Visite de réconfort de l’autorité provinciale aux déplacés de Lemera
Le gouverneur leur promet un retour proche, pendant que la 10è Région militaire dénonce les moyens logistiques limités mis à sa disposition
Du vendredi 30 avril au samedi 01 mai 2004, le gouverneur ad intérim du Sud-Kivu, monsieur Jean-Pierre Mazambi Munyatangoyi, a rendu une visite de réconfort moral aux populations déplacées des groupements Lemera et Kigoma de la collectivité-chefferie des Bafuliru en territoire d’Uvira. L’autorité provinciale était accompagnée d’une forte délégation comprenant notamment son vice Tomi Tambwe, le Directeur de Province et 2 députés de la composante RCD ressortissants du territoire d’Uvira, madame Marthe Bashomberwa et Mr Ruhara.
Dans son message à la foule immense qui l’attendait ce samedi à Sange, l’autorité a stigmatisé l’horreur entretenue en 1994 au Rwanda par les Interahamwe qui, manifestement, la poursuivent en RD Congo.
Invitant ses administrés à ne pas perdre l’espoir, le gouverneur a.i. a, de manière directe, promis de permettre un retour rapide dans leurs localités de provenance des dizaines de milliers de réfugiés internes au Sud-Kivu. « Le Sud-Kivu et le Congo ont un seul ennemi commun : les Interahamwe, et nous devons le combattre par tous les moyens », a martelé monsieur Mazambi.
C’est alors qu’il a annoncé que dès ce lundi 03/05/2004, les organismes internationaux, PAM/Bukavu et Caritas /Uvira, pourront distribuer les premiers secours à ces victimes, qui se chiffrent actuellement à 2914 familles accueillies dans la cité de Sange, 325 à Nyamugali-Luberizi et 113 à Mutarule pour ne citer que ces localités. D’autres ménages en fuite étant hébergées à Runingu et Luvungi
Après ce message au grand public, les représentants des communautés vivant les territoires de Fizi et Uvira à savoir les Bafuliru, Bavira, Banyamulenge, Babwari, Babembe, Bashi, Barundi, Barega, Banyindu, … ont été conviés à une concertation dans la salle de spectacles de l’Institut Usalama/Sange. Celle-ci consistait à identifier la situation du conflit dans le Sud de la province à partir du 1994 et à sortir un mémorandum pour la paix.
Le Colonel Simba Hussein, Assistant du commandant de la 10è Région militaire conduisant les opérations, a justifié l’attaque contre les FDLR et Interahamwe basés en groupement Kigoma par le souci de prévenir l’invasion du territoire congolais par le Rwanda. Il a reconnu et dénoncé en même temps l’insuffisance des moyens logistiques mis à la disposition des troupes sous sa conduite.
Pour sa part, la population, surtout les déplacés, saluant l’attaque en cours des FARDC, a mis dos à dos les forces combattantes congolaises et les FDLR-Interahamwe. En fait, ces derniers sont une menace effective à la paix, mais aussi, il y a lieu de se questionner :
- Pourquoi en son temps, le RCD n’avait pas répondu positivement à l’appel lui lancé à plusieurs reprises par les populations de démanteler ces forces négatives pendant qu’elles étaient encore moins nombreuses ?
- D’où viennent-ils et comment expliquer la discipline et le moral élevé des nouveaux venus éléments rwandais, à l’instar des forces de l’APR ?
- Pourquoi combattre ces forces étrangères en les poussant ou en les ramenant à l’intérieur du Congo au lieu de les contraindre à retourner chez elles au Rwanda ? N’est-ce pas là une astuce de pérenniser leur présence dans notre pays, au grand dam des populations civiles et des relations de bon voisinage entre le Congo et le Rwanda ?
- Comment expliquer que les militaires se complaisent aujourd’hui en toute impunité dans la récolte des champs et la démolition des maisons abandonnées au lieu de poursuivre jusque dans son dernier retranchement l’ennemi combattu ?
- Que dire de l’ambiguïté du comportement de la MONUC : force d’observation ou de maintien de la paix (chap 7) alors que les exactions contre les populations se poursuivent sous la barbe de cette force onusienne ?
Voilà quelques-unes des interrogations populaires extériorisées dans la réunion.
Si l’occasion a eu le mérite de réunir toutes les couches communautaires de la région, sa préparation précipitée explique que l’on se soit séparé en queue de poisson.
En effet, si certains points du mémorandum proposé ont rencontré l’assentiment de tous, notamment :
- disponibiliser les moyens humains et logistiques à l’armée pour combattre les FDLR et Interahamwe
- Interpeller la communauté internationale et la MONUC sur leur devoir de rapatrier tous les réfugiés et les forces combattantes étrangères
- Appeler la communauté internationale à faire pression sur le Rwanda afin d’ouvrir un dialogue inter-rwandais à l’instar de la RDC et du Burundi.
- Le droit légitime des populations d’Uvira et Fizi de bénéficier de la compassion et de l’assistance urgente du gouvernement de la transition et de la communauté internationale, … ;
certaines autres dispositions, recommandations émises ou omissions ont enflammé un grand nombre l’amenant à ne pas signer le document titré « cri d’alarme des populations des territoires d’Uvira, Fizi et Minembwe ». Il s’agit de :
1° la mention « mouvement Ouest-Est des Interahamwe en violation des accords signés en 2002 à Prétoria entre les présidents Kabila et Kagame,
2° La non inclusion dans le document des obstructions érigées par certaines composantes au gouvernement à permettre l’effectivité de la réunification et l’établissement de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national comme un jeu en faveur des pays étrangers et des forces FDLR et Interahamwe.
3° La référence faite à l’opération turquoise et la responsabilité de la France dans le déversement des Interahamwe au Congo en 1994, donc dans la situation actuelle, a été jugée par certains délégués comme se ranger sur la position du pouvoir rwandais.
4° La mention « territoire de Minembwe » au côté de ceux de Fizi et Uvira créé de toutes pièces par le RCD sans l’aval du Parlement national.
5° La composition de l’équipe qui a coordonné la réunion. Tous les membres ont été désignés par l’Administrateur du Territoire selon des critères qui lui sont propres et il est apparu que presque tous sont venus de Bukavu et Kinshasa, méconnaissaient les dernières réalités de terrain et étaient d’obédience du RCD.
En outre, même s’ils ne l’ont pas publiquement déclaré au cours du conclave des mutualités qui a duré de 13H00 à 17H00, certains sages locaux pensent que l’attaque contre les Interahamwe (vrais ou faux Interahamwe ) serait une mascarade visant à les pousser à occuper les bastions des ex-mai-mai (c’est aujourd’hui effectif pour Lemera-Katala) balisant ainsi la route à une autre guerre. Beaucoup de langues doutent de la volonté de l’armée congolaise actuellement dominée au Sud-Kivu par les ex-rebelles du RCD, à chasser les FDLR et Interahamwe des localités aujourd’hui sous leur contrôle. Un défi est alors lancé à la 10è Région militaire et au gouvernement congolais.
D’autres leaders locaux estiment qu’il est indispensable de retourner, même momentanément, les commandants ex-mai-mai retenus à Kinshasa après leur formation, pour qu’ils redonnent le moral à leurs éléments et prêtent main forte dans cette entreprise salutaire de combattre les forces FDLR et Interahamwe.
Fait à Bukavu, le 04/05/2004
Héritiers de la Justice
