faits et gestes du personnel judiciaire souvent inféodé aux injonctions des autorités politico-administratives.
Au lieu d’être perçue comme le dernier rempart pour les professionnels de la presse, la justice congolaise a encore une image à redorer parce que considérée comme étant corrompue par les plus forts et les plus riches et elle est susceptible de réduire au silence tout média ou professionnel de presse soucieux d’exercer pleinement sa liberté d’expression et d’opinion.
Une telle attitude ne pourrait guère favoriser ni la liberté des médias, moins encore contribuer au développement après 2015. Seuls des médias et des journalistes réellement libres peuvent contribuer à l’avènement des institutions fortes et démocratiques en RDC, à la bonne gouvernance et au développement du pays tout entier.
D’où, l’appel pressant de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique à l’endroit des autorités congolaises de tout mettre en œuvre pour favoriser la liberté de presse garantie par les dispositions constitutions ainsi que par les instruments juridiques internationaux ratifiés par la République démocratique du Congo.
OLPA rappelle également à l’Etat son obligation de soutenir les médias privés par des subventions, afin de contribuer à l’émergence d’une presse congolaise légaliste, prospère et économiquement viable. Bref, un quatrième pouvoir susceptible de faire le poids face aux trois autres pouvoirs traditionnels.
Il en est aussi de l’obligation de favoriser l’accès aux médias publics jusque là confisqués par une poignée d’individus qui se livrent chaque jour à des activités de propagande qui reculent le pays de plusieurs années.
Tout en saluant des gestes d’apaisement qui ont contribué à la libération de quatre journalistes congolais incarcérés depuis plusieurs mois grâce à la loi d’amnistie du 11 février 2014, OLPA fait part de ses vives inquiétudes de voir la situation de la liberté de la presse s’empirer dans les prochains mois avec l’organisation annoncée des élections locales et municipales, dès lors que plusieurs rapports alarmants font état des interpellations abusives, des menaces et actes d’intimidations contre des journalistes et des médias à travers le pays, la fermeture de certains médias pour des motifs non légaux, etc.
Eu égard à ce qui précède et face aux craintes de voir la situation de la liberté de la presse en RD Congo se détériorer au cours de prochains mois, OLPA recommande :
- Au Président de la République de rester attaché à son serment du 21 décembre 2011 d’observer et de défendre la Constitution qui garantit dans ses dispositions le droit d’informer et d’être informé ;
- Au Chef du Gouvernement : - d’améliorer la situation de la liberté de la presse en ordonnant dans un délai relativement court la réouverture de tous les médias fermés sur le territoire national ;
- de décourager toute immixtion du Ministre chargé de la Communication, des autorités politico-administratives et des responsables des forces de sécurité dans le fonctionnement des médias privés et publics ;
- d’instruire tous les services de police et de la justice de s’abstenir des interpellations abusives et attentatoires à la liberté des médias, de cesser des pressions sur les médias et les journalistes, de mener des enquêtes policières et judiciaires responsables en vue de réduire les atteintes à la liberté de la presse ;
- Au Parlement d’envisager de profondes reformes légales pour renforcer la liberté des médias privés et publics ainsi que l’accès aux sources d’information ;
-Au Conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication de s’émanciper, de renforcer son indépendance vis-à-vis du Gouvernement et des forces politiques et de redorer son image ternie auprès des professionnels de la presse et de l’opinion publique;
-Et à la presse congolaise, OLPA recommande l’observance des règles qui régissent le métier et la consolidation de l’unité de la corporation.
