Atelier sur l'avant-projet de loi portant Amnistie
RAPPORT DE L’ATELIER SUR L’AVANT-PROJET DE LOI PORTANT AMNISTIE
POUR FAITS DE GUERRE, INFRACTIONS POLITIQUES ET D’OPINION
1. INTRODUCTION
Le point III alinéa 8 de l’Accord Global et Inclusif sur la transition en République Démocratique du Congo stipule : « Afin de réaliser la réconciliation nationale, l’amnistie sera accordée pour les faits de guerre, les infractions politiques et d’opinion, à l’exception des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité. A cet effet, l’Assemblée nationale de transition adoptera une loi d’amnistie conformément aux principes universels et à la législation internationale. A titre provisoire, et jusqu'à l’adoption et la promulgation de la loi d’amnistie, l’amnistie sera promulguée par Décret-loi présidentiel. Le principe de l’amnistie sera consacrée dans la Constitution de la transition ».
Effectivement la Constitution de la transition a consacré le principe en disposant à son article 199 : « A sa première session de l’Assemblée nationale de la transition adoptera, conformément aux principes universels et à la législation internationale, une loi portant amnistie pour les faits de guerre, des infractions politiques et d’opinion, à l’exception des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité. A titre provisoire et en entendant l’adoption et la promulgation de la loi d’amnistie, l’amnistie sera promulguée par le Décret-loi présidentiel ».
Conformément à la Constitution de la transition, le Président de la République a pris en date du 15 avril 2003, le Décret-loi n°003/001 portant amnistie à titre provisoire.
Le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme (CODHO) a constaté que les Cours et Tribunaux tant civils que militaires ont appliqué ce Décret-loi d’une manière sélective de telle sorte que certains détenus et prisonniers continuent à garder leurs cellules alors qu’ils devaient être libres depuis le mois d’avril.
Bien plus, ce Décret-loi n’a pas été appliqué dans les provinces aussi bien sous contrôle Gouvernemental que sous contrôle des anciens mouvements rebelles :RCD/GOMA, MLC, RCD/K-ML, RCD-N, Maï-Maï, etc.
Afin de participer à la réalisation de la réconciliation nationale, et l’apaisement des esprits et d’éliminer toute forme de discrimination, le CODHO a organisé cet Atelier auquel il a convié des hauts magistrats civils et militaires, des scientifiques, des avocats, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme pour réfléchir sur un projet de loi d’amnistie à proposer à l’Assemblée nationale avant sa première session.(liste des participants en annexe).
Cet Atelier s’est déroulé au Centre Culturel BOBOTO situé dans la commune de la Gombe à Kinshasa le 3O juillet 2OO3 de 10 heures à 15 heures sous la modération de Me Willy WENGA ,Avocat et chargé des questions juridiques à l’African center for peace and democracy(ACPD).
Pour organiser cet atelier le CODHO a bénéficié du soutient de Initiative Congolaise pour le sauvetage de Goma (ICG-Kinshasa) et du soutien financier de la coopération allemande/GTZ en RDC.
2. DEROULEMENT DES ACTIVITES
Les travaux de l’Atelier se sont déroulés en deux phases à savoir :
- les communications portant sur le Décret-loi présidentiel n°003/001 d’amnistie ;
- les travaux en carrefours et la production du texte d’un avant-projet de loi d’amnistie.
2.1. Communications (Exposés)
Quatre communications précédées du mot de circonstance de M.N’Sii LUANDA, président du CODHO ont été programmées :
- Décret-loi n°003/001 du 15 avril 2003 : analyse de sa lettre et de son esprit. Cette communication a été donnée par le Professeur MAZYAMBO MAKENGO de l’Université de Kinshasa et Avocat au barreau de Kinshasa - Gombe.
- Décret-loi n°003/001 du 15 avril 2003 : évaluation de son application par les juridictions civiles. Cette communication a été donnée par l’Avocat Général de la
République KATWALA KABA KASHALA au nom du Procureur Général de la République, empêché.
- Décret-loi n°003/001 du 15 avril 2003 : évaluation de son application par les juridictions militaires. Celle-ci a été donnée par Maître Marcel WETSH’OKONDA Avocat au barreau de Kinshasa - Gombe.
- De l’amnistie en droit congolais et en droit comparé. Celle-ci a donnée le Professeur LUZOLO BAMBI de l’Université de Kinshasa, Avocat au Barreau de Kinshasa - Gombe et Président de la Commission de réforme de droit congolais.
Les intervenants ne disposant que de 5 à 7 minutes chacun, ils ont seulement résumé leurs communications dont les textes sont annexés au présent rapport.
