« Etat des lieux sur la situation socio-politique en R.D. Congo. Quel rôle pour la Société Civile Congolaise pendant la Transition? »
Le réseau Forum des Cadres Scientifiques pour le Développement, FORCAS en sigle, a tenu du 11 au 12 décembre 2003, un Colloque dans l’enceinte de l’Université de Kinshasa ( Faculté des Sciences, Amphithéâtre B1 ) sur le thème « Etat des lieux sur la situation socio-politique en République Démocratique du Congo. Quel rôle pour la Société Civile Congolaise pendant la Transition ? »
Ce colloque a réunit environ 100 participants, représentant essentiellement les 10 Facultés qui constituent l’Université de Kinshasa et quelques invités appartenant à d'autres organisations de masses.
A l’issue de leurs réflexions, les participants ont fait une déclaration dont les grandes lignes sont reprises comme suit :
Nous, membres de la communauté universitaire constituant le réseau Forum des Cadres Scientifiques pour le Développement, FORCAS en sigle;
Mus parmi l’idéal commun de faire aboutir les aspirations légitimes du peuple congolais à un régime politique et économique cohérent et conséquent, ainsi qu’à des Institutions véritablement démocratiques;
Ayant mené des consultations en vue d’analyser la situation politique actuelle en R.D.C. à la lumière des résolutions pertinentes issues du D.I.C. tenu à Sun City en Afrique du Sud, du 25 février au 19 avril 2002 et dont les instruments juridiques de référence sont:
1. L’Accord global et inclusif ;
2. La Constitution de la Transition ;
3. La Déclaration universelle des droits de l’homme.
Considérant l’Accord global et inclusif en ce qu’il a réglementé la cessation des hostilités et définit les objectifs principaux de la Transition dont notamment la réconciliation nationale, la formation d’une armée nationale restructurée et intégrée, la mise en place des structures devant aboutir à un nouvel ordre politique et à l’organisation des élections démocratiques, libres et transparentes;
Considérant d’autre part que la répartition des postes de responsabilités au sein des Institutions de la Transition et à tous les niveaux de l’Etat devrait se faire sur base d’inclusivité et du partage équitable entre composantes et entités au D.I.C. selon les critères de compétence, de crédibilité et d’honorabilité dans un esprit de concorde nationale;
Vu la disposition de l’Accord global et inclusif relative à la recommandation de la commission Défense et Sécurité sur l’unification et l’intégration de l’Armée;
Vu enfin les dispositions des articles 3 et 17 de la Constitution de la Transition;
Ayant observé et analysé des faits et actes depuis l’entrée en vigueur de l’Accord global et inclusif, de la Constitution de la Transition et notamment la mise en place des Institutions de la Transition;
Déclarons ce qui suit:
La Société Civile de la R.D.C. prend à témoin l’opinion tant nationale qu’ internationale en sa qualité d’acteur du développement communautaire et en tant que syndicat public du peuple, pour constater la violation et la non-application des dispositions contenues dans les instruments juridiques issus du D.I.C.
A titre énumératif et non exhaustif:
1. Sur le plan sécuritaire
1.1. La persistance de l’insécurité et des hostilités dans le Nord et le Sud-Kivu ainsi que dans le District d’Ituri.
1.2. Des infiltrations des soldats des pays étrangers sur notre territoire en prévision probable d’une action de grande envergure contre notre Patrie.
1.3. A Kinshasa, des méthodes insolites, impropres à la culture bantoue sont introduites. Elles comprennent tour à tour ou concomitamment: assassinats crapuleux, décapitations, mutilations de cadavres, etc..
2. Sur le plan économique et social
2.1. Le pillage systématique de nos richesses naturelles et autres.
2.2. La mauvaise gouvernance dans la répartition des financements des travaux publics d’intérêt général, en attribuant des marchés à des entreprises sans expertise ni expériences confirmées.
2.3. L’application d’une politique fiscale de terrorisme ne tenant pas compte de la loi, et aboutissant à une extorsion des fonds qui n’atteignent même pas le Trésor Public. N’est-ce pas là une fiscalité qui décourage les investisseurs et qui ne favorise nullement le développement du Pays ?
2.4. Une politique d’improvisation et de discrimination dans le secteur de l’Enseignement.
En effet, le Gouvernement espère-t-il régler les problèmes de l’Enseignement à coup de décrets dans un secteur aussi stratégique et où seule une réforme bien étudiée et bien conduite peut aider le Pays à sortir de l’impasse !
A quoi rime notamment la fermeture intempestive des Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur, récemment annoncée dans la précipitation et sans mesures d’accompagnement ?
2.5. La politique salariale non uniforme; les uns touchant des salaires colossaux, les autres croupissant dans la misère alors que tous prestent leurs services dans les Administrations publiques.