De toutes les communications il s’est dégagé ce qui suit :
· le décret-loi n°003-001 du 15 avril 2003 portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion n’a pas défini tous les faits et infractions concernés ouvrant ainsi la porte à toute sorte d’interprétation ;
· le décret-loi a été pris à titre provisoire alors que l’amnistie a pour effet d’enlever définitivement aux faits leur caractère infractionnel ;
· ce décret-loi ne fournit aucune précision quant aux bénéficiaires de l’amnistie ;
· le décret-loi ne fait aucun cas du droit des tiers à la réparation ;
· l’application de ce décret-loi a été sélective : tous les anciens belligérants gardent encore dans leurs cachots et prisons ( à Kinshasa, Mbandaka, Mbuji-Mayi, Kananga, Lubumbashi, Likasi, Gbadolite, Beni, Butembo, Goma, Bukavu, Kindu, Kisangani, Bunia, etc, des personnes poursuivies ou condamnées pour les faits et infractions amnistiés alors
que des civils qui n’avaient rien à faire avec la guerre en ont bénéficié, notamment les membres de l’association Bundu Dia Kongo à Kinshasa ;
· Le gros de bénéficiaires de cette mesure relève de la justice militaire car pendant la guerre, les Cours et Tribunaux civils ont été écartés au profit de la Cour d’Ordre militaire et de juridictions militaires d’exception ont été mises sur pied par les anciens mouvements rebelles .
Un débat de 20 minutes a suivi les exposés. Chaque intervenant a eux à répondre au questions qui lui ont été adressées. Il y a eu aussi des interventions de complément ou d’enrichissement ; après l’atelier s’est éclaté en deux carrefours.
2.2. Travaux en carrefours
Le carrefour A était chargé de réfléchir sur l’exposé de motif de l’avant-projet de loi d’amnistie à proposer à l’Assemblée Nationale et de faire des recommandations au Gouvernement, au Parlement, aux Cours et Tribunaux et à la Société civile.
Dans le projet de l’exposé des motifs, quelques options ont été proposées et adoptées par la majorité des participants. Ces options sont :
- la définition par énumération des infractions amnistiées ;
- l’extension du bénéfice de l’amnistie à tous les congolais même à ceux qui n’ont pas fait la guerre ;
- une réserve du droit des tiers à la réparation expressément soulignée dans le texte de la loi ;
Le carrefour B était chargé de réfléchir sur les infractions politiques, et d’opinion et des faits de guerre en vue de les définir et de proposer des stratégies d’action pour le suivi.
Concernant les infractions politiques, le carrefour B a proposé la définition suivante : « les infractions d’atteinte à la sûreté de l’Etat telles que prévues au titre VIII du Code pénal militaire, livre II et le titre III du Code pénal militaire.
Les infractions d’opinion n’existant pas en droit congolais , les membres du carrefour B ont pensé que les négociateurs au dialogue national à Pretoria en Afrique du Sud, parlant des infractions d’opinion avaient à l’esprit toute déclaration, tout écrit ou toute attitude fait par quiconque a critiqué la Constitution, les lois de la République, la forme et le fonctionnement des institutions ainsi que les autorités publiques.
Les faits de guerre sont des infractions commises pendant la guerre et pour le besoin de celle-ci sur les fronts des hostilités ou non.
Les membres du carrefour B ont proposé un certain nombre de stratégies relatif aux actions de suivi de l’atelier que l’on peut lire en annexe du présent rapport.
Après les travaux en carrefours, la mise en commun s’est effectuée et il s’est dégagé un texte de l’avant-projet de loi d’amnistie ci-annexé, qui sera proposé à l’Assemblée Nationale à sa première session ,des recommandations au Gouvernement, à l’Assemblée Nationale aux Cours et Tribunaux et la société civile ont été faites ainsi que des stratégies ont été d’action ont été adoptées.
2.2.1 Recommandations
Après adoption du texte de l’avant-projet de loi portant sur les faits de guerre, infractions politiques et d’opinion, les participants à l’atelier ont recommandé ce qui suit :
Au Gouvernement :
- de cesser d’ interférer dans le travail cours et tribunaux , notamment en les empêchant d’appliquer complètement et de façon impersonnelle et non sélective la loi d’amnistie, présente et à venir .
Au parlement de transition :
-de tenir compte de l’avant-projet de loi issu de l’atelier de CODHO de Boboto (du 30 juillet 2003) dans l’élaboration de la loi portant sur l’amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion en sa première séance,
-d’avoir la vraie réconciliation et l’unité nationale à l’esprit lors de rédaction et des discussions de cette loi,
-d’éviter les termes ambigus qui pourraient poser problème tant dans l’application que le chef des bénéficiaires comme l’expression « à titre provisoire » utilisée dans le Décret-Loi incriminé,
-de transcender dans cette matière d’amnistie l’esprit de composante au profit de l’intérêt national.
· Aux Cours et Tribunaux :
- d’appliquer sans faille le Décret-Loi n° 003/001 portant sur l’amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion du 15 avril 2003, et loi lorsqu’elle sera adoptée,
- de se montrer indépendant et responsable devant l’exécutif.
. A la société civile , notamment les ONG de défense des droits humains de :
-s’approprier le texte de l’avant-projet de loi portant l’amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion issu de l’atelier du Centre Boboto/ Gombe du 30 juillet 2003 et faire son lobbying en vue de son adoption au parlement de transition en sa première séance.
-faire un lobbying pour l’application non sélective et sur toute l’étendu du territoire de la République démocratique du Congo du Décret-Loi n° 003/001 portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion du 15 avril 2003 en attendant la loi du parlement ;
Aussi, les participants à l’atelier ont-ils signalé que la loi d’amnistie n’est pas particulière à certaines personnes, c’est à dire qu’elle concerne tout individu, national ou étranger auteur ou complice des actes prévus au titre VIII du Code pénal ordinaire, Livre II et au titre III du Code pénal militaire ou de leurs tentatives , poursuivi ou condamné en République démocratique du Congo depuis le 2 Août 1998 . La guerre du 2 août 1998 n’est qu’une référence mais bénéficiaires ne s’y limitent pas car le but est la réconciliation nationale . L’exemple est celui la libération des membres de l’association BUNDU DIA KONGO par le parquet général près la cour de sûreté de l’Etat à Kinshasa et mais les personnes condamnées dans l’affaire de l’assassinat du Président Laurent-Désiré KABILA n’ont pas encore été libérées alors qu’ils sont aussi bénéficiaires du même Décret-loi d’amnistie n° 03/001 du 15 avril 2003 que le précités.
En fin, les participants à l’atelier ont stigmatiser le fait que la loi d’amnistie à venir contienne une réserve des droits des tiers expressément soulignée pour lui donner le caractère victimo centrique nécessaire ne consacrant pas ainsi l’impunité.
2.2.2. Stratégies
Après adoption du texte de l’avant-projet de loi portant sur les faits de guerre, infractions politiques et d’opinion, les participants à l’atelier ont adopté les stratégies d’action en vue de l’application du décret-Loi 003/001 du 15 avril 2003 et l’acceptation par l’Assemblée Nationale de transition de l’avant-projet du Centre Culturel Boboto de Kinshasa et son adoption . Il s’agit de :
-Mise sur pied d’un Comité de suivi composé des avocats, magistrats, journalistes, défenseurs des droits de l’homme, chercheurs et des Professeurs d’université chargé d’assurer le suivi des résolutions de l’atelier , notamment le lobbying en faveur du projet de loi,
-Publication sous forme de plaquette le projet de loi portant sur l’amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion,
-Publier et vulgariser les résolutions de l’atelier,
-Faire circuler une pétition en vue de recueillir les signatures du public pour le soutien dudit projet de loi,
-Enumération exhaustive dans l’avant-projet de loi d’amnistie des infractions politiques prévues par le titre VIII du Code pénal ordinaire, Livre II et le titre III du Code pénal militaire et des faits de guerre.
Fait à Kinshasa, le 30 juillet 2003.
Le Comité Organisateur
COMITE DES OBSERVATEURS DES DROITS DE L’ HOMME (CODHO
A/9 , rue Ikelemba, Q. Matonge III, C. Kalamu, Kinshasa (rond-point victoire derrière la boulangerie BKTF) R.D.Congo – Tél. +243(à)815089970-e-mail :nsiiluanda _codho@yahoo.fr
ANNEXES DE L ATELIER SUR L’AVANT-PROJET DE LOI PORTANT AMNISTIE POUR FATS DE GUERRE , INFRACTIONS POLITIQUES ET D’OPINION
Annexe A : LISTE DESPARTICIPANTS
1) N’Sii LUANDA ( CODHO/ ICG-Kin)
2) Lt LUBUKU JEPH (Auditorat militaire/ Garnison de Kin)
3) TSHIMBUNDU WA TSHI ( Directeur Ministère de la Justice)
4) MARCEL WETSHO ( CDH)
5) Me CELESTIN OHOTE ( AMIS DE LA PRISON)
6) SYLVAIN – KAYUMBA ( TOGES NOIRES)
7) Me BASUBI KISWA ( GROUPE JEREMIE)
8) JEAN- KABANGU (AMIS DE NELSON)
9) DIKUIZA –BENZE ( VSV)
10) GEORGES OHELO ( I C G /NATINALE)
11) BIENVENU KARHAKUBWA ( I C G / KINSHASA)
12) PLACIDE BANEWGYA ( JED )
13) Me DIEUDONNE DIKU ( OCDH)
14) Me BONGELI THIERRY ( AIAD)
15) KAVEMBE TSHIMPANGA ( Secrétariat Général / Min. Droits humains)
16) ROSETTE SAIBA ( RCD-K/ML)
17) LIAMBI M . ( Conseiller à la Cour de Sûreté de l’Etat)
18) DIEUDONNE NZUZI PH ( IPPF)
19) Me ROBERT SIMUERAY ( CODHO)
20) Me IZUA KEMBO ( CODHO)
21) SHAMAMBA LUKOO ( CODHO)
22) WENGA ILOMBE ( ACPD)
23) MBULA WILIMO ( CODHO)
24) BITONDO PASCALINE (CODHO)
25) Me ROMAIN MINDOMBA (ASADHO)
26) DEOGRATIAS SYMBA (FREELANCE JOURNALIST)
27) Prof. LUZOLO (Président de la Commission permanente de réforme du droit congolais)
28) Prof. MAZYAMBO
29) Me BONDO TSHIMBOMBO (ASF- RDCongo)
30) KATUALA KABA KASHALA (Avocat Général de la République)