2.6. La non-maîtrise des paramètres macro-économique comme il se doit.
En effet: la sécurité sociale et l’assistance humanitaire font défaut dans les villages, grands centres et villes, surtout ceux récemment libérés.
2.7. S’il y a eu çà et là le silence des armes, il règne actuellement les pleures et le silence des congolais qui vont dans leurs tombes à la suite du VIH/SIDA leur infecté de force par les assaillants !
2.8. Et par la suite, des plaintes des déplacés de guerre, des filles et vieilles femmes violées, des enfants appelés « chegués » sans soutien, etc..
2.9. L’Etat des routes laisse à désirer, au point que KIN-la-belle devient KIN-la-poubelle! Que nous révèle les tronçons jugés vitaux pour la vie économique, reliant une commune à une autre ou toutes les cités à leurs marchés !
3. Au plan politico-administratif
Après plus de 100 jours de prestation des Institutions de la Transition dans leur ensemble, constatons avec regret:
3.1. L’absence de franc jeu entre protagonistes politique; les uns voulant tirer profit des conflits armés, les autres cherchant à traîner les pas dans la réalisation des programmes et des objectifs assignés à la Transition.
3.2. La réunification effective des territoires récemment libérés ne se fait pas sentir!
3.3. La lenteur intentionnelle de l’exécution dans la mise en place des Institutions d’appui à la démocratie qui, par ailleurs restent dotées de têtes ayant rang de ministres mais privées des membres pouvant les rendre opérationnelles.
3.4. L’absence de la volonté d’aller vite pour doter les différentes Institutions de la Transition d’un cadre organique en terme de loi-cadre.
4. S’agissant du respect et de la réalisation de certains objectifs principaux édictés par l’Accord global et inclusif
4.1. Le terme RECONCILIATION mérite de faire l’objet d’une étude en commission lors des assises de la Table ronde que la Société Civile compte organiser sous peu.
En effet, il faut que l’on définisse les mécanismes d’une réconciliation durable et non celle de façade car:
-Comment réconcilier ceux qui pleurent leurs membres de familles avec ceux qui les ont massacrés ? Ce n’est pas uniquement par le partage des pouvoirs !
-Comment réconcilier ceux qui ont été spoliés, clochardisés avec ceux qui en ont été les auteurs ?
Il importe de trouver une formule qui aurait comme soubassement la repentance, le pardon, la justice et la réparation des torts causés à autrui.
5. Enfin, concernant le partage des postes de responsabilités, pourtant réglementé par le D.I.C.
5.1. La Société Civile voit mal comment un même peuple puisse avoir en son sein des acteurs d’un coté et de l’autre, des spectateurs !
Bien plus, parmi les composantes qui constituent la Société Civile, certains dirigeants qui ont été délégués par leur ensemble usurpent les droits de ceux qui les ont délégués au D.I.C., au seul motif qu’ils ont le titre de Députés !
5.2. Comment comprendre que ceux là mêmes qui ont été délégués, et qui du fait de la stipulation de l’Accord global et inclusif bénéficiant déjà des postes de responsabilités au Parlement et au Gouvernement, ne puissent pas comprendre la logique de laisser les quelques postes qui se dégagent dans la Territoriale, la Diplomatie ainsi que dans le portefeuille de l’Etat aux composantes délégantes.
Ce ne serait que justice !
Agir autrement constituerait une violation de l’Accord global et inclusif et de l’article 17 de la Constitution de la Transition !
Il en est de même de la classe politique qui pratique non pas l’inclusion mais bien l’exclusion des 211 Partis Politiques puisque n’ayant pas été au D.I.C. !
En clair, le Colloque a réaffirmé sa mission qui consiste à rechercher le bien être et l'épanouissement de la population en jouant son rôle de contrepoids, de forces de propositions et de facilitateur chargé de faire pressions sur les gouvernants en vue d'obtenir d'eux des décisions conformes aux attentes du peuple. Car en effet:
- Les dirigeants politiques et militaires congolais ont trop étalé leur irresponsabilité et leur aventurisme ;
- La Société Civile a trop déçu par ses divisions intestines et l'opportunisme de certains de ses animateurs ;
- La misère du peuple congolais a atteint son paroxysme et ce dernier est au bout de sa souffrance. Il veut donc se réveiller et agir.
Pour terminer, la Société Civile Congolaise invite toutes les plates-formes qui la composent, y compris celles qui ont déjà acquis un poste de responsabilités dans les Institutions de la Transition à rehausser de leur présence la Table ronde d’entente nationale prévue dans les tous prochains jours.
Fait à Kinshasa, le 12 décembre 2003.
Pour la Coordination du Colloque,
Emmanuel NDIADIA KANDOLO
Coordonnateur National de FORCAS.
